Interview de Andreas  Hoefert : Chef économiste d'UBS Wealth Management,

Andreas Hoefert

Chef économiste d'UBS Wealth Management,

Il est trop tôt pour tabler sur une entrée en récession de l'Allemagne

Publié le 13 Octobre 2014

Quels commentaires vous inspirent les statistiques décevantes parues sur l’Allemagne la semaine dernière concernant les commandes et la production industrielles ainsi que les exportations ?
Les chiffres publiés ont été plus mauvais qu’attendu également chez nous. Une partie de l’explication réside dans le fait qu’il y a eu de nombreux jours de congés pris au mois d’août. Par ailleurs, certaines entreprises allemandes ont été mises à mal par les sanctions prises à l’encontre de la Russie en liaison avec le conflit en Ukraine. Au-delà, l’Allemagne a souffert de l’essoufflement de la dynamique dans l’ensemble de la zone euro, en particulier chez deux de ses principaux partenaires dans la région, à savoir la France et l’Italie qui pour l’une affiche une stagnation et pour l’autre a enregistré sa troisième récession en l’espace de six ans.

La situation actuelle de l’Allemagne vous semble-t-elle inquiétante ?
Je pense qu’il est trop tôt pour se prononcer sur ce point. Il y a lieu d’attendre les chiffres du mois de septembre afin de se rendre compte d’une réelle tendance.

Il est alors prématuré d’envisager une entrée en récession pour l’heure ?
Avancer avec conviction que la croissance au troisième trimestre sera également nulle après celle du deuxième trimestre serait hasardeux. Ce d’autant plus que la contraction du PIB au deuxième trimestre ne se justifiait pas en premier lieu par une faiblesse intrinsèque de l’économie allemande mais par des facteurs spéciaux, singulièrement la douceur de l’hiver au premier trimestre qui a permis la poursuite d’une activité robuste dans le bâtiment.

Quels seraient les chiffres clés à surveiller pour avoir une meilleure vision pour septembre ?
Les commandes et la production industrielles ainsi que les exportations. Si une notable amélioration n’est pas constatée sur ces trois fronts, les prévisions de croissance pour l’Allemagne devront être revues une nouvelle fois à la baisse.

D’aucuns pensent que la dépréciation de l’euro serait susceptible d’aider la croissance de l’Allemagne à reprendre de l’élan ?

Je ne crois pas du tout que la dépréciation de l’euro serve en quoi que ce soit les exportateurs évoluant au sein de l’union monétaire. Même avec une parité à 1,40 contre le dollar, nous pouvions observer des excédents commerciaux très abondants à la fois en Allemagne, en Italie et en Espagne.
Le principal soutien de l’Allemagne devrait émaner de la demande intérieure. Dans le cas d’un affaiblissement conjoncturel plus important, nous pouvons penser que le pays aura les moyens de relancer son économie.

Que prévoyez-vous en conséquence pour la progression du PIB dans votre scénario central ?
Nous avons quelque peu réadapté notre vision sur la croissance allemande. Nous nous situons sur une progression du PIB entre 1 et 1,5% pour 2014 et un peu au dessus de 1,5% en 2015. Nous patientons d’avoir les chiffres de septembre pour procéder le cas échéant à un nouvel ajustement.

Pourquoi les chiffres de septembre seront-ils si décisifs ?
Ils seront décisifs pour établir une tendance de fond sur l’ensemble du troisième trimestre. Le mois de juillet a été morose sans véritablement être inquiétant et le mois d’aout a été très mauvais et donc préoccupant. Il faut à présent voir si septembre se caractérisera par un rebond. Les constructeurs automobiles allemands ont dernièrement soutenu qu’ils avaient eu un bon niveau de commandes en septembre.

Peut-on s’attendre le cas échant comme éléments de soutien pour l’économie de la première puissance de la zone euro, à des réformes structurelles ou encore à une meilleure distribution du crédit ?
Il est intéressant de relever que les dernières mesures adoptées par l’Allemagne vont à l’encontre de ce qu’elle prêche par ailleurs. Elle a réduit l’âge de la retraite et instauré un salaire minimum. Cela contribue à amoindrir la compétitivité du pays et à résorber parallèlement quelque peu les déséquilibres vis-à-vis d’autres pays de la zone euro mais cela permet aussi de redonner du pouvoir d’achat à la population.

L’Allemagne est un des rares pays où la distribution du crédit n’est pas problématique. Une amélioration de l’octroi de crédit intra muros n’est pas un enjeu en soi. Cependant, la donne n’est plus la même au niveau de l’union monétaire. Ainsi dans le cas où les banques venaient à être plus actives sur le terrain des prêts à l’économie ailleurs dans la zone euro, cela pourrait aider indirectement l’Allemagne par le jeu des échanges commerciaux.



Propos recueillis par Imen Hazgui