Interview de Patrice Coulon : Directeur général délégué de GE Capital France

Patrice Coulon

Directeur général délégué de GE Capital France

Les PME françaises investissent nettement moins que leurs homologues allemandes et italiennes

Publié le 06 Juin 2013

Quelles conclusions tirez-vous de votre dernière enquête sur les intentions d’investissement des PME européennes (Baromètre Capex, GE Capital, premier trimestre 2013) ?
Au terme de ce sondage auprès de 2250 petites et moyennes entreprises dans 7 pays de l’Union européenne, nous avons été frappés par le contraste entre la France et ses voisins. En France, l’indice de confiance dans la croissance économique chute à -16 % alors qu’on était encore en territoire positif il y a six mois. Pendant ce temps, partout en Europe, cet indice est au pire stable, voire en hausse. Il se maintient en Allemagne et s’améliore de façon assez significative au Royaume-Uni et en Italie. En d’autres termes, le pessimisme s’est considérablement aggravé en France là où l’espoir renaît dans les pays limitrophes.

Comment expliquez-vous ce manque de confiance des entrepreneurs français ?
Il y a plusieurs raisons à cela. Tout d’abord, l’incertitude économique et l’absence de visibilité à court et moyen termes sont deux traits largement partagés par les chefs d’entreprises de l’Hexagone. A cela s’ajoute une inquiétude liée à la politique économique du gouvernement, perçue par certains comme défavorable. Sur les aspects fiscaux notamment, les entrepreneurs ne savent pas sur quel pied danser. Il en résulte un manque de confiance et surtout une réticence à investir.

Pourtant, les intentions d’investissement sont en hausse par rapport à celles exprimées lors de la précédente enquête, il y a six mois…

Cette hausse est toute relative : 63,3 milliards d’euros d’intentions d’investissement au premier trimestre, contre 59,8 milliards d’euros au dernier trimestre de l’année dernière. On reste sur des niveaux extrêmement bas. Les PME françaises prévoient d’investir nettement moins que leurs homologues allemandes et italiennes, respectivement 164 milliards et 79 milliards d’euros, et à peine plus que leurs homologues britanniques qui prévoient d’investir 59 milliards d’euros. Encore une fois, c’est la tendance qui est inquiétante. Sur l’ensemble des entreprises interrogées, les intentions sont en hausse de 28 % par rapport à il y a six mois, contre une progression de seulement 5 % côté français. Par ailleurs, en France, on est plus sur de l’investissement de petit matériel et d’amélioration du matériel existant plutôt que sur le remplacement de lignes de production. Ainsi, l’investissement moyen envisagé est de seulement 54 000 euros, contre 138 000 euros en Allemagne. Cela peut laisser craindre un creusement de l’écart de compétitivité entre les deux pays.

L’un des freins à l’investissement n’est-il pas le manque de financements ?

L’accès au crédit est effectivement l’un des principaux obstacles à l’investissement des PME françaises. Seuls 25% des chefs d’entreprises interrogés pensent pouvoir obtenir auprès de leur banque les financements dont ils ont besoin. Malgré cette contrainte qui pèse sur leur activité, ils sont très peu nombreux à envisager d’autres sources de financements, comme le crédit-bail ou la location longue durée. Cette proportion est nettement plus élevée dans les autres pays.

En quoi consiste le crédit-bail ?
Le crédit-bail correspond à du financement locatif de biens d’équipements sur une période prédéfinie, avec la possibilité d’en devenir propriétaire à l’issue de cette période (avec option d’achat) quand il s’agit de crédit-bail et sans option d’achat quand il s’agit de location financière. Il est proposé soit par les fabricants eux-mêmes, soit par des sociétés financières comme GE Capital. Concrètement, lorsqu’une entreprise vient nous voir pour investir dans un nouvel outil de production, nous regardons d’abord la qualité du matériel qui va être acheté, son emploi et sa valeur à la revente. Ensuite seulement, nous regardons la situation financière de l’entreprise et sa capacité à honorer ses loyers. Grâce à notre expertise industrielle (ndlr : GE Capital est une filiale du groupe GE), nous prenons des risques mesurés sur les actifs que nous finançons.

Quelles sont les autres solutions de financement que vous proposez ?

Pour rester tout d’abord focalisé sur le haut de bilan, GE Capital est un acteur significatif du financement de matériel roulant et de la location longue durée de flottes automobiles. Solutions qui permettent de transformer des charges fixes (immobilisations de véhicules) en charges variables en fonction de l’évolution des effectifs éligibles, de l’activité de l’entreprise et de sa politique évolutive en matière de gestion de flottes
Si l’on s’oriente vers le bas de bilan, nous sommes l’un des leaders en affacturage. L’affacturage consiste pour l’entreprise à confier la gestion de son « poste clients » (ndlr : émission et recouvrement des factures) à un prestataire externe afin d’en optimiser le financement et la protection voire de façon optionnelle le recouvrement. Cela permet donc d’obtenir des liquidités immédiates, sans attendre l’échéance de règlement des factures. Il s’adresse aux entreprises de toutes tailles, de 500 000€ à plusieurs milliards d’euros de chiffre d’affaires. Pour ces dernières, nous proposons des services plus sophistiqués, notamment à l’international.

Comment évoluent ces trois activités - crédit-bail, location longue durée, affacturage - dans le contexte actuel ?
Nous gérons aujourd’hui 32 milliards d’euros de volumes d’affaires en affacturage. GE Capital est l’un des pionniers de ce métier, qu’il exerce depuis plus de 45 ans en France. Cette activité a connu une croissance régulière d’au moins 10 % chaque année. Actuellement le chiffre d’affaires des PME est en baisse, ce qui limite le besoin en fonds de roulement. Mais dès que la croissance repartira, les entreprises se tourneront encore davantage vers les solutions d’affacturage, meilleur outil de financement de la croissance. Les activités de crédit-bail et LLD pâtissent elles aussi de l’environnement économique incertain : la chute libre des intentions d’investissements évoquées précédemment en est le parfait manifeste ; la demande reste donc faible même si dans une orientation très volontariste, les entreprises tentent toutes d’alléger leurs charges fixes ou de les transformer en charges variables.

Propos recueillis par François Schott