Interview de Marc Touati : Président du cabinet de conseil économique Acdefi

Marc Touati

Président du cabinet de conseil économique Acdefi

La crise ne fait que commencer

Publié le 25 Août 2015

Comment analysez-vous le rebond de 4% du CAC 40 ce mardi, au lendemain de sa plus forte baisse de l’année et alors que les doutes sur la croissance chinoise ne sont pas dissipés ?
Je ne pense pas que ce rebond soit durable. Les marchés ont stoppé l’hémorragie, avec une intervention probable des banques centrales, mais la crise ne fait que commencer. Depuis début août nous sommes entrés dans un 'bear market' (marché baissier, ndlr) justifié par le ralentissement de l’économie mondiale. La Chine n’est pas seule en cause. La plupart des pays émergents font face à un fort ralentissement, l’Europe reste engluée dans une croissance autour de 1% et l’économie américaine ne va pas si bien que cela. Si l’on ajoute la montée des risques géopolitiques au Moyen-Orient, les élections Grèce, je ne suis pas optimiste pour la suite.

Jusqu’où les cours pourraient-ils baisser selon vous?
Je pense qu’une correction supplémentaire de 10 à 15% est possible, voire souhaitable. Les performances boursières et obligataires internationales depuis un an et demi commencent vraiment à ressembler à des bulles qui attendent la moindre épine pour exploser. Et pour cause : en dépit des efforts de relance, les économies « développées », en particulier dans la zone euro et au Japon, n'ont pas retrouvé durablement le chemin de la croissance soutenue et sont toujours menacées par la rechute. Or, les marges de manœuvre budgétaires et monétaires ayant été épuisées, il ne sera plus possible de soutenir la machine économique qui s'installera donc dans une phase de longue déflation.

Le relèvement des taux directeurs de la Fed peut-il être le déclencheur d’une nouvelle correction boursière ?
Je pense que la Fed ne va pas relever ses taux dans l’immédiat, compte tenu de ce qui vient de se passer sur les marchés financiers et des performances en demi-teinte de l’économie américaine. Mais cette temporisation risque de faire monter l’euro face au dollar et par conséquent de freiner la reprise européenne. Celle-ci a été tirée par l’Allemagne et l’Espagne, mais aussi et surtout par a dépréciation de l'euro et la baisse des cours pétroliers. Si ces effets s’estompent, et si la Chine ne joue plus son rôle de locomotive mondiale, l’économie européenne risque de retomber rapidement dans la stagnation et de matérialiser les inquiétudes des marchés financiers.

Propos recueillis par François Schott