Interview de Adrian  Paturle  : Gérant de portefeuille obligataire au sein de Axiom Alternative Investments

Adrian Paturle

Gérant de portefeuille obligataire au sein de Axiom Alternative Investments

Rachat de dette espagnole et italienne par la BCE : le montant de 22 milliards d'euros est à relativiser

Publié le 16 Août 2011

Quel regard portez-vous sur le rachat de dette par la BCE à hauteur de 22 milliards d’euros pour la seule semaine dernière ?
L’intervention massive de la BCE est à accueillir positivement, principalement dans un marché peu liquide comme celui que l’on connait depuis le début du mois d’août.
La violence des mouvements qui se sont dessinés en plein mois d’ août amène à penser que ce sont surtout les spéculateurs qui ont fait le marché ces derniers jours. Les investisseurs directionnels étant traditionnellement moins actifs en cette période de l’année.
Que ces spéculateurs sentent qu’il y a un acteur en face d’eux à même de contre carrer leur plan est une bonne chose.

Pour vous, le montant de 22 milliards d’euros est à relativiser…

Il est à relativiser tout d’abord eu égard au volume de liquidité injecté en pleine crise en 2008-2009.
Il est ensuite à relativiser compte tenu du volume de dette en circulation de ces deux grands pays (1900 milliards de titres de dette italienne et 500 milliards de titres de dette espagnole).
Il est enfin à considérer eu égard aux effets conséquents de cette intervention. Les taux d’intérêt à dix ans italiens et espagnols ont reculé de plus de 100 points de base.
Il faut dire, par ailleurs, que la BCE n’était pas intervenue sur le marché depuis plusieurs mois.

Cette injection massive de liquidités n’a-t-elle pas vocation à avoir des effets pervers ?
La BCE stérilise la masse de liquidité injectée contrairement à la Fed et à la Banque centrale d’Angleterre.

Ne peut-on pas s’interroger sur la capacité de la BCE à supporter un rythme d’achat aussi important dans les semaines à venir…
C’est moins une question de capacité qu’une question de volonté.
Ce qui est intéressant c’est que la BCE peut avoir une attitude active à l’égard de ces titres de dette qu’elle rachète.
Elle n’est pas contrainte de garder dans son bilan ces 22 milliards d’euros de titres jusqu’à leur échéance. Elle peut les revendre entre temps.

A présent, quelle analyse faites-vous de l’ouverture par la BCE du robinet de crédit aux établissements bancaires ? Le chiffre officiel publié mercredi rend compte d’une somme totale demandée à la banque centrale de 49 milliards d'euros.
Les coûts de financement interbancaires ont considérablement augmenté. Les spreads bancaires sont supérieurs aux niveaux de 2008-2009. Ce alors qu’ont été mis en place depuis deux ans des facilités pour se procurer de la liquidité auprès de la BCE, qu’ont été établis des plans de soutien de la part des Etats, et que des efforts importants ont été réalisés par les banques elles-mêmes pour améliorer les ratios de fonds propres.
Nous sommes confrontés à une véritable anomalie.
Face à ce stress grandissant, de nombreuses banques se sont orientées vers la BCE pour faire des réserves de liquidités importantes et pouvoir tenir dans cas où la situation venait à se dégrader.
J’espère, pour ma part, un retour à la normal à la rentrée en septembre.

On n’est encore loin de tester la capacité de la BCE s’agissant de ce robinet du crédit ?

La BCE est là pour sauvegarder le système.
Tant que le collatéral amené par les banques est de bonne qualité -d’autant plus que ces exigences de qualité ont été abaissées- la BCE acceptera de tendre la main aux établissements bancaires en difficultés.

D’un coté la BCE est contrainte à intervenir massivement pour racheter les titres de dette de l’Italie et de l’Espagne et de l’autre elle est amenée à répondre à une demande de crédit de la part de plus en plus d’établissements bancaires. On a l’impression que c’est la seule institution européenne à véritablement agir de front. Jusqu'à quand peut-elle le faire ?
Le rôle de la BCE est de maintenir une inflation basse. Si l’on tient compte des derniers chiffres parus sur la croissance allemande et sur la croissance en zone euro, on peut se dire qu’a priori on ne devrait pas avoir de difficultés de ce coté là.

Propos recueillis par Imen Hazgui