Interview de Nicolas  Caplain : Directeur de la sélection de fonds externes de La Banque Postale Asset Management

Nicolas Caplain

Directeur de la sélection de fonds externes de La Banque Postale Asset Management

Comment apprécier la "tracking error" d'un fonds ?

Publié le 06 Juillet 2017

Une bonne sélection de fonds implique une bonne appréhension de la « tracking error ». Qu’est ce que cela signifie ?
On entend par « tracking error » l’écart type des rendements relatifs annualisé. C’est une mesure de risque utilisée pour analyser les fonds de gestion active. Elle permet notamment de déterminer quels sont les fonds qui ont un comportement proche de l’indice de référence et inversement.

De quelle manière s’apprécie cette « tracking error » ?

La « tracking error » doit s’apprécier dans le temps car au fil des années elle est susceptible de beaucoup évoluer en fonction du régime de volatilité des marchés.
L’évolution d’une tracking error dans le temps peut différer selon que l’on se situe dans une gestion active de convictions, une gestion active benchmarkée, une gestion indicielle tiltée ou une gestion purement indicielle.
Lorsque la volatilité des marchés est très faible, de l’ordre de 12%, ce que l’on retrouve en période calme, une tracking error de 6% pourra être jugée comme très élevée. Parallèlement, lorsque la volatilité est relativement élevée, d’environ 30% en période agitée, le même niveau de tracking error de 6% pourra être considéré comme modérée.

Il nous importe aussi de comparer les tracking error des fonds entre eux plutôt que de comparer le niveau de tracking error d’un fonds donné par rapport à un niveau d’indice à un instant t.

Au-delà du niveau de la tracking error, il est opportun d’analyser sa décomposition...
Nous nous efforçons de procéder à un examen minutieux en termes de budget de risque ou de répartition de la tracking error.
Dans un fonds diversifié, la première source de tracking error sera la différence de pondération du fonds en termes de classes d’actifs par rapport à son indice de référence. Un fonds qui aura une composante actions significative sera davantage sujet à la volatilité des marchés qu’un fonds davantage exposé à du monétaire.
Les biais sectoriels et géographiques ainsi que le stock picking seront également déterminants.

La tracking error des différentes composantes ne s’ajoutent pas...

Non, effectivement. Il y a un phénomène de corrélation-décorrélation qui entre en jeu.

A quel stade du passage en revue des fonds intervient l’appréciation de la tracking error ?

L’appréciation de la tracking error intervient assez tôt dans le processus de sélection des fonds dès lors qu’elle nous aide à jauger de la performance de ces derniers.
Elle nous permet dans une première étape de constituer des groupes de fonds concurrents. Nous comparons alors des fonds qui ont une tracking error qui se situe au sein d’une même fourchette.
La tracking error est utilisée dans un deuxième temps afin d’évaluer dans les processus de gestion de quelle manière le gérant intègre la notion de tracking error.

Là-dessus on distingue deux types de comportements...

Soit le gérant n’intègre pas du tout la notion de tracking error en amont dans sa prise de décision. Celle-ci est seulement regardée ex post.
Soit le gérant opte pour la prise en compte d’une tracking error cible dans la construction de son portefeuille. Face à un tel choix, il fera sens de s’attacher au modèle retenu par le gérant pour calculer sa tracking error ex ante.

Avez-vous une préférence à l’égard de l’un de ces deux comportements ?

Pas nécessairement.

Ce qu’il y a lieu d’avoir à l’esprit c’est que pour de la pertinence d’une tracking error ex post, une simple observation chiffrée suffit. Le jaugeage d’une tracking error ex ante supposera, quant à lui, la définition d’hypothèses clés.

Nous préférons l’utilisation d’une tracking error ex ante dans les fonds de gestion quantitative basée sur un modèle. S’agissant des fonds plus traditionnels, nous composons avec une tracking error ex post.

Quelles raisons pourraient amener un gérant de fonds traditionnel à prendre en compte une tracking error ex ante dans son processus d’investissement ?

Ce gérant peut devoir faire face à des impératifs de contrôle du risque ou être soumis à des contraintes dictées par des investisseurs qui nécessitent la définition d’une tracking error ex ante.

La tracking error est-elle manipulable ?

On ne peut pas parler de manipulation en tant que tel.

Cependant il est certain que l’analyse d’une tracking error ex ante impliquera de faire attention aux données qui ont permis son calcul.

La tracking error ex post, tout comme la volatilité, ne pourrait le cas échéant être faussée que si les valeurs liquidatives elles-mêmes sont altérées. On serait face à une fraude, avec par exemple des valorisations erronées d’instruments financiers sur des classes d’actifs très peu liquides où il n’y a pas d’affichage de prix de disponible. Ce type de manipulation paraît fort peu probable dans le cadre de régulation des fonds d’investissements de droit français ou des OPCVM européens.

Un dernier mot ?

L’appréciation de la tracking error s’impose, mais il ne faut pas perdre de vue les objectifs de performance et des performances réalisées.

Propos recueillis par Imen Hazgui