Interview de Jean-David Haas : Associé et Directeur général de NextStage

Jean-David Haas

Associé et Directeur général de NextStage

Il manque à la France entre 4000 et 8000 entreprises de taille intermediaire pour avoir un dynamisme économique aussi robuste qu'en Allemagne ou qu'en Royaume-Uni

Publié le 13 Novembre 2014

Vous avez organisé jeudi 6 novembre une conférence intitulée, les ETI, clé stratégique de la compétitivité de la France dans l’économie du 21ème siècle. Pourriez-vous nous indiquer dans un premier temps dans quel cadre s’inscrivait cette conférence ?
Nous voulions faire état de notre satisfaction à l’égard du chemin que nous avons parcouru depuis notre création il y a 14 ans. Nous avons, au fil des ans, pu aider au développement de 100 sociétés, ce qui représente un chiffre symboliquement important. Alors que nous gérions 3 millions d’euros au début de notre aventure ; nous en gérons 330 millions aujourd’hui.

A quoi est dû ce parcours ?

Tout d’abord au fait que dans ce pays où règnent depuis longtemps le pessimisme et le scepticisme, de nombreux Français n’ont pas hésité à se lancer dans l’entrepreneuriat et à prendre des risques sérieux.

Nous nous sommes efforcés de sélectionner parmi la multitude de PME existantes celles qui nous semblaient les plus prometteuses et nous les avons aidées à devenir des ETI.

Nous avons pu compter sur l’appui de grands acteurs économiques français comme François Pinault (Artémis), Amundi, BPI, Ardian, OFI PE ainsi que plus de 18 000 porteurs privés qui ont investis dans nos FCPI et nos FIP.

Votre force de frappe vous permet de continuer à aider les PME à grandir. Avez-vous des dossiers à l’étude ?
Nous venons de procéder à deux nouveaux investissements notamment dans Ecritel (Groupe EAE), entreprise spécialisé dans l’hébergement de sites e-commerce qui dégagera 18 millions d’euros de chiffre d’affaires cette année, et CoorpAcademy dédié aux Mooc pour les entreprises (plateforme de formation continue) qui a réalisé 2 millions de chiffre d’affaires sur l’année.
Nous avons également effectué un réinvestissement dans une société qui construit des multiplexes dans des villes de province, Cap Cinema.

Nous sommes à l’étude d’autres beaux dossiers. En moyenne nous réalisons entre 5 et 10 opérations chaque année.

Sur quels secteurs mettez-vous l’accent ?
Notre processus d’investissement n’est pas basé sur des secteurs mais sur des tendances.
Nous sommes d’avis que nous sommes face à une mutation profonde de notre économie. Nous assistons à l’émergence de la troisième révolution industrielle grâce à la montée en puissance d’internet et à l’essor de la transition énergétique, allant du pétrole vers d’autres ressources énergétiques alternatives.
Or c’est toujours au début d’une révolution industrielle qu’il y a les meilleures réussites. Créée en 1998, Google vaut aujourd’hui 10 fois la valeur d’Orange (ex France Telecom), soit 300 milliards. Nous devrions encore voir l’émergence de nouveaux business modèles comme Google. Ces entreprises devraient être en mesure de connaitre rapidement une vive croissance.

Quels sont vos critères de sélection ?
Nous recherchons avant tout des sociétés qui ont une équipe d’entrepreneurs énergiques et compétents qui évoluent dans des métiers en relation avec cette fameuse révolution industrielle avec des modèles économiques que nous comprenons et qui ont déjà fait leurs preuves et dans lesquelles nous pouvons investir progressivement entre 2 et 15 millions d’euros.

Comment faites-vous en sorte d’attirer les investisseurs vers vos produits ?
Nous avons une action à trois niveaux. Tout d’abord une action sur le terrain avec les conseillers en gestion de patrimoine et les banques privées indépendantes que nous voyons régulièrement de manière à les former sur nos produits. Ensuite, nous nous efforçons de conserver une relation étroite avec les investisseurs institutionnels. L’entrée dans notre capital d’Amundi et d’Artémis a renforcé notre crédibilité et nous ont aidés à mieux convaincre sur la pertinence d’être positionnés dans nos produits.
Qui plus est, nous faisons également en sorte d’aviser les investisseurs étranger sur les avantages qu’il est possible de tirer d’un investissement dans les entreprises françaises.

Enfin, mon associé Grégoire Sentilhes œuvre de manière à consolider notre notoriété, notamment au travers une caisse de résonnance matérialisée par une association dénommé Citizen Entrepreneurs. A ce propos une importante journée est organisée le 17 novembre à Bercy, durant laquelle seront réunis autorités publiques et entrepreneurs et investisseurs afin d’avancer sur des questions fondamentales et des projets communs.

Quel regard portez-vous sur le tissu entrepreneurial français ?
On dénombre aujourd’hui 4600 ETI en France. Il nous manque entre 4000 et 8000 ETI pour avoir un dynamisme économique aussi robuste qu’en Allemagne (où son recensés 12400 ETI) ou qu’en Royaume-Uni (où il y a 10 000 ETI).
Or pour avoir ce nombre importants d’ETI, il faut du temps et de l’argent. La création d’une ETI nécessite dans l’absolu un investissement en capital patience situé entre 5 et 10 millions d’euros minimum en partant d’une PME.

Êtes-vous confiants sur la suite des évènements ?

Etant un optimiste convaincu, je veux croire que la phase de morosité ambiante que l’on vit sera suivie par une phase plus positive. Il y aura tôt ou tard un renversement de tendance même si la politique fiscale menée n’est pas favorable aux Entrepreneurs.

Les Français, particuliers et institutions, finiront par investir davantage dans les entreprises domestiques. L’environnement de taux bas qui pèse sur le rendement des principaux produits d’épargne en France que sont l’assurance vie et le livret A, associé à la cherté continue des prix de l’immobilier inciteront à miser dans le tissu économique français par l’intermédiaire de produits de défiscalisation ou de diversification.

Dans cette optique, il y a lieu de rassurer sur les performances de ces produits. Sur les 22 FCPI/FIP que nous avons conçus, 17 fonds sont d’ores et déjà dans le vert et la majorité de nos fonds dégagent un rendement sur 5 ou 6 ans supérieur à 10%. Il y a eu bien entendu de bonnes et de mauvaises années mais ce qui compte c’est le gain généré sur la durée d’où l’importance d’investir de manière régulière. Sans compter les avantages fiscaux.

Quid de la problématique de l’expatriation des sociétés à l’étranger ?
La France est un pays surendetté avec une fiscalité élevée. Malheureusement les tergiversations fiscales de nos autorités publiques ont eu tendance à faire fuir nos entrepreneurs qui non seulement s’adaptent à leur environnement en faisant jouer une concurrence fiscale de plus en plus mondiale.

Certains de nos Entrepreneurs ont pris l’option de poursuivre leur activité à Londres, à Barcelone, ou en Belgique. Cette expatriation est dramatique car elle conduit à la création d’emplois futurs non plus en France mais en dehors des frontières.

Une manière d’enrayer cette hémorragie est de simplifier le travail en France. Pour réussir, un entrepreneur et ses collaborateurs doivent beaucoup travailler et être très réactifs. Prôner la nécessité de travailler moins n’aide pas les PME. Réformer les 35h et la conception de la flexibilité au travail me parait crucial si la France veut s’adapter à une concurrence de plus en plus mondiale.

Propos recueillis par Imen Hazgui