Interview de Paul Younès : Directeur général délégué de l'Union Financière de France (UFF)

Paul Younès

Directeur général délégué de l'Union Financière de France (UFF)

Le passage à l'acte reste compliqué pour les Français patrimoniaux

Publié le 18 Décembre 2014

Vous avez présenté il y a peu de temps les résultats de la dernière édition de votre observatoire de la clientèle patrimoniale. Il en ressort un appétit un peu plus important des Français patrimoniaux face au risque en relatif ?
45% des interrogés se disent être prêts à prendre une part de risque importante ou modérée pour aller chercher du rendement. 46% estiment que c’est un bon moment pour investir sur les marchés actions.
On note également une moindre sensibilité déclarée à la conjoncture. Dit autrement, il semblerait que les Français patrimoniaux considèrent que la morosité économique fasse partie intégrante du décor.

Malgré cette décrispation mentionnée, on remarque que dans les faits le pessimisme demeure majoritaire …

Le passage à l’acte reste compliqué. Nous pouvons le percevoir à divers égards. Tout d’abord, les produits préférés des Français patrimoniaux restent le fonds en euro et les produits à capital garanti. Ensuite, le critère disponibilité conserve une importance prépondérante. Enfin, un grand nombre de Français patrimoniaux ne s'est pas informé sur la prévoyance ou n’a pris aucune disposition pour préparer sa retraite.

Comment l’expliquez-vous ?

Le manque de visibilité sur l’avenir, la défiance vis-à-vis des politiques économiques qui sont conduites, l’instabilité fiscale, la complexité des produits proposés.
Le souvenir des pertes subies consécutivement à la dernière crise est également encore bien présent dans les esprits. Il y a une difficulté en conséquence à se projeter dans l’avenir.

Voyez-vous aujourd’hui des éléments rassurants liés à ces différents obstacles qui pourraient conduire à une amélioration de la situation ?
Je reste sceptique. Sur le plan de la fiscalité, le discours politique va dans le sens d’une stabilisation de la fiscalité.
S’agissant de la complexité des produits, celle-ci découle principalement des différents changements opérés sur le plan de la fiscalité. Les cas spécifiques, les régimes particuliers ont proliféré. Je ne pressens pas de simplification notable sur ce sujet. Des mesures sont envisagées notamment sur l’épargne salariale. Toutefois nous n’avons pas encore d’éléments suffisamment tangibles pour affirmer avec assurance qu’une évolution positive en découlera.

Pensez-vous que l’environnement de taux bas que nous connaissons, l’absence d’alternatives intéressantes du côté des produits en euro ou à capital garanti pousseront les Français patrimoniaux au passage à l’acte ?

En l’absence d’une vive reprise économique, nous devrions demeurer dans un environnement de taux très bas encore plusieurs années.
Nous sommes d’avis que ce contexte qui s’accompagne d’un livret A et de contrats d’assurance vie en euro peu rémunérateurs devrait inciter les Français patrimoniaux à se diriger vers des produits plus lucratifs avec un risque plus élevé mais maitrisé. Ainsi en est-il de certaines SCPI qui proposent un rendement de plus de 5% en brut et le versement régulier de revenus, de produits assurantiels en unités de compte investis en immobilier, ainsi que des produits obligataires de contexte.
Cette démarche sera favorisée par le fait que l’environnement de taux bas donne une plus grande marge de manœuvre pour s’endetter. Le cout de l’argent emprunté est moindre. Un effet de levier significatif est permis.

Quid de l’orientation vers les actions ?
Les actions qui conserveront une forte volatilité, peuvent cependant représenter de réelles opportunités d'investissement au cours des prochaines années. Elles proposent, quoi qu'il en soit, des rendements significatifs, en moyenne supérieurs à 3%.
La prise de conscience de l’épée de Damoclès qui plane à l’horizon au regard de l’insuffisante capacité du système par répartition à honorer les engagements de retraite constitue une autre incitation forte à agir.
L’impératif d’une bonne préparation pour l’avenir se fait indéniablement de plus en plus ressentir. Les produits spécifiquement de retraite, comme le PERP, l’épargne salariale, devraient rencontrer plus d’entrain.

Vous déduisez des principaux enseignements de votre Observatoire le caractère fondamental à accorder au conseil spécialisé ?
Face à la complexité des produits et à la difficulté de se projeter dans l’avenir, le conseil est un critère de choix en forte hausse par rapport à 2013. Le conseil est crucial pour le passage à l’acte.

La modification souhaitée de la rémunération des conseillers ne risque t elle pas de porter préjudice à cette recherche de conseil spécialisé ?

Il y a un chemin à trouver entre, d'une part, la nécessité légitime de protéger les Français en leur apportant plus de transparence, d'objectivité, de contrôle, et d'autre part, la nécessité de consolider un métier, celui de conseiller en gestion de patrimoine, en lui reconnaissant son rôle fondamental dans l'aide à la prise de décisions éclairées pour les affaires d'argent. Le Royaume-Uni, qui pour mettre de l'ordre dans la distribution des produits financiers, a supprimé les commissions, et vu de fait, disparaître la profession de conseiller en gestion de patrimoine. Cette réforme s'est faite au détriment des particuliers qui ne sont plus correctement conseillés.

Propos recueillis par Imen Hazgui