Interview de Frédéric  Rollin : Conseiller en stratégie d'investissement chez Pictet & Cie

Frédéric Rollin

Conseiller en stratégie d'investissement chez Pictet & Cie

Chine : vers un rebond du marché actions chinois en 2013

Publié le 27 Septembre 2012

La Chine, deuxième puissance économique mondiale semble connaitre un ralentissement sévère. Cela vous inquiète-t-il ?
Il est vrai que nous observons depuis plusieurs mois une baisse constante et structurelle de la croissance de la production industrielle chinoise. Celle-ci est passée en dessous de 9%, ce qui est relativement bas, dans la mesure où en période de croissance, cette production s’était élevée de 15% par an. Par ailleurs, le prix de l’acier dans le pays connait une baisse importante alors que la production d’acier est stagnante. Un risque de surproduction se profile donc.
Pour autant, à la constatation de ces chiffres, nous ne sommes pas inquiets. Nous sommes toujours dans l’idée d’un soft landing.

Ne pensez-vous pas que ce ralentissement pourrait au contrôle des autorités chinoises ?
Nous ne le pensons pas. Ce ralentissement est un effet retardé du resserrement de la politique économique entrepris après le vaste plan de relance lancé en 2009.
Il est également dû aux difficultés éprouvées en Europe et dans une moindre mesure aux Etats-Unis. Sur le Vieux continent, la situation de l’Espagne et de l’Italie a plombé la confiance des entrepreneurs, et des consommateurs, provoquant un essoufflement substantiel de la croissance.
Les récentes décisions des dirigeants de la zone euro, en particulier de la BCE, devrait conduire à une évolution positive dans ces deux grands pays européens. La Chine devrait en bénéficier.

Pensez-vous que la remontée de l’inflation constitue un frein à une intervention plus poussée de la Banque centrale chinoise ?

Il est vrai que les prix alimentaires, sur les plus bas récents, sont montés de 20%, suite à la forte sécheresse qui a sévi aux Etats-Unis.
Toutefois, la Banque centrale chinoise devrait faire peu de cas de cette hausse. Elle devrait considérer que ce n’est pas un choc de demande mais un choc d’offre, et qu’une hausse des taux n’arrangerait rien. Elle pourrait même envisager une baisse plus vigoureuse des taux pour soutenir la croissance qui aura souffert d’une désaffection plus significative des consommateurs.

Vous envisagez donc d’autres interventions de la part des autorités monétaires chinoises ?
Oui, à la fois sur le taux directeur et sur le taux de réserves obligatoires.

Vous ne partagez pas le point de vue selon lequel il y aurait une bulle immobilière en Chine ?
Depuis quatorze ans, nous avons une hausse des prix de 5% par an. C’est à peu près la même a augmentation constatée aux Etats-Unis après l’éclatement de la bulle de 2008. Pourtant, la croissance des revenus a été très supérieure en Chine.
Un chiffre record de volume de crédits accordés a été enregistré au mois d’août. Certains craignent des dérapages, essentiellement un accroissement du volume de crédits non performants en conséquence ?
La croissance de la masse monétaire M2 est d’environ 13,5% en glissement annuel. En 2009, la progression avait été de 30%. Nous en sommes loin.
Un volume de 700 milliards de yuan constitue une hausse par rapport au mois précédent. Ceci étant, nous étions aux environs de 1000 milliards de yuans en février. Nous étions montés jusqu’à 1900 milliards de yuans en 2009.
Si ce montant de 700 milliards est supérieur à ce qui était qu’attendu, il s’inscrit dans la moyenne de ces 18 derniers mois.

Toutefois, nous pourrions connaitre ce même montant tous les mois jusqu’à la fin de l’année ?
La poursuite de la reprise de l’octroi de crédits me semble être une donnée positive, si tant est que cela reste dans des proportions raisonnables.
N’auriez-vous pas l’impression d’un déversement de la liquidité de manière non maitrisée ?
Je pense que les autorités ont su tirer les leçons de 2009.

Plusieurs projets d’infrastructures ont été annoncés par Pékin pour contribuer à faire redémarrer la machine. Pour autant, les critiques liées à ces projets sont nombreuses. Certaines constructions sont envisagées comme économiquement non rentables ?

Dans un aussi grand pays émergent que la Chine, qui connait une forte croissance, avec un processus de modernisation accéléré, on trouvera toujours des exemples de mauvaise allocation du capital. C'est sans aucun doute un frein à la croissance, mais dont l'évolution nous parait aller plutôt dans le bon sens.

Vous tablez sur un rebond du marché actions chinois. Qu’est-ce qui vous conduit à une telle prévision ?

Le redémarrage de la croissance dans le pays, un assouplissement supplémentaire de la politique monétaire, une diminution de l’aversion pour le risque en général dans le monde suite à une prise de conscience des effets positifs du nouveau plan de la BCE, une amélioration des chiffres économiques dans les grands blocs occidentaux, les indicateurs avancés de confiance et de moral des entreprises et consommateurs devraient être autant d’éléments qui iront dans le sens d’un rebond du marché actions chinois en 2013.


Propos recueillis par Imen Hazgui