Interview de Igor De Maack  : Gérant actions chez DNCA Finance

Igor De Maack

Gérant actions chez DNCA Finance

Parmi nos convictions sur le marché des actions françaises figurent Alstom, Sopra, Havas, Technicolor, CGG, Alcatel-Lucent, et Air France-KLM

Publié le 02 Juillet 2014

Quel bilan vous inspire l’évolution du marché des actions de la zone euro à l’issue des six premiers mois de l’année ?
Le bilan est plutôt bon. La performance du Cac 40 dividendes réinvestis est proche de 5,5% à fin juin. Plusieurs éléments l’expliquent. En premier lieu, les débuts de confirmation de la reprise économique qui a renforcé le sentiment de confiance sur la trajectoire des bénéfices des entreprises au cours des prochains mois.
Ensuite, la décision prise par la Banque centrale européenne d’assouplir davantage sa politique monétaire. Une nouvelle salve de mesures conventionnelles et non conventionnelles a été prise de manière à baisser davantage le coût de financement des pays du sud de la zone euro et réduire ainsi l’écart de taux avec les pays du nord.
L’amélioration de la situation financière des entreprises de ces pays conjuguée à l’amplification de la distribution du crédit devraient permettre d’accélérer la croissance de ces économies dans les prochains mois.

Cependant, les marchés ont atteint une sorte de plateau début juillet et sont vulnérabilisés par les évènements géopolitiques en Ukraine et en Irak. Ces derniers ont donné un prétexte aux opérateurs de marché pour temporiser leur allure avant l’été.

Cette perspective positive pourrait cependant être remise en cause ?

Plusieurs menaces guettent à l’horizon.
Intra muros, nous avons un risque de déception par rapport aux publications des entreprises. La reprise macroéconomique ne s’est pas encore retranscrite dans les chiffres microéconomiques. Le processus de révision des estimations en hausse de bénéfices pour cette année ne s’est pas encore déclenché.

Ailleurs qu’en Europe, nous pouvons identifier deux sources de danger, aux Etats-Unis et en Chine. Outre Atlantique, le possible changement de politique monétaire est susceptible d’affecter les taux d’intérêt américains et d’avoir une répercussion sur les taux d’intérêt des pays de la zone euro. Nous ne possédons pas d’expérience de divergence forte entre les cycles économiques et monétaires des deux zones euro et dollar.

En Chine, le ralentissement économique s’est fait sentir avec un PIB en croissance d’environ 7% contre près de 10% sur la période 1997-2007. De plus, l’opacité du système bancaire et la bulle immobilière constituent des préoccupations légitimes. Les marchés financiers chinois étant cloisonnés, une contagion financière aux autres marchés financiers n’est pas le premier scénario en cas de crise systémique en Chine. Toutefois, la Chine étant le deuxième contributeur à la croissance mondiale, une contagion d’ordre économique pourrait tout à fait se matérialiser. Il faut donc surveiller ces deux points.

S’agissant des bénéfices des entreprises, l’heure de vérité approche avec la publication des chiffres semestriels ?
Plus que les chiffres, ce sont surtout les messages délivrés par les dirigeants d’entreprises qui pèseront. A l’issue des six premiers mois de l’année, les comptes ont sans doute encore été notablement impactés par les taux de change.
Cependant au fil des mois à venir ce facteur négatif devrait moins jouer. L’activité économique devrait en outre gagner de l’élan sous l’impulsion de l’amélioration de la conjoncture mondiale, des réformes structurelles mises en place dans certains pays européens et de la politique monétaire de la BCE.
Il n’est pas exclu que nous aboutissions à une progression des bénéfices avérée d’environ 10%, les sociétés financières représentant 5% à 6% dans cette prévision.

Quels principaux ajustements avez-vous apporté à votre allocation d’actifs ?

Nous avons fait évoluer notre allocation selon deux axes principaux depuis deux ans. Nous avons repondéré la part des actions de la zone euro dans nos portefeuilles, principalement les valeurs à consonance domestique pour profiter de l’accalmie macroéconomique et financière.
Parallèlement nous avons raccourci la duration de nos portefeuilles obligataires de manière à se prémunir contre la menace d’une remontée des taux.

Avec quel sentiment commencez-vous le second semestre de l’année ?

Nous le commençons bien investi. Tactiquement nous pourrions saisir les corrections estivales pour racheter des actifs dont la valorisation avait été trop tirée au premier semestre.
Ceci étant, nous conservons notre vision positive sur le marché, le scénario macroéconomique se déroulant comme nous l’avions envisagé et la zone euro restant aux yeux des investisseurs domestiques et internationaux comme celle qui offre le meilleur couple rendement-risque. Nous ne changeons pas de cap d’autant plus que la politique monétaire en zone € a vocation à demeurer ultra-accommodante.

Qu’en est-il de vos préférences sectorielles ?

Nous mettons l’accent sur les secteurs qui ont une valorisation raisonnable, qui jouissent d’un flux de liquidité abondant (grandes capitalisations boursières), et qui sont en mesure d’accroitre leur dividende. Parmi ceux-ci figurent le pétrole, la pharmacie, les télécoms, la distribution alimentaire ou spécialisée.
Ces secteurs ont été beaucoup attaqués du fait des craintes déflationnistes et devrait tirer avantage du regain de confiance des consommateurs européens.

Nous sommes également positionnés sur des valeurs plus cycliques, de retournement, qui ont jadis été vouées à disparaitre dans l’esprit de nombreux investisseurs telles qu’Alstom, CGG, Alcatel-Lucent, Air France-KLM. Le processus de restructuration entamé par ces sociétés associé au redressement économique devrait leur conférer un effet de levier important leur permettant de faire progresser significativement leurs résultats.

Alstom fait partie de vos principales convictions. Pourquoi ?

Le marché a du mal à valoriser la transaction avec General Electric qui a changé de nature au gré du vent et des interventions médiatiques de tout à chacun. Néanmoins, l’action demeure sous-valorisée même si l’opération n’est pas très lisible avec ses trois joint-ventures et la possibilité donnée à l’Etat d’entrer dans le capital. Le groupe sera doté d’un matelas de cash considérable et va pouvoir développer son pôle Transport en s’appuyant sur l’activité ferroviaire de General Electric.

Quels sont les derniers mouvements effectués dans vos fonds ?
Nous ne procédons pas à une rotation agressive de nos fonds. Aussi, parmi les dernières entrées nous pouvons mentionner Alstom, Sopra, Havas et Technicolor.
A l’inverse nous avons sorti Altran, et BNP Paribas bien avant l’annonce de l’amende pour la remplacer par Société Générale.

La volatilité est particulièrement basse. De quelle manière la voyez-vous évoluer ?
Le parapluie monétaire de la BCE devrait continuer à limiter le niveau de la volatilité cependant celle-ci pourrait remonter en raison des incertitudes sur la trajectoire de la politique monétaire américaine et de la normalisation graduelle du cycle économique.

A lire également le dossier : "Que faut-il attendre des marchés actions au second semestre 2014 ?"


Propos recueillis par Imen Hazgui