Une toile de fond macroéconomique déprimée en 2020

Après plusieurs semaines d’un confinement qui a touché près de la moitié de la planète, la récession économique est bel et bien au rendez-vous de l’année 2020 dans les différentes grandes zones de la planète.

Le PIB mondial est attendu en repli de l’ordre 1.5% (à comparer avec un rythme de +3% en 2019). Le FMI avance, pour sa part, une variation de -3%. Le recul devrait atteindre au moins 6% aux Etats-Unis, 8% en Europe, 12% dans la zone euro, 3,5% au Japon. Les pays émergents devraient, quant à eux, afficher une progression de + 1% contre +4,3% en 2019. Les prévisions tablent notamment sur une variation de -3% au Brésil et de -3,5% en Russie.

 Des résultats d’entreprises en chute libre


Dans ce contexte, les résultats des entreprises sont en berne. A l’issue du premier trimestre, sur un an glissant, les bénéfices dégringolent de plus de 15% pour les sociétés du S&P 500 et de plus de 30% pour les sociétés du Stoxx 600. Pour 2020, la révision du consensus va bien au-delà de -30% en Europe et dépasse -25% aux Etats-Unis. Certains analystes augurent un tableau plus sombre encore avec des pronostics allant au-delà de -30% outre Atlantique et atteignant -50% sur le Vieux continent.

 Des économies mises sous perfusion monétaire et budgétaire


Afin de parer à cette situation catastrophique, les autorités monétaires et budgétaires ont sorti l’artillerie lourde. L’expansion du bilan de la Réserve fédérale américaine depuis le début de la crise est colossale (+66% depuis mars soit 2800 milliards de dollars). Composé de titres de crédit hypothécaire (MBS), de bons du Trésor (Treasuries) et depuis quelques jours d’obligations d’entreprises via des ETF- ce bilan vient de dépasser les 7000 milliards de dollars soit l’équivalent de 32% du PIB des Etats-Unis. Et la marge de manoeuvre est encore significative. 
La Banque centrale européenne a, quant à elle, complété en mars son programme régulier d’achat de titres de 20 milliards d'euros par une somme forfaitaire de 120 milliards d'euros à dépenser d'ici la fin de cette année. L’institution a également fait état d’un nouveau programme d’achat d’urgence (PEPP pandemic emergency purchase program) de 750 milliards d’euros et annoncé une nouvelle série d’opérations de refinancement non ciblées à plus long terme des banques européennes.

Parallèlement, les gouvernements ont adopté de nombreuses mesures de soutien : chômage technique ou partiel, report d’échéances fiscales, garanties de crédit ou aides directes pour les entreprises, versement d’allocation d’urgence aux ménages… quitte à aggraver leur déficit. Le total des montants avancés représenterait entre 3% et 5% du PIB mondial. Les estimations sont comprises entre 120 et 150 milliards d’euros pour un pays comme la France. Au Japon, le plan de relance avoisine 20% du PIB national. Aux Etats-Unis, alors que l’aide d’ores et déjà apportée a été massive, les démocrates américains planchent sur un nouveau plan de relance de 2600 milliards de dollars. Au Royaume Uni, le déficit budgétaire est escompté à un niveau record compris entre 15% à 19%.

 Des valorisations déconnectées des fondamentaux


Résultats des courses : les investisseurs ont retrouvé confiance en une réouverture économique ordonnée et réussie.
Les ventes « panique » orchestrées entre la mi-février et la mi-mars ayant entrainé une vive correction, avec un creux touché le 23 mars, ont rapidement laissé place à un rebond spectaculairedès avril. Sur ce seul mois, le marché des actions américain enregistre une hausse de 13 %, un de ses plus forts rallyes en plus de 50 ans. L’Eurostoxx a rebondi de 7,72% et le Topix est remonté de 5,74%.

Dans ces conditions les valorisations apparaissent à certains égards, plus tendues. Aux Etats-Unis, le ratio cours sur bénéfices (price earnings ratio ou PER) s’est redressé de 30%, de 15.7 à 20.5 fois les bénéfices, un plus haut niveau depuis 2002, alors que les prévisions d’évolution des profits par action à 12 mois ont baissé de 13%. En Europe, le PER a augmenté de 24% (de 13.5 à 16.7 fois les bénéfices) quand les bénéfices évalués ont diminué de 14%.

Du coté du segment obligataire, les spreads se sont également resserrés. L’écart entre les taux des obligations européennesde bonne qualité (Investment Grade) et le taux sans risque est passé de 59 points de base le 24 février à 208 points de base le 25 mars pour redescendre à 199 points de base ce lundi 18 mai. Le mouvement de repli a été tout aussi significatif pour les obligations américaines de bonne qualité. Dans la poche des obligations à haut rendement (High Yield), les variations sont encore plus nettes : les spreads se sont écartés de 303 points de base à 820 points de base en Europe pour revenir à 660 points de base en Europe. Aux Etats-Unis, les spreads se sont élargis de de 392 points de base à 1 010 points de base et reculé à 681 points de base.

 Un marché plus sensible aux déceptions


La hausse des valorisations des actions et le resserrement des spreads des obligations d’entreprises conduit à des marchés davantage sensibles à toute éventuelle déception concernant l’endiguement de la pandémie, le redémarrage des économies, ou encore le redressement des profits… Pour l’heure, l’optimisme est toujours de mise. Les anticipations pour 2021 tablent sur une croissance de 5,9% en Europe, 3,7% aux Etats-Unis et 8,4% en Chine.
Cette dynamique donnerait lieu à une augmentation des profits de 25.8% pour les entreprises du S&P 500, contre 14.1% en mars. La progression envisagée pour les entreprises du Stoxx600 s’établit à 28.7% contre +13.8% en mars. Au Japon, la variation escomptée a été ajustée de +12.1% à +16.2%. 

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