Interview de Benjamin Louvet : Associé gérant chez Prim'Finance

Benjamin Louvet

Associé gérant chez Prim'Finance

Syrie : le baril de pétrole Brent ne devrait pas augmenter bien au-dessus de 125 dollars

Publié le 28 Août 2013

Quel regard portez-vous sur l’incidence de l’éventuelle intervention en Syrie sur le marché pétrolier ?
La préoccupation est relativement limitée. Nous avons eu une réaction des prix mais celle ci n’est pas similaire à celles que nous avons pu observées par le passé dans des périodes qui précèdent une guerre. La Syrie, bien que situé au Moyen Orient, n’est pas un acteur majeur sur le marché pétrolier. L’impact direct est moins important.
La véritable interrogation réside davantage dans les conséquences qu’une telle intervention pourrait avoir sur le reste de la région, et au niveau international compte tenue de la position de la Chine et de la Russie, pour qui il était hors de question d’agir en Syrie sans mandat de l’ONU.
La prime géopolitique que les prix du pétrole, WTI et Brent ont prise devrait demeurer limitée pour le moment.

Selon vous, le problème se situe actuellement surtout en Libye et en Irak ?
Dans ces deux derniers pays où les Américains sont intervenus, la production pétrolière a énormément baissé. Des grèves successives se sont déroulées en Libye dans les ports d’exportation. De plus, le plus grand gisement du pays a également été arrêté en raison de défaillances techniques. Ainsi, le pays n’est plus en mesure de produire qu’un peu plus de 200 000 barils par jour alors que sa capacité était remontée jusqu’à 670 000 barils par jour.
En Irak, la multiplication des incidents et des querelles interreligieuses, ainsi que les opérations de maintenance, ont amené la production à descendre de 3,2 millions de barils par jour à 3 millions barils par jour. Nous pourrions même aller jusqu’à 2,7 millions de barils par jour, voire moins si le conflit syrien rejaillissait sur le Sud du pays (terminaux d’exportation). .
En combinant la Libye et l’Irak, près de 30 millions de barils ont été perdus. C’est dans ce contexte délicat que ce qui se passe en Syrie peut s’avérer préoccupant. Ce d’autant plus que les grandes mises en production de pétrole de schiste aux Etats-Unis ne peuvent pas servir au reste du monde puisque ce pétrole ne peut pas être exporté.

Quid de l’Egypte ?
Il y a fort à croire que l’armée égyptienne fera tout son possible pour protéger le canal de Suez et le pipeline de Sumed. Il ne devrait pas y avoir vraisemblablement pas de perturbation dans ce coin là. Toutefois un effet de contagion sur le reste de la région n’est pas à écarter du fait de la dimension considérable de l’Egypte.

Des éléments tendent à limiter l’éventuelle tendance haussière du pétrole ?
Les stocks de pétrole dont disposent les Américains dans le « Strategic Petroleum Reserve », sont importants eu égard à la consommation américaine en nombre de jours. Dans le cas où une intervention en Syrie faisait énormément grimper le prix du pétrole, Barack Obama pourrait considérer d’ouvrir les vannes pétrolières pour libérer quelques de barils.
En outre, si le prix du pétrole est relativement stable au sein des pays développés, dans certains pays comme l’Inde ou le Brésil, le prix est à son plus haut historique, au dessus de 2008, en raison de la significative dévaluation des monnaies nationales. La dynamique de ces pays pourrait donc être compromise dans le cas d’une plus importante augmentation du prix du baril. Ceci aura un effet indéniable sur l’état de la reprise en Europe ou aux Etats-Unis. La demande globale de pétrole pourrait énormément s’amoidrir.

Jusqu’où verriez-vous le prix du baril s’apprécier ?
Pour le moment, je ne vois pas le baril aller bien au dessus de 118-120 dollars sur le WTI et 122-125 sur le Brent.

De quelle manière devraient continuer à évoluer les marchés actions qui ont nettement corrigé mardi à la suite de l’annonce faite par le secrétaire d’Etat américain concernant cette probable intervention en Syrie ?
La correction pourrait se poursuivre en raison de prises de bénéfices. Les marchés actions ont beaucoup performé cet été. Au-delà des zones d’ombre qui planent sur le marché pétrolier, nous entrons dans un mois de septembre caractérisé par de nombreuses inconnues aux Etats-Unis (politique monétaire de la Fed et plafond de la dette), en France (réformes structurelles), en Italie (stabilité du gouvernement). Des questions persistent sur la soutenabilité de la croissance chinoise. Plus globalement, les pays émergents sont confrontés à d’importantes difficultés.

Propos recueillis par Imen Hazgui