Interview de Jean-Marie Mercadal : Directeur général délégué d'OFI Asset Management

Jean-Marie Mercadal

Directeur général délégué d'OFI Asset Management

D'ici 12 mois, les actions de la zone euro pourraient rebondir d'environ 15%, sans compter les dividendes

Publié le 30 Juin 2015

Quels commentaires vous inspire le bilan de l’évolution des actions de la zone euro à l’issue du premier semestre de l’année ?
Nous nous attendions en début d’année à ce qu’un phénomène de rattrapage se dessine sur les actions de la zone euro par rapport aux actions américaines sur fond d’une amélioration de la conjoncture économique dans la région, de la baisse de l’euro, du repli du cours du pétrole et de la faiblesse des taux de refinancement sur le marché. Nous avions le sentiment que pour la première fois depuis cinq ans, nous allions avoir en 2015 une progression notable des bénéfices des entreprises européennes.
Nous avons cependant été étonnés par la rapidité du mouvement haussier. Alors que nous escomptions un rebond de 15% à 20% sur le segment sur l’ensemble de l’année, cette performance a été atteinte à l’issue du premier trimestre.

Quelle interprétation en faites-vous ?
Nous avons connu une expansion des PER en raison du niveau très bas des taux d’intérêt et de l’anticipation d’un accroissement supplémentaire des profits en 2016. Le consensus table aujourd’hui sur une variation de 13%.

Quelle vision avez-vous de la phase de consolidation qui s’est ouverte en avril ?
Il me semble que cette phase de consolidation qui s’est ouverte en avril est notamment la conséquence de la violente remontée des taux des pays cœur de la zone euro, en premier lieu desquels l’Allemagne. Elle a été ensuite accentuée par les derniers rebondissements du feuilleton grec. Il est cependant à noter que pour l’instant cette correction est encore limitée.

Avec quel sentiment débutez-vous le second semestre de l’année ?

Nous sommes prudents sans être inquiets. Sur le front des taux, nous sommes d’avis que l’ajustement qui s’est produit a été motivé par l’éloignement du risque de déflation dans la zone euro notamment du fait de l’atténuation de l’effet de base induit par le fort recul du cours du baril et des revalorisations salariales en Allemagne.
La violence de la remontée des taux est à liée à la contraction de la liquidité sur le plan microéconomique. Les banques qui étaient grandes pourvoyeuses de liquidité avant la crise de 2007-2008, ont considérablement restreint leur activité de « teneuses de marché » et n’ont plus été en mesure de faire face aux rachats intempestifs des investisseurs.

Peut-on penser que du fait de ce moindre rôle joué par les banques d’investissement comme contrepartie dans les phases de tension et de la visibilité donnée par les grandes banques centrales qui encouragent des comportements moutonniers sur les marchés, nous pourrions connaitre de nouveaux soubresauts dans le compartiment des taux européens ?
Je ne le crois pas. La BCE fera le nécessaire pour maintenir ses taux proches de 0 pendant encore au moins un an et demi. De plus, les investisseurs institutionnels gorgés de liquidité profiteront des tensions pour réinvestir.

Ne pourrait-il pas y avoir un effet de contagion provenant des Etats-Unis ?

Nous admettons dans notre scénario central une première hausse des taux directeurs de la Fed en septembre de 25 bp. Une autre intervention pourrait avoir lieu en décembre également de 25 bp. Le potentiel de croissance de l’économie américaine ayant beaucoup baissé depuis 15 ans, les taux directeurs de la Fed pourraient atterrir à 2,5%-3% d’ici 2 à 3 ans.

L’impact devrait être très modéré sur les taux longs américains...

C’est ce que nous pressentons. Le marché a déjà commencé à intégrer une action de la Fed sur les taux longs dès 2013. Le taux à dix est passé de 1% à 2,40%. Celui-ci pourrait s’élever à 3% mais guère bien plus, en particulière si l’on considère qu’à un moment donné nous aurons un regain d’appétit des investisseurs institutionnels pour les taux longs américains qui plafonnera en conséquence le mouvement haussier.

Ainsi que ce soit pour des motifs propres à la zone euro ou pour des motifs provenant de l’extérieur vous ne vous attendez pas à un nouvel épisode de remontée violente des taux longs allemands ?
Non. Le Bund à 10 ans devrait logiquement demeurer autour de 1%. Il est d’ailleurs intéressant de faire le parallèle entre ce qui s’est passé sur le Bund à dix ans entre avril et juin 2015 et ce qui s’est déroulé sur le T-Note à 10 ans à l’été 2013. A l’époque le taux à dix ans américain avait bondi brusquement consécutivement aux propos de Ben Bernanke à propos de la fin du quantitative easing. Puis une relative stabilité s’est installée.

Une zone importante à surveiller sur ce Bund à 10 ans est de 1,15% ?

Nous observons une conjonction de droites de support et de résistance qui tourne autour de cette zone. Si le Bund à 10 ans dépasse les 1,15%, la hausse pourrait s’accélérer à 2%, et dans ce cas nous serions poussés à être bien plus prudents sur notre positionnement sur les actions de la zone euro.

Hormis cette première source de menace résidant dans une brusque envolée des taux longs allemands, quel autre danger guette la persistance du rallye des actions de la zone euro ?
Les regards sont très attentifs sur l’évolution du dossier grec actuellement. Il me semble cependant que même si nous venions à avoir un dénouement défavorable, cela ne devrait pas profondément compromettre la dynamique des actions de la zone euro dans la durée. Le choc de confiance immédiat pourrait amener certaines perturbations.
Mais le calme devrait finir par revenir. Tout d’abord, les montants en jeu ne sont pas colossaux. Ensuite, la dette est principalement détenue entre les mains d’agents publics. Enfin, il est à croire que la BCE ne laissera pas la situation déraper le cas échéant.
Une autre facteur susceptible de jeter un froid important sur le marché serait une détérioration de la conjoncture de la zone euro en raison d’un essoufflement de la croissance plus prononcé que prévu aux Etats-Unis et en Chine. Cela parait peu probable pour l’heure.

Quel pourrait être le potentiel d’upside supplémentaire sur le segment ?

Il n’est pas exclu que nous ayons déjà réalisé la performance de l’année dans une large mesure. Il est plausible que nous ayons une hausse supplémentaire de 5% à 7%.
D’ici 12 mois, le rebond devrait être plus significatif, autour de 15%, sans compter les dividendes.

En termes d’allocation d’actifs quelle a été la variation du poids des actions de la zone euro ?

Elle est restée inchangée. Nous sommes toujours surpondérés.

Avez-vous des biais ?
Nous n’avons pas vraiment de préférences géographiques. Nous aimons bien les small et mid caps dont nous jugeons la prime plus attractive.
Du point de vue sectoriel, nous pensons que les financières ont un potentiel de rebond additionnel.

D’aucuns plébiscitent le secteur des télécoms ?

Nous étions déjà abondamment positionnés sur le secteur depuis deux ans. Un grand mouvement de revalorisation ayant déjà eu lieu, nous pensons que le vent sera désormais un peu moins porteur.

Y a-t-il des secteurs à éviter ?

Nous nous interrogeons sur l’énergie, en particulier sur le secteur des métaux et mines, très délaissé. Si nous avions de meilleures nouvelles provenant de Chine, les cours de bourse pourraient fortement reprendre de l’élan.

Propos recueillis par Imen Hazgui