Interview de Nelly Davies : Gérante du fonds Ithaque-Megatrends de Tocqueville Finance

Nelly Davies

Gérante du fonds Ithaque-Megatrends de Tocqueville Finance

Nous n'investissons que dans des sociétés que nous comprenons

Publié le 18 Mars 2013

Vous avez revu de fond en comble la composition de votre fonds d’actions européennes, Ithaque, en début d’année. Pour quelle raison ?
Cette décision s’inscrit dans une logique de diversification de la gamme de Tocqueville Finance, afin de répondre aux attentes de nos clients. Avant son repositionnement, Ithaque était un fonds très « value », qui allait chercher des valeurs extrêmement décotées et cycliques (financières, industrielles) pour leur potentiel d’appréciation. La conséquence de ce positionnement était une volatilité extrême des performances. Cette volatilité n’est plus acceptable aujourd’hui par nos clients. C’est pourquoi nous avons opéré ce virage à 180° vers des valeurs qui suivent des tendances structurelles - les fameuses « Megatrends »- et par conséquent fortement décorrélées de la conjoncture. Nous avons aussi élargi le spectre aux small&mid cap, alors qu’auparavant le fonds n’investissait que dans de grandes capitalisations. Nous pensons en effet que le contexte européen est toujours caractérisé par une forte incertitude, se repositionner sur des thèmes qui présentent un caractère certain nous paraissait approprié.

Quelles sont ces méga-tendances à l’œuvre aujourd’hui ?
La première thématique est l’augmentation de la population mondiale qui s’accompagne d’un vieillissement des populations des pays développés, d’une augmentation du niveau de vie dans les pays émergents et d’une urbanisation croissante. Cet axe « démographique » représente plus de 50% de nos investissements à l’heure actuelle, dans des secteurs comme la santé (Sanofi, Roche, Sorin), la dépendance (Orpea), les biens d’équipement (Linde) ou de consommation (Adidas, Viscofan, Nutreco).

La gestion des ressources naturelles et le développement de nouvelles sources d’énergie constituent un autre axe important. Dans ce domaine, nous avons choisi des leaders mondiaux comme Rio Tinto (matières premières), Fiat Industrial (machines agricoles) ou Saint-Gobain (efficacité énergétique).
Le troisième axe est celui de l’innovation technologique au service notamment de la mobilité et de la connectivité. Nous y mettons des valeurs comme Ingenico, Eutelsat et ASML (leader mondial de la lithographie).

La dernière thématique est celle de la multiplication des échanges de biens et des flux migratoires qui vont de pair avec la croissance économique. Avec la mondialisation et l’émergence d’une classe moyenne dans un certain nombre de pays, le trafic aérien ne cesse d’augmenter. C’est pourquoi nous avons mis en portefeuille Air France-KLM, mais aussi Amadeus, le leader mondial des systèmes de réservation de billets d’avions.

Compte tenu de la faible croissance prévue en Europe, cherchez-vous systématiquement des valeurs très présentes dans les pays émergents ?
Non. Nous ne sommes pas un fonds de sociétés européennes exposées aux pays émergents. Dans le domaine de l’efficacité énergétique ou des énergies renouvelables, la croissance se trouve plutôt dans les pays développés. La croissance d’une société comme SAP (éditeur de logiciels à destination des entreprises) n’est pas dans les pays émergents mais dans les pays développés. Cela dit, l’exposition aux pays émergents peut être un sous thème et guider nos investissements notamment dans le secteur des biens de consommation (luxe, automobile, boisson).

Quelle est la philosophie de gestion de Tocqueville Finance ?

Le savoir-faire de Tocqueville Finance est dans le « stock picking », la sélection de valeurs après une analyse approfondie du business model. Nous nous méfions des valeurs « concept » qui n’ont pas de business model bien établi. Nous ne faisons pas d’analyse ‘top down’ (macroéconomique puis sectorielle) mais nous gardons également un œil très attentif aux valorisations. Pour résumer, nous n’investissons que dans des sociétés que nous comprenons et qui présentent des valorisations raisonnables. S’agissant plus particulièrement d’Ithaque - Megatrends, l’objectif est d’avoir une vision à long terme sans faire des allers-retours permanents. La durée de détention d’un titre est nécessairement longue car les thématiques Megatrends s’inscrivent dans la durée, même si nous sommes plus enclins, depuis la crise, à prendre nos bénéfices lorsqu’une valeur a beaucoup monté.

Propos recueillis par François Schott