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Interview de Caroline  Houdril : Gérante multi actifs chez Schroders

Caroline Houdril

Gérante multi actifs chez Schroders

Les mesures prises par les autorités sont, à ce stade, suffisantes pour éviter un nouveau choc trop lourd sur le reste de l'année

Publié le 26 Mai 2020

Quel regard portez-vous sur l’évolution marquée des marchés financiers depuis ce début d’année ?
Nous avons clairement été surpris par l’ampleur et la rapidité de la correction. La volatilité a été très importante, et les mouvements très erratiques. Cependant, nous étions dans un schéma relativement classique de risk-off.

Que voulez-vous dire ?

Le dollar et les govies américains et allemands ont été massivement recherchés dans une logique de refuge. Parallèlement, les investisseurs se sont délestés des actions et des obligations d’entreprises. Ainsi, nous avons pu mettre en place rapidement des mécanismes défensifs dans les portefeuilles.

Quels commentaires vous inspirent le fort rebond qui s’est dessiné en avril ?
Ce rebond est une réponse à l’arsenal des mesures annoncées par les autorités monétaires et budgétaires. Il est en soi compréhensible et relativement mesuré puisque deux mois après le creux de la correction, les marchés ont repris la moitié de leur valeur.
Ce rebond a laissé place à une nette dichotomie entre l’évolution baissière de l’économie réelle que le confinement a impacté de plein fouet, et l’évolution haussière des marchés financiers.
Ce rebond s’est caractérisé par peu de participation. Les grands investisseurs institutionnels sont restés sur des positions cash très élevées. Le volume de trading a demeuré en dessous de la moyenne.
Ce rebond n’a pas été diffus sur les marchés actions. Il n’a pas concerné toutes les couches des marchés financiers. Une prédominance a été donnée aux valeurs technologiques et aux valeurs défensives présentant des bilans solides et générant des cash flows abondants de manière pérenne. Les sociétés cycliques n’ont, en revanche, pas été portées par le rallye.
Le sursaut des actifs financiers a été mieux répartie sur les marchés d’obligations d’entreprises sous l’impulsion donc de considérations techniques liées à l’intervention des Banques centrales.

De quelle manière avez-vous modifié votre allocation d’actifs lors de ces différentes phases de marché ?

Dans la phase de baisse, nous avons eu un cheminement graduel dans les ventes d’actions. Nous avons un peu suivi la vague géographique de la pandémie. Ainsi, nous avons commencé par sortir des valeurs chinoises, puis des valeurs contenues dans l’Eurostoxx : des valeurs italiennes, puis espagnoles, et françaises… Nous avons terminé avec les valeurs américaines.
Nous avons amorcé le débouclage de nos positions acheteuses sur les govies et de nos positions vendeuses sur les actifs risqués à la fin du mois de mars. Nous avons favorisé, dans un premier temps, le marché du crédit par rapport au marché actions, essentiellement dans le segment des obligations d’entreprises de bonne qualité (dites Investment Grade).
Aujourd’hui, nous sommes plutôt sur une neutralité, donc pas très directionnel.

Dans le segment obligataire, les pistes avancées sont les emprunts des pays périphériques de la zone euro au sein de la dette souveraine. Qu’en pensez-vous ?

Nous sommes effectivement plutôt acheteurs sur la dette italienne et vendeur sur la dette allemande, en raison de l’intervention de la BCE (le PEPP, le fonds de recouvrement, les mesures de refinancement...) qui devrait s’avérer favorable à une réduction du spread entre le BTP et le Bund à 10 ans. Celui-ci se situe à 210 pbs. Il était monté au plus haut à 300 pbs. Il pourrait redescendre à 160 bps.
Qu’en est-il de l’Espagne et de la Grèce que certains évoquent également ?
Nous ne sommes pas positionnés sur les deux pays. L’Italie bénéficie de la levée des quotas dans le PEPP. La BCE peut racheter davantage d’obligations souveraines émises par l’Italie. La situation est davantage détériorée dans ce pays sur un plan économique et budgétaire.

Quel avis avez-vous au sujet de la dette émergente ?

Nous avons une position acheteuse sur la dette émergente. Les spreads se sont beaucoup élargis pendant la crise et n’ont pas resserré significativement. Au mois de mai, c’est la classe d’actifs qui a le mieux performé, au-delà de 6%.
Nous tirons avantage du portage sur cette dette. Beaucoup de pays émergents n’ont pas été sévèrement impactés par les confinements. Nous préférons la dette émergente en dollar émise par les pays asiatiques jugés plus résilients.

Quel est votre positionnement actuel dans le segment des obligations d’entreprises ?

Nous sommes davantage exposés aux obligations d’entreprises américaines, à la fois dans la poche Investment Grade et dans la poche High Yield (obligations d’entreprises à haut rendement car moins bien notées), notamment pour des facteurs techniques : des émissions records, et un très fort soutien de la Réserve fédérale américaine.
Nous avons dernièrement débuté une réorientation vers l’Europe en raison des différentes annonces de la BCE.

Que pensez-vous de la forte exposition du HY américain à la composante pétrolière ?
Nous avons attendu d’avoir plus de visibilité sur le risque de défaut avant d’investir substantiellement. Le cours du WTI nous semble avoir atteint un plancher. La Fed est grande acheteuse d’ETF HY. En outre, nous avons un bon carry dans ce compartiment.

Vous demeurez pour l’instant à l’écart du HY européen ?

Nous surveillons de près ce segment. Structurellement l’Europe nous parait être en retard par rapport aux Etats-Unis en raison du manque de synchronisation budgétaire entre les différents Etats membres.
Rester à l’écart du HY européen nous permet de ne pas compiler le risque dans nos portefeuilles déjà investis dans les actifs européens ( Credit IG et Actions ).

Qu’en est-il de votre allocation sur les marchés actions ?

Nous misons plutôt sur les actions américaines dans le cadre d’une quête de valeurs de qualité et les actions du sud est asiatiques, notamment chinoises dans le cadre d’une recherche de rendements attrayants. Nous avons, pour l’instant, une position vendeuse sur les actions européennes et japonaises.

Quelle vision avez-vous de la valorisation des valeurs technologiques américaines ?

Ces valorisations sont certes très élevées mais nous pensons que cela est fondé par de bonnes raisons, des bilans solides, des cash flows significatifs, des bénéfices importants alimenté par des changements de comportements durables, tout cela dans un contexte de taux bas. Le PE est revenu à un niveau pré crise.
Nous essayons de contrebalancer ce positionnement en nous exposant à des small caps pour rester à l’affut d’une rotation. Mais nous ne la voyons pas tellement pour l’instant.

Qu’est ce qui pourrait entraîner une réorientation de votre allocation vers d’avantage d’actifs risqués ?

Nous faisons attention à beaucoup d’indicateurs concernant la dispersion dans le marché. Dit autrement nous analysons si la performance du marché est uniquement soutenue par quelques actions ou si elle est globalement répartie.
Les annonces de la BCE pourraient changer la donne mais elles sont décevantes pour l’instant.

Par conséquent vous êtes plutôt sur un maintien de votre cap actuel sur la seconde partie de l’année ?

Tout à fait. Nous sommes notamment d’avis que l’Europe devrait demeurer suffisamment fragile pour ne pas nous pousser à nous réexposer de manière prononcée.

Qu’en est-il de votre investissement dans les matières premières ?

Nous sommes très investis dans l’or dans nos portefeuilles par le biais des ETF. Cela fait consensus. Le prix est assez élevé mais selon nous le métal constitue le meilleur actif refuge du moment face au fonctionnement de la planche à billets avec les programmes de rachats d’actifs et les plans de relance budgétaires. L’abondante liquidité injectée a vocation à maintenir les taux réels des govies au plancher. Dans ces conditions l’or est l’actif qui permet la meilleure corrélation négative avec les actifs risqués.

Nous sommes positionnés sur le pétrole par le biais des devises, singulièrement la couronne norvégienne, du fait de la situation fondamentale de la Norvège, de sa marge de manœuvre budgétaire, de ses taux directeurs à 0, de sa volonté de stabilisation de la monnaie, du rachat de devises par la Banque Centrale.

Vous attendez-vous à ce stade à d’autres évolutions erratiques, similaires à celles que nous avons connu en mars ?

Nous sommes revenus sur des niveaux de volatilité plus contenu. Il est toujours possible d’avoir des surprises, dans le cas d’une deuxième vague de contamination qui imposerait de nouveaux confinements, par exemple.
Pour autant, à ce stade, les mesures prises par les autorités monétaires et budgétaires sont de nature à rendre le marché plus fonctionnel et à instaurer un back stop suffisant pour éviter d’avoir un choc trop lourd sur le reste de l’année.

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Imen Hazgui