Interview de Guy Maisonnier : Ingénieur économiste au sein de l'Institut français du pétrole  Energies nouvelles

Guy Maisonnier

Ingénieur économiste au sein de l'Institut français du pétrole Energies nouvelles

Nous pouvons percevoir quatre risques baissiers et deux risques haussiers pour le prix du baril de pétrole

Publié le 20 Août 2014

Quel regard portez-vous sur le fort recul du prix du baril de pétrole ? Le 18 août dernier, le prix du baril Brent est passé en dessous de 100 dollars. La variation par rapport à janvier est de plus -7%.
Ce mouvement n’est pas totalement une surprise. Nous avions envisagé ce scénario en début d’année (voir Panorama 2014 sur site IFPEN).
Il s’explique en grande partie par l’augmentation de l’offre liée à la hausse de la production aux Etats-Unis et par les inquiétudes liées à la morosité économique.
Grâce au considérable développement du pétrole de schiste depuis 2010, la production américaine est passée de 5 millions de barils par jour en 2008 à 8 millions de barils. Le gap de 3 millions de barils est équivalent à la production de l’Iran ou de l’Irak.
En raison du ralentissement de la croissance mondiale, l’AIE a révisé négativement ses estimations pour la croissance de la demande de pétrole. La progression devrait se situer à 1,1 million de barils par jour pour 2014 et 1,3 millions de barils par jour en 2015. La moyenne sur les cinq dernières années est de 1,1 millions de barils.

Ce repli est cependant à relativiser ?
Nous sommes dans la ligne de ce que nous avons connu en 2013. Nous avions un prix du pétrole en moyenne autour de 108 dollars. Le prix fluctuait entre 120 et 100 dollars, à l’instar de ce que nous observons cette année. Nous avons atteint un pic à 114 dollars en juin consécutivement aux inquiétudes géopolitiques avec l’avancée des islamistes en Irak. L’offre n’ayant pas été affectée par les mouvements et la croissance ayant par ailleurs été révisée à la baisse par le FMI, une correction baissière s’en est suivi.
La volatilité s’est réduite par rapport à ce que l’on a connu en 2012 et 2011. Pour rappel, en 2012, le prix a connu des extrêmes à130 dollars et 90 dollars avec une moyenne de 111 dollars.

Pensez-vous que nous assistions à une simple correction temporaire ou à une tendance de fond ?
Je ne pense pas que nous faisions face à une correction temporaire mais à une tendance de fond sous réserve que les tensions géopolitiques n’aient qu’un impact limité sur l’offre pétrolière, comme actuellement. Globalement le prix du Brent est en recul limité certes mais réel depuis 2012.

Quels éléments de risque identifiez-vous à ce stade ?
Nous pouvons percevoir quatre risques baissiers et deux risques haussiers.
Pourraient contribuer à un recul supplémentaire du prix du baril une plus importante expansion de la production pétrolière américaine ; l’accentuation des exportations provenant de la Lybie en dépit de la situation intérieure très dégradée de ce pays ; et une issue favorable des négociations en cours avec l’Iran. Une levée de l’embargo en novembre améliorerait d’autant plus la fluidité du marché. Enfin, un renforcement du dollar par rapport à l’euro peut également avoir un effet défavorable sur le prix du baril.
Les risques haussiers tiennent tout d’abord à ce qui se passe en Irak, dans le cas où les affrontements impacteraient la production dans le sud du pays. Une confiance retrouvée dans une reprise plus robuste de la croissance économique pourrait également soutenir le cours. Le FMI prévoit une progression du PIB mondial de 4% en 2015 contre 3,4% cette année.

En quoi l’accroissement de la production américaine pourrait avoir des conséquences sur le volume de pétrole disponible dans le monde ?

D’une part par une réduction additionnelle des importations et le cas échéant par la levée de l’interdiction d’exporter du pétrole. Des exemptions d’exportation ont déjà pu être relevées (pour du condensat). Une modification de la réglementation fédérale qui porte sur les exportations pétrolières est en cours de discussion.

Croyez-vous à l’embellie économique annoncée par le FMI compte tenu de ce que nous percevons actuellement au sein de la zone euro ?

Nous n’avons pas nos propres modèles pour définir l’évolution de la croissance. Nous n’avons donc pas d’éléments pour avancer si la prévision de 4% est ou pas réaliste. Ce qui est certain c’est que cette croissance est très fragile.

Propos recueillis par Imen Hazgui