Interview de Alexandre Hezez : Gérant actions au sein de la société de gestion Convictions AM

Alexandre Hezez

Gérant actions au sein de la société de gestion Convictions AM

La BCE pourrait racheter entre 150 et 170 milliards supplémentaires de titres de dette italienne et espagnole

Publié le 16 Août 2011

La BCE aurait racheté encore 1 milliard au total de titres de dette espagnole et italienne aujourd’hui après en avoir acheté pour 22 milliards d’euros la semaine dernière. Quel regard portez-vous sur l’intervention massive de la BCE ?
La BCE reste encore le seul organe européen qui puisse intervenir à une échelle importante pour le moment.
En théorie la BCE pourrait agir ad vitam eternam. La Fed a acheté 1200 milliards titres de dette américaine. La différence entre les deux est que le mandat de la BCE est empreint d’une plus grande rigueur. En cela l’institution pose par principe une condition sine qua non de réduction des déficits budgétaires des Etats.

Selon vous la BCE dispose encore d’une marge de manœuvre sans que l’on ait à la critiquer d’une monétisation à outrance ?
Si l’on regarde ce qui a été fait sur la Grèce, l’Irlande et le Portugal, nous pourrions imaginer une BCE qui rachète entre 150 et 170 milliards supplémentaires de titres de dette italienne et espagnole sans qu’elle atteigne le pic du bilan qu’elle avait atteint l’année dernière.

A ce jour, la BCE a acheté pour 96 milliards de titres de dette des pays périphériques. Son bilan atteint 2063 milliards de dollars. Au plus haut, la BCE avait un bilan de 2179 milliards en 2008. Avant la crise, ce bilan s’élevait à 1500 milliards d’euros.

On peut se questionner sur ce que serait l’évolution des spreads de l’Italie et de l’Espagne si la BCE venait arrêter ses rachats…
On ne peut pas vraiment dire que les rachats massifs de titres de dette grecque, irlandaise et portugaise aient été un succès notoire. L’accalmie sur les spreads de ces pays n’a été que temporaire. Très rapidement les écarts de taux ont repris de plus belle. Les trois échecs s’expliquent par l’absence d’une réforme de la gouvernance européenne concomitante.

Cette réforme de la gouvernance continue à faire défaut. Aussi, en aucun cas, la confiance n’a été restaurée sur les titres italiens et espagnols. Les taux ne sont maintenus à un niveau moindre qu’artificiellement. Les problèmes de fond n’ont pas été réglés.
Il est alors fort probable que si la BCE venait à arrêter ses opérations de rachat, les taux à 10 ans italiens et espagnols reprendraient leur ascension sans confiance budgétaire.

Entre les tensions sur les obligations d’Etats et les tensions sur les obligations bancaires, la BCE doit mener de front deux combats intensifs. Sera-t-elle en mesure de tenir la cadence ?
La tension existe dans le secteur bancaire notamment du fait de la crise de la dette mais nous sommes encore loin de connaitre un scénario comparable à celui qui a prévalu à la suite de la déroute de Lehman Brothers.
Dans les 49 milliards qui ont été demandé à la BCE, on ne compte pas beaucoup d’établissements. Par ailleurs, il n’y a pas eu de d’activation du programme de liquidités en dollars. Lorsque les banques anglo saxonnes ne veulent plus prêter aux banques européennes en dollars, la BCE signe des accords avec la Fed pour faire l’intermédiaire. Il n’y a pas eu pour le moment cette mise en œuvre.

Selon vous, il ne faut pas que la situation s’apaise…

Il faut que nous restions au bord du précipice auquel cas les politiques ne feront rien. Si la situation s’améliore, si les craintes s’éloignent, jamais le Parlement allemand ne sera proactif sur les réformes et les engagements envers l’Euro. C’est le meilleur gage d’avancement de l’Europe…

Propos recueillis par Imen Hazgui