Interview de Raymond  Van der Putten  : Economiste au sein de BNP Paribas, spécialisé sur le Japon

Raymond Van der Putten

Economiste au sein de BNP Paribas, spécialisé sur le Japon

Le moteur japonais devrait tourner à plein régime à partir de septembre 2011

Publié le 31 Mai 2011

La production industrielle a enregistré une hausse de 1% alors que le consensus tablait sur une progression de plus de 2%. Qu’en pensez-vous ?
On avait également prévu le mois dernier un rebond plus important qu’avéré.
C’est essentiellement la rupture de la chaine d’approvisionnement qui explique cette faible croissance de la production. Même si les entreprises japonaises ont reconstruit leurs capacités de production, elles ne peuvent pas tourner à plein régime en raison d’un manque de pièces détachées.

Les producteurs japonais ont donné ce matin une prévision de croissance de la production pour mai de 8%. Cela vous semble-t-il plausible ?
Un rebond de 8% pour le mois de mai ne me parait pas atteignable. Les entreprises ne peuvent toujours pas utiliser la totalité de leur capacité en raison d’un manque de pièces. Par ailleurs, de nombreuses sociétés nippones ont prolongé les vacances de la fin du mois d’avril. Nous devrions encore être déçus par rapport le chiffre du mois de mai.

D’après vous cela prendra combien de temps avant que les problèmes d’approvisionnement ne soient réglés ?
Je pense qu’il faudra attendre jusqu’au mois de juillet. Cependant un autre problème devrait prendre le relai à ce moment là, à savoir la pénurie d’électricité.
Pour autant, parce qu’un plan d’épargne sur l’électricité a été mis en place, nous pensons que cette pénurie sera de moindre ampleur que ce nous avions initialement anticipé.

Est-ce à dire qu’à aucun moment vous voyez la production industrielle augmenter de manière significative ?
A partir du mois de septembre, la production industrielle devrait fortement s’intensifier. Le quatrième trimestre 2011 devrait être un très bon trimestre. Le taux de progression de la production industrielle pourrait à ce moment là égaler les 8%.

Moody’s a décidé de mettre la dette japonaise sous perspective négative avec une possible dégradation…
Nous partageons la préoccupation de Moody’s s’agissant de la dette japonaise. A la suite des désastres survenus en début d’année, cette préoccupation est encore plus forte. La reconstruction va devoir être financée. Si le premier plan qui va prochainement être lancé sera a priori finalement finançable par le budget actuel, un deuxième plan est envisagé. Il sera plus difficile de trouver les fonds pour financer ce plan là. Des obligations devraient être émises par l’Etat. Nous espérons que ces obligations seront en partie compensées par une augmentation temporaire des impôts.

C’est l’hypothèse mise en avant par le gouvernement japonais pour le moment. Nous ne sommes toutefois pas certains que cela sera bien le cas. Il est possible que l’Etat se contente seulement d’emprunter sur le marché et que cet emprunt alourdisse davantage la dette.

La spécificité de cette dette est qu’elle est majoritairement interne. Le Japon se finance avec l’excès d’épargne des japonais. Pensez vous que cela pourra toujours être le cas à l’avenir ?

Il est vrai que la dette japonaise est facilement finançable grâce aux ménages et aux entreprises japonaises qui ont beaucoup de liquidités. Nous ne pensons pas que cette tendance sera insoutenable à l’avenir.
Cela ne dispense le Japon de la nécessité de procéder à un assainissement de sa dette. Les autorités japonaises ont en conscience.

Portez- vous au final un regard inquiet sur l’économie japonaise ?
Pas du tout. Nous avons une vision très positive. La reconstruction avance à un rythme plus rapide que ce nous avions anticipé. Les entreprises épargnent beaucoup d’électricité.
Nous tablons sur un taux de croissance du PIB de -1% en 2011 et de 2% en 2012.

Propos recueillis par Imen Hazgui