Interview de Arthur Arthur Leroux et Antonin Pauchet : La mécanique de précision au service de la transition énergétique

Arthur Arthur Leroux et Antonin Pauchet

La mécanique de précision au service de la transition énergétique

Nos micro-turbomachines permettent à un nombre croissant d'entreprises de développer et valoriser leur transition énergétique

Publié le 01 Juillet 2021

 
Votre entreprise évolue dans le domaine de la transition énergétique. Pourriez-vous nous la présenter en quelques mots ?

Arthur Leroux (AL.) L’ADN d’Enogia, c’est la conception et la production de mécanique de précision sous la forme de technologies innovantes, les micro-turbomachines. Les nôtres possèdent deux domaines d’application distincts : celui des ORC, organic ranking circle, où la mission de nos microturbines est de convertir la chaleur fatale en électricité ; et celui des piles à hydrogène sous la forme du compresseur indispensable à l’acheminement de l’oxygène au cœur du dispositif. Notre siège et notre atelier, qui comptent près de 50 salariés au total, sont situés dans les quartiers Nord de Marseille. L’entreprise a réalisé un chiffre d’affaires de 2,5 millions d’euros en 2019.

On imagine qu’un tel savoir-faire s’appuie forcément sur des années de recherche et développement…

Antonin Pauchet (AP.) En effet, cela résume très exactement les premières années d’Enogia. Les ORC sont des mini centrales électriques, nécessitant une approche très fine de la mécanique et des savoir-faire exigeants dans le domaine des moteurs. Depuis la création de l’entreprise en 2009, la R&D représente à elle seule un investissement de 5,9 millions d’euros, un effort manifesté par les 9 familles de brevets détenus à ce jour. Et par le fait qu’un tiers de nos équipes est consacrés à ce volet recherche.
AL. Nous avons reçu également de multiples reconnaissances comme le Fast 50 en 2017. Et un soutien stratégique déterminant via Faurecia, actionnaire et partenaire stratégique d’Enogia depuis 2017, qui nous a notamment aidé dans la mise sur pied du volet production.


Les deux domaines d’application dont vous parlez se sont-ils développés au même rythme ?


AL. Le développement de nos ORC date de 2010, au tout début de l’entreprise, et le début de leur commercialisation de 2013. Nous avons ensuite conçu nos compresseurs destinés aux piles à hydrogène à partir de 2018, sur un temps très court car leur commercialisation a débuté en octobre 2019. Le compresseur Enogia est une déclinaison de la technologie que nous avons développée pour les ORC. C’est ce qui nous a permis de réduire significativement le temps de développement.

Quelles sont les principales caractéristiques de votre environnement économique ?

AP. La tendance du secteur des ORC est en forte croissance, pour une valorisation estimée à 1 milliard de dollars en 2025. Dans ce domaine, nos micro-turbomachines adressent les clients intéressés par une puissance de moins de 300 kW, permettant de fait la construction en série de machines de la taille approximative d’un congélateur, ou pour nos plus grandes puissances, d’une camionnette. Ce positionnement nous permet d’équiper potentiellement un grand nombre de sites, d’autant plus que nos ORC captent des températures basses de l’ordre de 70°C. Avec sa technologie, Enogia apporte de la valeur sur ses marchés, ce qui est naturellement intéressant pour notre activité et nos marges.

Retrouve-t-on le même dynamisme du côté de vos compresseurs ?

AL. Côté hydrogène, le secteur est en pleine expansion et amené à s’accélérer encore dans le cadre de la révolution hydrogène amorcée. L’hydrogène se décline dans des domaines variés comme la production stationnaire, la mobilité lourde et la mobilité légère, et ceci avec deux objectifs principaux : pallier les carences de l’énergie renouvelable, et décarboner les transports. Or notre dispositif est stratégique dans la construction des piles à hydrogène : sans compresseur, pas de vapeur d’eau produite donc pas d’électricité ! Ce marché est estimé à 3 millions de pièces par an en 2030. Un terrain de jeu fantastique pour Enogia.

Quelles sont les spécificités de votre stratégie commerciale ?

AP. Elle s’ancre tout d’abord dans une volonté de nous étendre à l’international. Et ce dès les premières ventes de nos ORC en 2013, réalisées en Chine et en Italie. À ce jour, nous travaillons pour 25 pays différents et réalisons 40 % de notre chiffre d’affaires hors de France. Et, au premier semestre 2021, nous venons de signer en Asie un contrat majeur pour nos ORC représentant environ 1,5 million d’euros de chiffre d’affaires sur l’année. Autre approche commerciale innovante en cours de déploiement côté ORC, notre modèle de vente peut intégrer de la récurrence via une offre de location : celle-ci va permettre au client une rentabilité immédiate dans la mesure où le coût de location est inférieur aux économies d’énergie réalisées ; et donner à Enogia, via ces contrats longue durée, une visibilité précieuse. Notre stratégie commerciale globale paie, car entre 2014 et 2019 l’entreprise a enregistré une croissance annuelle moyenne de 40 %, certes un peu entamée par le Covid. Mais la reprise est là, puisque notre carnet de commandes à ce jour est supérieur à 5 millions d’euros, et notre pipe commercial dépasse les 100 millions d’euros.

Quelles sont vos principaux avantages sur vos concurrents ?

AL. Nous adressons tout d’abord un secteur de la petite puissance, de 20 à 180 kW, où les plus grands groupes ne sont pas forcément présents. Nos trois principaux concurrents sont d’ailleurs allemand, américain et suédois. Toutefois, la force d’Enogia est sa souplesse liée à notre logiciel interne de start-up : nos micro-turbomachines sont deux à cinq fois plus compactes que les autres, donc plus légères et moins gourmandes en matières premières. Ceci nous permet de nous montrer concurrentiels dans les prix tout en préservant notre marge. Sans compter que, à l’inverse des produits sur étagère, nous pouvons nous adapter sur-mesure à la demande du client : côté hydrogène, nous renversons le paradigme en adaptant le compresseur à la pile à combustible. Une approche validée notamment par la signature de deux contrats avec des acteurs de référence du secteur.

Quels sont les objectifs de croissance à moyen terme que vous vous êtes fixés ?

AP. Nous visons pour 2025 un chiffre d’affaires total de 95 millions d’euros, globalement équitablement réparti entre les ORC et les compresseurs. Notre EBITDA sera positif à partir de 2023, et nous l’augmenterons ensuite pour le mener à un objectif long terme de 30 %. Pour cela, nous allons continuer à miser sur l’innovation et la R&D en nous appuyant sur des partenaires de référence et les dispositifs de soutien. Les bases de cette croissance attendue reposent sur le made in France et une valeur ajoutée très importante. Notre procédé de fabrication est entièrement localisé chez nous à Marseille, avec un très faible risque de dépendance fournisseurs et une propriété intellectuelle sécurisée. De quoi conforter notre position de leader français sur les ORC et devenir rapidement un acteur incontournable du marché de l’hydrogène.

Vous avez engagé hier une nouvelle levée de fond après celle de 2017. À quoi va-t-elle servir ?

AL. Avec les 11 millions d’euros que nous visons, il s’agit pour Enogia de se donner les moyens de ses ambitions. Comme déjà expliqué, nous devons en priorité poursuivre nos efforts en R&D afin de maintenir notre avance et élargir notre gamme de produits. Adapter et améliorer, c’est un enjeu majeur pour notre stratégie de croissance, et il nécessite 40 % de l’opération. Nous avons aussi besoin de muscler notre conquête commerciale, en élargissant notamment notre présence à l’international, surtout pour nos ORC dans la zone Asie Pacifique. La spécificité du marché de l’hydrogène nous pousse aussi à créer une équipe dédiée à la commercialisation de notre compresseur. Ces ajustements représentent environ 20 % de l’ensemble des fonds levés. Enfin, pour ce qui concerne les 40 % restants, il est indispensable d’accompagner la croissance attendue par l’aménagement de notre outil de production. Ce qui signifie par exemple un futur déménagement de notre activité vers un site industriel plus vaste, toujours en France.

Enogia présente une expertise technologique, mais aussi un engagement RSE fort…

AP. Nous ne sommes pas positionnés pour rien dans les quartiers Nord de Marseille, en effet. C’est pour nous l’occasion de justifier la maturité ESG « avancée » de l’entreprise. À la fois en interne dans le souci d’accompagner nos salariés vers plus de responsabilités, dont certains vivent de très belles trajectoires professionnelles. Mais aussi en nous ouvrant à ce qui nous entoure, via l’engagement associatif, l’accueil de jeunes stagiaires et alternants, les visites de site, les interventions dans les collèges… Même si ce n’est pas ce que nous recherchions en engageant toutes ces actions, nous sommes donc très fiers de notre note sociale de 77/100, proche de l’exemplarité !


Aymeric Jeanson

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