Interview de Alexia  Latorre  : Gestionnaire-analyste crédit spécialisée les obligations High Yield chez Lazard

Alexia Latorre

Gestionnaire-analyste crédit spécialisée les obligations High Yield chez Lazard

Il pourrait y avoir un transfert des fonds obligations d'entreprises risquées vers les fonds actions au second semestre 2013

Publié le 19 Décembre 2012

Quelle vision avez-vous de l’évolution des obligations des entreprises risquées (obligation high yield) cette année ?
Nous avons eu plus de 300 points de base de resserrement de spread en 2012, ce qui est très important. Cela n'a pas été sans volatilité compte tenu des interrogations et des doutes qui ont ponctués le 1er semestre.

Dans la chasse au rendement deux vecteurs étaient possibles dans le compartiment du crédit : les obligations émises par les sociétés financières et les obligations émises par les sociétés notées HY. Beaucoup de nouveaux investisseurs se sont rués vers ces derniers instruments.

A quoi vous attendez-vous en 2013 pour ce qui est du resserrement des spreads, du taux de défaut, du volume d’émission ?
Le taux de défaut devrait se situer autour de 3-4% contre 2,5-3% cette année. La liste des sociétés susceptibles de faire véritablement défaut est courte.
Il faut ensuite différencier pure défaut et défaut technique. Moody's associe à un défaut une opération de restructuration comme le rachat par une société de ses obligations en dessous du pair.
Ces défauts techniques concernent généralement des obligations qui traitent déjà sur des niveaux bas (60-80%), le risque de restructuration étant déjà grandement intégré dans les prix.

Les spreads ne cessent de se resserrer tous les jours. Difficile de dire à quel niveau ils vont terminer l'année. Je m'attends à 50 bp de resserrement l’année prochaine. Considérant un portage à 6%, avec ce resserrement, cela nous donne une performance de 8%.

Cette année entre 27 et 30 milliards d'euros de titres ont été émis. Je m'attends à une tendance haussière l'année prochaine.

A votre avis, assiste-t-on à une démocratisation de cette classe d’actifs. Pour certains, le terme de HY fait de moins en moins peur aux investisseurs ?

Effectivement, des acteurs qui ne venaient pas du tout sur cette classe d'actifs ont fait leur apparition.
Jusque là, les obligations d’entreprises avaient surtout l’engouement des investisseurs allemands qui n’hésitaient pas à les acheter en direct. Nous commençons à percevoir le même phénomène dans l'Hexagone, dans une moindre ampleur.

25 milliards de titres actuellement investment grade devraient être dégradés high yield l’année prochaine. Que pensez-vous de cette évaluation ?
Nous avons eu beaucoup de fallen angels cette année (Peugeot, Lafarge, ArcelorMittal). Cela a été absorbé facilement. Les investisseurs IG ont adapté leurs contraintes de manière à conserver ces titres dans leur portefeuille.
Je n'ai pas un montant précis en tête de fallen angels en 2013. Ce n'est pas du tout un sujet d'inquiétude. Dans cet environnement de taux bas, les flux entrants continueront à être soutenus dans la classe d'actifs.
Ceci étant, ce n'est pas parce qu'un émetteur passera d'IG à HY que son rendement va automatiquement augmenter. Ces fallen angels ne seront intéressant que quand leurs titres auront des rendements proches de leur comparable sur le high yield

Quels sont les risques identifiés pour la classe d’actifs en 2013 ?
Mis à part le risque macroéconomique, il pourrait y avoir un transfert des fonds HY vers les fonds actions au second semestre 2013 dans le cas où la conjoncture s'améliore significativement. Cela ne constitue pas notre scénario central.

Certains mettent en avant l’agressivité dont font preuve certains émetteurs ?
Dans ce marché porteur, la qualité des émetteurs a eu tendance à se détériorer. Des noms qui ne seraient pas sortis ont eu la possibilité de le faire.
Dans la structure même des deals, on peut assister à une recrudescence d'émissions type " covenant lite", c'est à dire avec peu de ratios financiers contraignants à respecter pour l'émetteur.
Si la demande soutenue se poursuit et que les taux restent bas, la qualité d'ensemble des émetteurs et des structures n'auront pas vocation à s'améliorer.

Quelles pourraient être les conséquences ?

Dans un premier temps les répercussions ne seront pas visibles. Ce n’est que lorsque les marchés se retourneront que l'on pourra le constater.
Pour contourner cette menace, l’idée est de ne pas aller sur des structures exotiques et de privilégier plutôt des structures classiques, en restant toujours très vigilants sur l'évolution des fondamentaux. Il ne faut pas aller à la quête du rendement à n’importe quel prix.

Qu’en est-il de votre allocation sur le plan sectoriel ?
Pour le moment nous ne sommes pas sur les secteurs cycliques mais plutôt sur les secteurs défensifs. : télécoms, câble, packaging, santé, service.
Nous considérons les émetteurs au cas par cas

Quels seraient les secteurs à éviter ?
Le secteur automobile et le secteur du transport n'ont pas un momentum très favorable à cause de problèmes de surcapacités.

Propos recueillis par Imen Hazgui