Interview de Henri Sterdyniak : Directeur du département Economie de la mondialisation à l'OFCE (Sciences Po)

Henri Sterdyniak

Directeur du département Economie de la mondialisation à l'OFCE (Sciences Po)

Il faut une taxe, sinon mondiale, au moins européenne

Publié le 11 Janvier 2012

La taxe sur les transactions financières, ou taxe Tobin, pourrait voir le jour en France en 2012. Quelle est son utilité ?
La taxe Tobin a vocation à frapper toutes les transactions financières de manière à ralentir le rythme et diminuer le nombre des transactions. En faisant cela, on parvient à limiter les allers-retours sur les différents produits, autrement dit la spéculation. L’objectif est de rendre moins rentables les activités de marché par rapport aux activités classiques de dépôt et de crédit. Et de dire aux banques : ne gâchez plus vos fonds propres à des activités de marché, gardez les plutôt pour garantir vos dépôts et vos crédits. Le second objectif, c’est d’arriver à un enregistrement de toutes les transactions, pour améliorer la stabilité et la transparence du système financier. Encore faut-il que les banques jouent le jeu.

La France a-t-elle raison de faire cavalier seul sur cette question ?
Non. La France a une stratégie brouillonne qui consiste à intervenir brutalement pour faire avancer les choses mais elle risque de se mettre en porte-à-faux avec les processus de décision européens. Si on veut une vraie taxation sur les transactions financières, il faut que celle-ci frappe les transactions entre institutions financières, autrement dit une taxe, sinon mondiale, au moins européenne.

La taxe à la française risque de frapper surtout les ménages et les agents non-financiers



La taxe à la française n’aura pas un poids suffisant. Surtout, elle risque de frapper les ménages et les agents non-financiers, plutôt que les institutions financières qui pourront délocaliser un certain nombre de transactions dans des filiales à l’étranger. La seule chose que la France puisse taxer, ce sont les transactions entre résidents français et les institutions financières françaises. Cela peut être intéressant du point de vue redistributif, mais ce n’est pas efficace dans la lutte contre la spéculation.

Est-il possible de trouver un accord européen comme le souhaite l’Allemagne ?
Il faut essayer. La bonne stratégie consiste à mettre en place une taxe à l’échelle de la zone euro puis d’y inclure le Royaume-Uni, de façon à avoir une base européenne solide pour ensuite convaincre les pays tiers. Contrairement à ce qu’on croit, la Grande-Bretagne veut aussi réguler son système bancaire et financier. La messe n’est pas dite. Mais cela demande du temps. C’est un travail de longue haleine, tandis que la stratégie de Nicolas Sarkozy est de monter un « coup » qui est contradictoire avec une négociation au niveau européen.

Propos recueillis par François Schott