Interview de Francis Perrin : Directeur de la rédaction du magazine Pétrole et Gaz Arabes, président de Stratégies et Politiques Energétiques (SPE)

Francis Perrin

Directeur de la rédaction du magazine Pétrole et Gaz Arabes, président de Stratégies et Politiques Energétiques (SPE)

La Syrie étant un pays peu important en termes de réserves et de production pétrolières, il ne devrait pas y avoir de flambée des prix du baril

Publié le 28 Août 2013

Quel regard portez-vous sur l’incidence de l’annonce d’une éventuelle intervention militaire de la part des Etats-Unis en Syrie suite à l’attaque chimique du gouvernement en place sur la population civile ?
Les marchés financiers n’aiment pas l’incertitude en général, encore moins l’incertitude liée à une attaque militaire dans la mesure où si l’on sait comment débute une opération mais on ne sait pas comment elle se termine.
La Syrie est un pays peu important dans la région du Moyen-Orient en termes de réserves et de production pétrolières. Il ne constitue pas en lui-même un enjeu majeur à l’heure actuelle. En 2011, la production de pétrole était estimée à 350 000 barils par jour. Du fait de l’aggravation du conflit depuis mars 2011 et des sanctions occidentales, la production s’est littéralement effondrée, à environ 50 000 barils par jour. C’est un volume négligeable si l’on considère que la demande globale de pétrole est de l’ordre de 90 millions de barils par jour.

Ce qui fait peur aux opérateurs de marché actuellement, c’est davantage le scénario de l’extension, dans les esprits depuis le début du printemps arabe fin 2010-début 2011. Des représailles pourraient intervenir. Des attaques terroristes pourraient se multiplier. Les tensions pourraient toucher d’autres pays du Proche-Orient et du Moyen-Orient plus importants sur l’échiquier de la production pétrolière.

Selon vous, sur le plan purement pétrolier, il n’y a pas de quoi être trop inquiet pour le moment ?
Bien que la production syrienne se soit effondrée, que la production iranienne, irakienne, libyenne, soudanaise aient beaucoup baissé pour des raisons diverses et variées de nature essentiellement politique, on remarque que non seulement l’offre pétrolière mondiale n’est pas en diminution au cours des derniers mois mais en plus elle augmente.
Les accroissements de production en Arabie Saoudite et, surtout, en Amérique du Nord, Etats-Unis et Canada, font plus que compenser la perte de production dans ces derniers pays mentionnés.
Aussi ce qui pourrait se passer en Syrie au cours des prochains jours ou des prochaines semaines ne devrait pas changer significativement la donne au niveau des fondamentaux sur le marché pétrolier. Cela ne devrait pas, à court terme, faire naître un risque de pénurie de pétrole.

Iriez-vous jusqu’à pouvoir avancer un plafond dans la hausse du prix baril ?
Considérant qu’une attaque à proprement parler contre la Syrie n’est pas de nature à rompre l’équilibre offre-demande de pétrole dans le monde, il ne devrait pas y avoir de flambée des prix du pétrole brut. Ce d’autant plus que ces prix ont déjà commencé à augmenter par anticipation et qu’ils ont atteint des niveaux élevés. Toute hausse supplémentaire devrait donc être modérée.
S’il y a lieu d’être très prudent en termes de prévisions de prix, nous pouvons légitimement penser que l’on ne dépassera pas beaucoup les 120 dollars.
En revanche, si l’intervention en Syrie met le Proche et Moyen-Orient à feu et à sang, avec des attaques contre des installations pétrolières conséquentes, nous serions alors dans un tout autre scénario. Ce n’est pas l’hypothèse la plus probable aujourd’hui. Beaucoup de pays producteurs et exportateurs de pétrole ont considérablement renforcé, ces dernières années, leurs mesures de sécurité.

Pensez-vous que la Syrie pourrait continuer à peser à la baisse sur les marchés boursiers ?
Objectivement, si l’on considère uniquement ce risque d’intervention militaire en Syrie, pour les différentes raisons évoquées qui ne devraient pas entraîner de rupture dans les fondamentaux du marché pétrolier, nous ne devrions pas avoir de correction forte sur les marchés boursiers pendant un laps de temps durable, sauf si, encore une fois, l’on entrait dans le scénario du pire.
Les réactions que nous avons eues mardi sont des réactions d’anticipation. Il n’est pas du tout certain que le déclenchement de l’opération donne lieu à un décrochage significatif des marchés boursiers à travers le monde.

Propos recueillis par Imen Hazgui