Interview de Franck Dixmier : Directeur de la gestion chez Allianz Global Investors France

Franck Dixmier

Directeur de la gestion chez Allianz Global Investors France

La sortie de la Grèce de la zone euro jettera les marchés dans un chaos total

Publié le 31 Mai 2012

♦Vous attendiez-vous à ce que l’on retombe de nouveau dans une crise de défiance à l’égard de la zone euro ?
Nous pensions que les autorités politiques avaient été suffisamment claires dans leurs engagements par le biais du Pacte fiscal annoncé début décembre 2011, du LTRO de la BCE servant à atténuer le risque de liquidité des banques européennes, de l’opération de restructuration de la dette grecque qui a conduit à un abandon de 100 milliards d’euros avec des clauses d’action collective qui ont permis d’appeler les garanties sur les CDS.

Quelle analyse faites-vous de la situation grecque à ce jour ?

Nous avons deux messages très différents qui émanent du peuple grec. Selon les enquêtes d’opinion, l’essentiel de la population grecque serait attachée à la zone euro. Cependant, leur vote est en décalage avec cet attachement. Des partis de protestation qui n’adhérent absolument pas aux engagements structurels pris par le gouvernement grec pour assainir ses finances publiques et restaurer la confiance des marchés sont aux portes du pouvoir.

De nouvelles élections législatives auront lieu le 17 juin prochain. Soit les grecs mettent au pouvoir une coalition qui valide les engagements pris. Dans ce cas les montants promis par les instances européennes et le FMI seront débouclés. Les plans de soutien ont été massifs, de 110 milliards d’euros, et de 130 milliards d’euros. Le coût de soutien à la Grèce représente 750 euros par habitant de la zone euro alors que le poids du pays n’est que de 2% dans le PIB de la zone euro.
Soit ce ne sera pas le cas, et la Grèce serait potentiellement amenée à faire défaut dès le mois de juillet en quittant la zone euro.
Ce n’est pas notre scénario principal et ce n’est de notre point de vue pas souhaitable mais dans le cas où ce défaut se concrétiserait, nous pouvons espérer que cette sortie sera ordonnée.

Nous avons encore 250 milliards de dette grecque logée pour les deux tiers au sein d’institutions publiques. La BCE détient directement 40 milliards d’euros. Cependant via le mécanisme Target 2 et les prêts accordés aux banques grecques, le montant est très supérieur, au-delà de 130 milliards d’euros. De ce fait les pertes potentielles pour l’institution monétaire peuvent s’avérer colossales.
Le message politique jettera les marchés dans un chaos total. La question qui sera ouvertement posée est : qui est le prochain ?

Selon vous la probabilité que la Grèce fasse défaut est-elle significative ?
Les aléas politiques sont importants et difficiles à appréhender. Ce que nous pouvons affirmer c’est que la probabilité de sortie de la Grèce de la zone euro est plus élevée qu’il y a un an.
Nous ne pouvons pas exclure un sursaut ultime de la population pour voter dans le bon sens, à l’instar du retour en arrière de Papandréou, lorsqu’il a voulu soumettre à un référendum la conduite de la politique d’austérité.

A quoi vous attendez vous concernant le Portugal ?
Le taux à dix ans portugais était à 16% en début d’année et à 11% actuellement. Le pays a su s’atteler à ses problèmes financiers de manière crédible. Le marché du travail a été réformé et rendu plus flexible. Le Portugal ne sera vraisemblablement pas en mesure de revenir sur les marchés en 2013. Néanmoins, de par son attitude, il aura sans doute accès à un second plan de soutien, après le premier plan qui s’est élevé à 75 milliards d’euros.

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Propos recueillis par Imen Hazgui