Interview de Stéphane Houri : Responsable de la recherche actions global markets chez Natixis

Stéphane Houri

Responsable de la recherche actions global markets chez Natixis

Apple est un très bon promoteur des technologies développées par Gemalto

Publié le 24 Octobre 2014

Gemalto a publié hier un chiffre d'affaires légèrement inférieur aux attentes au troisième trimestre. Le titre a chuté de 4,5% car certains analystes doutent désormais de la capacité du groupe à atteindre ses objectifs. Est-ce votre cas?  
Le chiffre d'affaires du troisième trimestre est ressorti un peu en dessous des attentes car le marché des cartes SIM bas et moyenne gamme en Europe a souffert, mais ça a masqué un accélération des revenus des plateformes logicielles. La baisse du titre est normale car les modèles des analystes vont se réajuster, mais je crois toujours que l’objectif de croissance à deux chiffres des profits sur 2014 est réalisable est que cela maintient la possibilité de rester sur la bonne trajectoire pour les 600 millions d'euros d’Ebit en 2017 (ndlr: Gemalto vise un doublement de son résultat opérationnel, à 600 millions d'euros, entre 2012 et 2017).

Le titre avait déjà dévissé de 11% vendredi dernier après qu'Apple avait révélé la présence dans ses nouveaux iPad une carte SIM plus sophistiquée qui n’a pas à être remplacée à chaque changement d’opérateur. Est-ce une menace pour Gemalto, qui fournit aujourd'hui les opérateurs en cartes SIM?

Je pense que le marché a surréagi à cette annonce. Certes Apple introduit un risque de transformation du marché des cartes SIM, dont Gemalto est l’un des principaux acteurs, mais il ne s’agit en aucun cas de la disparition de ce marché. Aujourd’hui il se vend 5 milliards de cartes SIM par an dans le monde pour seulement 2 milliards de téléphones. Demain si Apple parvient à imposer son standard de carte intégrée – ce qui est loin d’être fait- les volumes pourraient s’ajuster sur le nombre de mobiles vendus (soit 2 milliards). Le marché des cartes bas de gamme disparaîtrait au profit de cartes reprogrammables à plus forte valeur ajoutée dont Gemalto est le principal fournisseur (50 à 60% de part de marché). L’évolution du « mix produit » devrait ainsi compenser la baisse des volumes.

Quelle est la valeur ajoutée de Gemalto sur ce marché ?

La carte à puce est un support en silicium sur lequel on met des logiciels, des clés d’entrée dans les réseaux de paiement ou de télécom et des données personnelles. C’est là le cœur de métier de Gemalto qui n’est pas un fabricant cartes à puces, comme on l’entend trop souvent, mais un fournisseur de technologies et de services. Quand Microsoft a arrêté de distribuer Windows sous forme de CDroms, Windows n’a pas disparu pour autant. C’est exactement la même chose qui se passerait si d’aventure Apple parvenait à dématérialiser le marché.
Au-delà des logiciels embarqués dans les cartes SIM, Gemalto gère des plateformes d’activation de ces cartes à distance. Quand vous changez d’opérateur, vous passez nécessairement par ces plateformes d’activation et de connexion au réseau. Il s’agit d’un marché avec de fortes barrières à l’entrée qui va se développer avec les changements plus fréquents d’opérateurs. Gemalto détient environ 70% de ce service à l’échelle mondiale.

Pourquoi Apple n’a-t-il pas choisi Gemalto comme fournisseur ? Les deux groupes avaient pourtant travaillé sur un projet de carte SIM intégrée…
Ce n’est pas exclu qu’il le fasse un jour. Même si ce n’est pas le cas, cela n’a rien de dramatique. Apple représente 15% du marché des smartphones et cette part va baisser. En revanche Apple est un très bon promoteur des technologies développées par Gemalto. Je pense par exemple à la technologie NFC de paiement sur mobile qui a fait son apparition dans l’iPhone 6. Apple va rendre le paiement sur mobile accessible et faire décoller ce marché sur lequel Gemalto a beaucoup investi.

Vous restez donc à l'achat sur le titre ?
Je suis à l’achat sur Gemalto car je considère qu’en dessous d’un cours de 60 euros, la partie « télécoms » de l’activité n’est pas valorisée. Mon objectif de cours est de 92 euros soit un potentiel d’appréciation de plus de 50%.


Propos recueillis par François Schott