Interview de Philippe-Henri Burlisson : Directeur des Gestions Fondamentales chez Groupama AM

Philippe-Henri Burlisson

Directeur des Gestions Fondamentales chez Groupama AM

Cac 40 : une cible à 4100 points d'ici 12 mois, soit un peu moins de 10% de progression avec les dividendes

Publié le 23 Mars 2011

Quel regard portez-vous sur l’accord trouvé par les ministres des finances sur les contours du futur Fonds de soutien à la zone euro qui devrait entrer en vigueur en 2013 ? Les ministres se sont entendus pour doter le mécanisme européen de stabilité d’un capital de 700 milliards d’euros. Les Etats membres de la zone euro devront verser 80 milliards d’euros dès la constitution en juillet 2013, à due concurrence, environ, de leur part de capital dans la BCE. Les 620 milliards restant seront puisés pour l’essentiel sur les marchés au cours des trois années suivantes.
Ce qui a été annoncé est une très bonne nouvelle. Le marché n’attendait pas cet accord aussi rapidement et ne tablaient sur un montant aussi élevé. Cette entente suffit à rassurer sur les primes de risque.

Le sommet européen qui devrait se tenir les 24 et 25 mars prochains devraient apporter de multiples précisions. Sur quels points au juste ?
Tout d’abord, en ce qui concerne les achats de dette sur le marché secondaire. Le seul mécanisme qui existe est Security Market Program orchestré par les banques centrales et qui fait de l’achat direct de la dette en stock. Pour le moment on ne sait pas ce qu’il adviendra le jour où le Security Market Program aura atteint son quota ou s’il s’arrête.
Les achats de titres envisagés dans le cadre de l’EFSF ou sur l’ESM ne concernent que le marché primaire et sous certaines conditions.

Par ailleurs, nous n’avons pas encore de précision sur la fixation du taux d’intérêt. L’EFSF comme l’ESM sont des mécanismes de prêt. Le niveau des taux qui seront fixés aura des répercussions importantes sur les marchés.

Ensuite, le pacte pour l’euro va contraindre les Etats à modifier leur législation locale. Les interrogations portent sur l’ampleur de ces réformes et leur acceptation par la population. Est-ce que les peuples seront en mesure de supporter les nouvelles adaptations, les nouveaux ajustements ?

Enfin, des éclaircissements devront être apportés sur le mécanisme de sanctions automatiques et sur les conditions d’accessibilité au fonds de soutien.

Vous attendez-vous à des annonces pour chacun de ces sujets ?
Avant le précédent sommet, nous avions tendance à penser que les choses allaient prendre du temps à se mettre en place. Le sommet du 11 mars nous a étonnamment surpris par l’ampleur et la vitesse des décisions. Compte tenu de la dynamique actuelle des politiques sur le sujet, nous pourrions effectivement avoir des annonces d’ici la fin de la semaine.

Les sujets les moins difficiles à régler sont ceux liés au mécanisme de fixation des taux, à l’éligibilité et aux sanctions automatiques. En revanche, l’achat dans le secondaire et les conséquences dans les législations nationales sont des sujets plus délicats qui demanderont plus de temps.

A coté de ces éléments rassurants, d’autres nouvelles récentes sont beaucoup moins positives. On citera la dégradation par Moody’s des notations de la Grèce, de l’Espagne, et du Portugal. De quelle manière pensez-vous que la perception de la crise de la dette par les marchés va-t-elle évoluer ?

Les primes de risque des Etats périphériques ont été tellement hautes qu’elles se sont nettement décorrélées de l’action des agences de notation. L’attention des investisseurs était principalement focalisée sur les mécanismes de solidarité et de transfert de flux entre les Etats. A l’avenir, les annonces politiques devraient avoir beaucoup plus de poids que les annonces des agences de notation.

Le Portugal court le risque de connaitre une crise politique déstabilisante. Ne peut-on pas craindre que l’attention des investisseurs sur ce pays fasse évoluer la tendance dans le mauvais sens ?

Tant que le Portugal n’aura pas clarifié s’il envisage ou pas de faire appel à l’aide, on aura beaucoup d’instabilité et de turbulence aussi bien en interne où le premier ministre a menacé de démissionner, qu’en externe avec le reste des pays de la zone euro. Cela m’étonnerait que les officiels de la zone laissent longtemps le Portugal dans ce no man’s land.
A un moment ou à un autre, on aura un positionnement.

Vous pensez donc que la crise de la dette devrait cette année beaucoup moins dicter les tendances sur les marchés?
Clairement pas autant qu’en 2010. Ce seront davantage les conséquences de ces embryons de solidarité et ces embryons de mécanisme de transfert qui dicteront le marché.

Dans un autre registre, le marché s’attend à une forte progression du taux directeur de la BCE au cours des prochains mois. Qu’en pensez-vous ?
Le marché table sur une progression du taux de la BCE de quasiment 1 pourcent sur 12 mois. C’est exagéré. Nous anticipons une hausse de 50 bp sur 12 mois soit deux hausses de 25 bp espacées dans le temps sur la base d’un scénario d’une absence de tension inflationniste durable.

Au final, compte tenu de ces différents paramètres qu’escomptez-vous pour le marché actions et le marché crédit dans la zone euro pour les trimestres à venir ?
Quand on essais de faire une équation avec tous les facteurs de risque et les paramètres positifs, on termine avec un solde qui pour nous reste positif. Nous avons des forces de rappel important que ce soit sur les actions ou sur le crédit. Sur les actions, nous avons des forces de rappel de flux. On ne peut pas lutter contre la marée lorsque le coefficient de marée est aussi fort. Les souscriptions dans les fonds actions européennes et américaines sont importantes. Les anticipations des opérations de fusion-acquisitions sont très fortes. Les transferts de capitaux et d’investissement des zones émergentes vers les zones domestiques et les pays développés le sont aussi et enfin les valorisations sont également attractives.
Sur le crédit, on a la force de rappel du rendement recherché par les investisseurs de long terme.

Quel pourrait être le potentiel de progression sur le marché actions ?
On affiche une cible de Cac à 4100 points d’ici 12 mois, soit un peu moins de 10% de progression avec les dividendes. Sachant que nous ne serons pas dans un long fleuve tranquille et qu’il y aura beaucoup de volatilité.

Propos recueillis par Imen Hazgui