Interview de Emmanuel Babeau : directeur général adjoint en charge des Finances de Pernod Ricard

Emmanuel Babeau

directeur général adjoint en charge des Finances de Pernod Ricard

Nous avons la possibilité de financer des acquisitions stratégiquement importantes

Publié le 21 Septembre 2007

Pernod Ricard a enregistré une croissance de son chiffre d’affaires annuel sur l’exercice 2006-2007 de 6,2%. Quels ont été les moteurs de cette progression ?
Je crois que ce qu’il faut retenir c’est notre chiffre de croissance interne qui exclut les effets de périmètre et de change, et qui est de 9,1%.

Clairement, les deux moteurs de notre progression et de la vivacité de notre topline, c’est d’abord la qualité de notre portefeuille de grandes marques internationales - notamment de notre «top 15» de marques stratégiques qui sont des marques premium leaders de leur catégorie au niveau international. Elles correspondent à ce que recherchent les consommateurs partout dans le monde, jouissent d’une très belle image et ont par conséquent beaucoup de dynamisme.

La seconde raison de cette croissance quasiment à deux chiffres de nos ventes, c’est la force de notre réseau de distribution. Pernod Ricard a en effet le plus beau réseau de distribution de l’industrie des Vins et Spiritueux, un réseau qui est totalement global. Nous sommes présents dans plus de 70 pays avec nos équipes et notre force de vente. Distribuer directement nos marques auprès des consommateurs nous permet d’être extrêmement efficaces et réactifs. Cela nous permet aussi d’avoir des performances spectaculaires dans les marchés émergents où il y a aujourd’hui des réservoirs de croissance considérables. 

Outre la très forte performance des marchés «Asie - Reste du monde» et Amérique du Sud, quels sont vos relais de croissance au niveau international ?
Si l’on fait un tour du monde de nos zones de croissance, l’Asie vient effectivement en tête, avec la Chine en particulier, à laquelle il faudrait ajouter Taiwan, Singapour, la Malaisie, le Vietnam et l’Inde qui est un marché très dynamique surtout sur les marques locales, mais qui commence à se développer sur les produits importés comme Chivas Regal. On a également l’Amérique du Sud, avec de très beaux relais de croissance au Mexique, au Brésil et au Venezuela.

Ces trois pays représentent des potentiels de marchés très importants pour le futur.

Par ailleurs, nous avons des marchés en forte croissance en Europe de l’Est, avec la Russie, la Pologne, la République Tchèque, etc. Enfin, reste l’Afrique du Sud qui est un très gros marché pour nous… Autrement dit, comme vous pouvez le constater les zones de croissance pour notre groupe sont encore très nombreuses.

Quelles ont été les marques les plus contributrices pour votre chiffre d’affaires ?
Il s’agit toujours de nos 15 marques principales (cf encadré) qui représentent 50% de notre chiffre d’affaires.

En France, quels sont les produits ayant tiré vos ventes vers le haut ? Comment évaluez-vous ce marché ?
Le marché français a été très bon en 2006-2007. Il y a une tendance qui s’est poursuivie : à la fois les whiskys, les vodkas, le rhum et le champagne se comportent bien, ce qui nous a permis de faire croître Chivas, Ballantine’s, Clan Campbell côté whisky ; en vodka on a très bien marché avec Wyborowa et Zubrowka ; pour nos rhums, c’est évidemment notre marque Havana Club qui a performé… C’est une tendance que l’on observait déjà dans les années antérieures.

Une autre bonne nouvelle cette année, c’est que l’on a constaté un rebond de Ricard qui a connu une croissance significative sur l’exercice.

Pernod Ricard vise Absolut ou Stolichnaya mais pas les deux…
Nous l’avons déjà dit par le passé, nous sommes effectivement intéressés par le rachat d’une grande marque de vodka internationale. Dans cette perspective, l’une ou l’autre ferait notre bonheur…

Il y a bien longtemps que l’on a annoncé qu’on travaillait à l’acquisition de Stolichnaya, mais nous ne sommes pas encore parvenus à sa conclusion. Quant à Absolut, il y a une possibilité de privatisation de la marque mais elle n’a pas encore été confirmée par le gouvernement suédois ; nous n’avons donc pas d’informations particulières à donner à ce sujet.

L’une des deux nous suffirait, et dans un cas idéal on pourrait envisager d’avoir les deux, mais l’important pour nous est surtout d’en posséder déjà au moins une…

Envisagez-vous de nouvelles acquisitions à l’avenir ?
Notre préoccupation aujourd’hui va clairement vers ces catégories de vodkas internationales, avec les deux marques que nous venons d’évoquer et qui retiendront toute notre attention et toute notre énergie dans les mois qui viennent.

De quelle marge financière disposez-vous pour ces opérations ?
Nous avons la possibilité de financer des acquisitions stratégiquement importantes pour nous. Dans le passé, nous avons démontré que lorsqu’une opération était pertinente, nous nous donnions les moyens pour la financer et nous n’avons aucun doute concernant le financement de l’une des marques de vodka citées plus haut.

Je ne peux vous fournir de montant précis puisque tout dépendra des prix à payer, des contributions et des synergies que l’on pourra mettre en œuvre…

Allez-vous intensifier votre stratégie de campagnes publicitaires ?
Nous avons déjà des investissements derrière nos marques qui sont importants. Vous pouvez d’ailleurs constater que nous avons apporté 1,1 milliards d’euros de dépenses publi-promotionnelles dans le compte de résultats que nous venons de publier. C’est un investissement considérable. Nous continuerons à faire croître ces dépenses en harmonie avec la croissance de notre chiffre d’affaires à la fois pour générer cette croissance et pour préparer l’avenir.

On peut donc s’attendre à ce que notre budget publi-promotionnel progresse avec notre croissance.

Quels sont vos objectifs pour l’exercice suivant ?
Nous avons déclaré être confiant pour l’exercice qui commence. Celui-ci a bien démarré en juillet-août, avec un bon début en termes de ventes, mais nous ne préciserons de manière chiffrée nos objectifs de croissance pour l’année qu’en assemblée générale le 7 novembre prochain.
Nous avons cependant déjà indiqué que nous nous attendions à une année de forte croissance de l’activité et du résultat opérationnel courant… A ce stade, ce que nous souhaitons faire passer, c’est ce message : nous aurons une forte croissance que confirme ce bon début d’année.

Avec les acquisitions de Larios, de Seagram et d’Allied Domecq en 2005, Pernod Ricard apparaît comme un acteur important de la consolidation du marché des Vins et Spiritueux. Quel constat tirez-vous de l’évolution de ce marché ?
Notre expérience et notre vision, c’est que la croissance externe bien menée -faire les bonnes opérations, c’est-à-dire stratégiquement pertinentes et au bon prix- crée de la valeur pour les sociétés parce qu’elles permettent de dégager des synergies nombreuses, ce que nous avons observé sur Seagram et  Allied Domecq.

C’est la raison pour laquelle nous pensons que cette consolidation va se poursuivre, dans la mesure où elle est source d’enrichissements supplémentaires,  au-delà de la croissance interne déjà vigoureuse dans notre activité, pour ajouter le levier de la croissance externe accélérant la création de richesses pour les actionnaires.

L'action Pernod Ricard a atteint de nouveaux sommets, au-dessus des 150 euros. Cette évolution vous inspire-t-elle un  commentaire ?
Je m’attacherais à évoquer son évolution sur le long terme. Depuis maintenant de nombreuses années, l’action Pernod Ricard a connu une performance et une progression régulières, qui, me semble-t-il, est la meilleure illustration des succès de notre stratégie et la force de notre modèle de croissance.

Propos recueillis par Nicolas Sandanassamy