Interview de Julien Marcilly : Responsable Risque pays, Coface

Julien Marcilly

Responsable Risque pays, Coface

Le niveau de risque a augmenté ces dernières années dans les principaux pays émergents

Publié le 22 Décembre 2014

Après avoir fait figure d’eldorados pendant la crise financière de 2008, les pays émergents sont aujourd’hui perçus beaucoup moins favorablement par les investisseurs. Pour quelles raisons ?

Depuis 2012 nous observons un ralentissement de la croissance des grands pays émergents : Chine, Inde, Brésil, Afrique du Sud, Russie. Ce ralentissement s’accompagne d’une augmentation du niveau de risque et d’une augmentation de la volatilité sur ces marchés. Nous pensons que cette volatilité va perdurer en 2015, compte tenu du ralentissement attendu en Chine et de ses conséquences pour d’autres économies, en particulier le Brésil.
A ces facteurs économiques s’ajoutent des facteurs politiques qui peuvent entraîner une dégradation du climat des affaires, comme en Thaïlande ou en Turquie. En 2014, la Coface a révisé à la hausse son évaluation du risque sur ces deux pays, de même qu’au Brésil, au Venezuela ou en Russie. En revanche nous avons identifié de « nouveaux émergents » qui bénéficient de perspectives de croissance plus favorables à moyen terme comme les Philippines, la Colombie, le Pérou, l’Indonésie et le Sri Lanka.

La Banque des règlements internationaux (BRI) s’est récemment inquiétée des conséquences de la hausse du dollar pour certaines économies émergentes. Partagez-vous cette inquiétude ?

Les pays les plus vulnérables à une hausse des taux américains en 2015 sont ceux qui sont déjà aujourd’hui dans une situation difficile. Je pense à l’Argentine ou encore au Venezuela. Des grands pays émergents comme la Turquie, le Brésil ou encore l’Afrique du Sud dont le compte courant est en déficit et la croissance ralentit pourraient aussi en subir les effets. Lee risque de contagion ne peut pas non plus être écarté pour des pays dont les perspectives de croissance sont meilleures mais qui ont aussi un déficit courant. Ainsi l’Inde, l’Indonésie peuvent être affectés par un retour de la volatilité sur les devises émergentes, bien que leurs fondamentaux soient plus solides.
Cela dit le risque d’avoir une nouvelle crise des devises émergentes en 2015 doit être relativisé car le resserrement de la politique monétaire américaine est aujourd’hui bien mieux anticipé qu’en 2013. Mais ce resserrement pourrait conduire à une plus grande sélectivité de la part des investisseurs.

Le ralentissement de la croissance chinoise est-il un motif d’inquiétude ?

Ce ralentissement est en partie voulu. La Chine fait face, depuis plusieurs années, à un problème de surendettement des entreprises. Les autorités cherchent à freiner la croissance afin d’éviter la surchauffe, sans pour autant mettre en difficulté les entreprises endettées afin de pas détruire des emplois. Compte tenu de la morosité des dernirs indicateurs, des mesures de relance ciblées devraient néanmoins être mises en place. Une nouvelle baisse des taux d’intérêt pourrait diminuer le coût du financement et stimuler la consommation. Toutefois, la banque centrale de Chine serait contrainte de gérer le risque de crédit découlant d’une politique monétaire plus accommodante.

Propos recueillis par François Schott