Interview de Dominique  Barbet : Responsable de la recherche économique de marché chez BNP Paribas

Dominique Barbet

Responsable de la recherche économique de marché chez BNP Paribas

Zone euro : nous prévoyons une inflation à 2,9% pour l'ensemble de l'année 2011

Publié le 05 Mai 2011

Quel regard portez-vous sur l’évolution de l’inflation dans la zone euro ?
Cette inflation a augmenté plus vite que ce le marché anticipait et que ce la BCE attendait.

Cette accélération de l’inflation était clairement un risque que vous entrevoyiez depuis longtemps ?
La BCE avait publié des prévisions économiques au mois de mars où il était visible que l’estimation d’inflation était basse.
La fourchette pour l’inflation moyenne sur l’ensemble de l’année était donnée entre 2 et 2,6%. Nous sommes pratiquement au maximum de cette fourchette si l’on considère l’évolution de l’inflation depuis le début de l’année. Il y a de fortes chances que ce seuil soit dépassé. Nos chiffres tablent pour une inflation à 2,9% pour l’ensemble de l’année.

Une révision de la fourchette de l’inflation est donc à prévoir pour le mois de juin ?
Cette révision se justifierait en particulier du fait d’une progression du prix du baril de pétrole. La fourchette de mars avait été calculée à partir du prix du baril de la mi-février qui était d’environ 102 dollars. La fourchette qui sera donnée au mois de juin aura pour base le prix du baril de la mi-mai.
A l’heure qu’il est, le prix du baril est d’environ 122 dollars. A moins d’un effondrement dans les jours qui viennent, ce qui est peu probable, nous devrions rester aux alentours de ce prix de 120 dollars. La nouvelle fourchette d’inflation devrait en conséquence être comprise entre 2,6 et 3%. Le point central de cette fourchette serait de 2,8%.

C’est donc en prévision de cette révision que Jean Claude Trichet pourrrait évoquer ce jeudi une "strong vigilance" ?
Effectivement. Le gouverneur de la BCE pourrait par là donner le signal au marché d’un relèvement très probable du taux directeur dès le mois de juin.

Ce relèvement devrait cependant être limité à 0,25 points de base ?
Les marchés sont déjà très nerveux. Ce n’est pas le moment de créer une surprise qui pourrait accentuer cette nervosité.
Une remontée du taux directeur de 0,25 points de base par trimestre parait probable. Pour notre part nous tablons sur un taux directeur de 2% au début de l’année 2012.

Des effets de second tour sont-ils à craindre selon vous ?
Plus le niveau de l’inflation globale augmentera rapidement et pour longtemps, et plus le risque de voir des effets de second tour se dessiner est important. Or on ne voit pas de solution rapide aux différents facteurs qui poussent les prix de l’énergie à la hausse. Les séquelles des désastres survenus au Japon mettront du temps à se résorber. Les tensions dans le monde arabe ne se sont pas du tout apaisées.

On remarque déjà l’apparition de ces effets de second tour…
En Belgique, notamment, il y a une indexation systématique des salaires et des prestations sociales sur l’inflation. Chaque type d’entreprise et de prestataire social peut avoir son propre système d’indexation. Ceci étant le taux pivot, qui est la référence la plus fréquente, a été franchi lors de la dernière publication de l’indice des prix. Et de ce fait, une revalorisation de 2% est à attendre.
En Allemagne, la baisse du chômage conduit à renforcer les revendications salariales. De même en est il pour des pays qui gravitent autour de l’économie allemande comme les Pays- Bas ou encore l’Autriche.

Comment voyez-vous évoluer l’inflation l’année prochaine ?
Donner une estimation d’inflation pour 2012 est difficile.

Il y a une grande préoccupation sur les répercussions que pourrait avoir cette hausse du taux directeur sur les économies fragilisées de la zone euro. Qu’en pensez-vous ?
Le décalage entre les pays à croissance forte et les pays à croissance faible se creuse. Le premier groupe de pays pèse cependant plus dans le poids économique de la zone.
La BCE n’a pas 36 façons d’agir. Elle n’a à sa disposition que deux instruments : un taux d’intérêt valable pour toute la zone euro qu’elle utilise pour gérer le risque inflationniste et une politique de liquidité qu’elle utilise pour gérer la crise financière. La politique monétaire dans ses deux branches doit être adaptée à l’ensemble des pays qui composent la zone.


Propos recueillis par Imen Hazgui