Interview de Michel Raud : Directeur de la gestion de Fourpoints IM

Michel Raud

Directeur de la gestion de Fourpoints IM

En matière d'actions européennes, nous évitons les utilities, les banques et les télécoms

Publié le 31 Janvier 2013

Vous avez été distingué en septembre dernier par la société Citywire, qui vous a élu « 3e meilleur gérant actions zone euro » sur les trois dernières années. Quelle est votre méthode ?
Notre stratégie d’investissement est fondée sur la croissance durable. Notre premier objectif est d’identifier les tendances macroéconomiques structurelles au niveau mondial afin de positionner le portefeuille sur les secteurs les plus porteurs à long terme. Ce sont par exemple l’augmentation de la population mondiale, le vieillissement, la mobilité et l’urbanisation qui tirent la croissance de secteurs comme l’industrie, la santé, ou la high tech. Dans ces secteurs, nous cherchons qui sont les leaders mondiaux – pas forcément le numéro un mais plutôt le numéro deux ou trois - et limitons nos recherches aux pays industrialisés. Cela donne un univers relativement stable de 250 – 300 valeurs. Parmi ces valeurs, nos ne retenons que les plus « solides ». Nous ne faisons pas de pari sur le rebond de telle ou telle entreprise en difficulté mais sommes au contraire très attentifs aux free cash flow car ce sont des garanties de retour aux actionnaires et de hausse du cours de bourse.

Vous évitez aussi certains secteurs comme les bancaires. Pour quelles raisons ?
Nous n’avons pas de « utilities » ni de télécom ni de banques. Nous pensons que ces trois secteurs vont connaître des années difficiles en Europe. Pour les banques, les critères de fonds propres et de liquidité vont peser durablement sur la rentabilité des capitaux investis. Les groupes européens sont en train de vendre leurs plus beaux actifs à l’étranger pour pouvoir satisfaire à ces critères. Par ailleurs, le risque dans les bilans demeure élevé.
Les opérateurs télécom pâtissent d’une pression tarifaire liée à l’arrivée de nouveaux entrants, comme en France. Le marché européen est devenu très favorable aux consommateurs mais beaucoup plus difficile pour les opérateurs qui voient leurs marges se réduire.
Quant aux utilities, elles subissent aussi une pression sur les marges car elles ne peuvent pas répercuter l’augmentation de leurs coûts sur leurs tarifs. C’est le cas de GDF Suez ou d’EDF en France qui doivent négocier en permanence des revalorisations de leurs tarifs avec le gouvernement.

Quelles valeurs de « croissance durable » ont intégré vos portefeuilles en 2012 ?
Nous sommes revenus sur LVMH et Swatch et Pernod Ricard. Ces valeurs ont connu une faiblesse passagère avant l’été, qui nous a permis de nous repositionner, mais elles restent tirées par la croissance des pays émergents.
Nous avons découvert Grifols, une société espagnole spécialisée dans les plasmas sanguins. C’est un marché avec de fortes barrières à l’entrée qui ne compte que trois gros acteurs. Grifols est l’un deux et vient de racheter le numéro deux américain. Dans le secteur de la santé toujours, nous avons mis en portefeuille la société italienne Sorin spécialisée dans les machines cœur-poumon utilisées lors des opérations à cœur ouvert.
Dans le domaine industriel, nous nous sommes positionnés sur Umicore, une société belge spécialisée dans les pots catalytiques. Là encore, c’est un leader mondial sur un marché en forte croissance grâce notamment au renforcement des normes antipollution. Umicore a par ailleurs développé une activité de recyclage des métaux rares contenus dans les PC et les téléphones portables et ouvre des usines partout dans le monde.

L’engouement actuel pour les actions européennes est-il justifié selon vous ? N’y a-t-il pas un risque de surchauffe au regard du contexte économique déprimé ?
Nous avons assisté fin 2012 à un rattrapage des actions européennes sur les autres classes d’actifs. Malgré tout, les valorisations des entreprises européennes restent très en-deçà de leur moyenne historique et de celles des entreprises américaines. L’écart entre le PE de Schiller et sa médiane long terme est encore de - 33% pour l’Europe (-44% pour la zone euro) ; il n’est plus que de - 7% pour les USA. Cependant ces ratios sont des moyennes concernant l'ensemble du marché. Ils intègrent les PE des banques et des utilities, qui, comme nous l’avons expliqué, sont bas et devraient le rester.
Il faut par conséquent rester très vigilant sur les points d’entrée et regarder les opportunités secteur par secteur, titre par titre.

Propos recueillis par François Schott