Interview de Isabel Marey-Semper : Directeur Financier PSA Peugeot Citroën

Isabel Marey-Semper

Directeur Financier PSA Peugeot Citroën

Le Groupe PSA Peugeot Citroën demeure un bon placement pour tout investisseur

Publié le 01 Août 2008

Vos résultats du premier semestre affichent une bonne résistance du groupe. Votre bénéfice net est en hausse de 49% au premier semestre 2008, à 733 millions d'euros. Vos performances s’expliquent en grande partie par les effets de votre plan de compétitivité Cap 2010 (qui prévoit une réduction de ses frais de structure et de ses coûts de production) lequel a contribué à hauteur de 882 millions d'euros au résultat opérationnel sur la période et a permis de compenser un impact cumulé négatif de 461 millions d'euros dû à l'inflation des coûts et aux dépenses de recherche-développement. Ce plan devrait voir son déploiement s’intensifier dans les prochains mois. De quelle manière ?   
Le Plan de croissance et de compétitivité CAP 2010 a été lancé et mis en œuvre par Christian Streiff il y a un peu plus d’un an. Comme vous l’indiquez, des résultats tangibles sont déjà enregistrés.

Les actions de compétitivité et de réduction de coûts ont permis, dans l’environnement difficile du premier semestre, de dégager une marge opérationnelle de 3,6% au premier semestre 2008 contre 2,7% à la fin du 1er semestre 2007. A titre d’exemple, la qualité des véhicules lancés au cours des deux dernières années s’est fortement améliorée et s’est vue renforcer avec le programme CAP 2010  comme en témoignent la Peugeot 308 et la nouvelle Citroën C5. Ceci a pour double conséquence une meilleure satisfaction du client et aussi une augmentation du résultat du Groupe par une réduction significative des dépenses de garantie.

Autre exemple, le déploiement massif de la méthode « lean » dans toutes les usines a permis de réduire les coûts fixes au m2.

L’objectif du second semestre est donc de continuer la mise en œuvre des 180 projets du plan CAP 2010, certains d’entre eux étant d’ailleurs en avance sur leur planning.

 PSA confirme son objectif de marge opérationnelle consolidée de 3,5% du chiffre d'affaires en 2008. Vous avez également maintenu votre objectif de progression des ventes mondiales autour de 5%, dans une fourchette entre 3,550 et 3,650 millions d'unités.
Mais certains analystes pensent que ces objectifs sont difficilement tenables. D’une part le groupe dépend aux trois quarts de ses ventes sur le Vieux Continent, or vous anticipez pour le second semestre un ralentissement plus fort des marchés en Europe occidentale, tablant sur un recul de l'ordre de 4% sur l'ensemble de l'année. Ensuite, la saisonnalité des ventes joue « négativement au deuxième semestre ».
Effectivement, nous anticipons une décroissance des marchés de l’Europe de l’Ouest de l’ordre de 4% sur l’ensemble de l’année 2008, c’est-à-dire une deuxième semestre plus difficile.

10 nouveaux modèles ont été lancés au premier semestre 2008 dont des modèles du segment C&D comme la Peugeot 308 SW, la nouvelle Citroën C5 et de nouveaux véhicules utilitaires, segment où nous sommes n°1 avec 19.6% de part de marché en Europe. Avec cette gamme enrichie et renouvelée, le Groupe PSA Peugeot Citroën dispose de forts atouts pour conquérir les clients au deuxième semestre. Le dynamisme des marchés dans nos zones de développement prioritaire que sont le Mercosur, la Chine, l’Europe de l’Est et la Russie pour lesquels nous anticipons une croissance de l’ordre de 15% devront aussi contribuer à la croissance de nos ventes . Par ailleurs, nous prévoyons le lancement de 9 nouveaux modèles sur l’ensemble de nos marchés au 2ème semestre 2008 qui auront un premier impact au deuxième semestre et surtout en 2009. Nous sommes n°1 en véhicules utilitaires en Europe de l’Ouest et n°1 dans les véhicules à faible émission de CO2 et peu consommants, vous voyez que nous disposons des armes propres à nous qui permettront de réaliser nos objectifs.

Les répercussions de la flambée des matières premières, de l’euro fort, s’élèvent au premier semestre à 461 millions d’euros. Quelle évolution est à prévoir pour le second semestre ?  
Pour ce qui est de l’inflation du coût de matière 1ère,  nous anticipons sur l’ensemble de l’année 2008 un impact de l’ordre de 300 à 350 M€. Pour ce qui est des devises et en particulier la livre sterling, nous anticipons sur le 2ème semestre une parité identique à celle du 1er, à savoir, 80 pence pour 1 €. 

Les stocks du groupe ont crû sensiblement. Au 30 juin, ils atteignaient 668.000 unités, contre 619.000 un an plus tôt.

Vous vous attendez à ce que le niveau revienne à la normale d'ici à la fin de l'année. Où se situe le seuil acceptable ? 
En effet, nos stocks sont en augmentation d’environ 50.000 véhicules à la fin du 1er semestre 2008 comparés à la même période 2007. Sur ces 50.000 véhicules, une grande partie correspond à des modèles qui ont permis d’élargir la gamme, d’augmenter notre couverture du marché comme la Peugeot 4007, le Citroën C-Crosser, les petits utilitaires compacts, et la Citroën C4 au Mercosur. De fait, cela a pour conséquence d’augmenter les stocks. Ceci dit, nous nous attachons à réduire leur niveau global. Pour ce faire, nous avons pris la décision par exemple de prolonger la fermeture de notre centre de production de Mulhouse d’une semaine au–delà de la traditionnelle fermeture liée aux congés d’été. Sur d’autres centres de production, les fermetures sont de 1 ou 2 jours. 

Vous avez annoncé une augmentation des tarifs de 2,5% cette année. De quelle manière l’expliquez-vous ? D’autres augmentations sont elles à prévoir  dans les prochains mois ?
Pour certains cette initiative semble fort difficile si les concessionnaires des autres marques accentuent la guerre des prix ? 
Cette augmentation est la réponse que nous apporterons au 2ème semestre pour compenser la hausse du coût de matières premières. Il nous semble difficile dans le contexte actuel d’échapper à une majoration des tarifs. La plupart des constructeurs se sont déjà engagés dans cette voie. Une partie de cette hausse des prix a déjà été réalisée au premier semestre. Il faut la poursuivre sur le second semestre. 

Vous misez sur les marchés émergents pour soutenir vos activités. Vous tablez sur  une croissance « de l'ordre de 15% » cette année en Chine, en Russie et dans les pays du Mercosur. Cependant, votre filiale chinoise Dongfeng Peugeot Citroën Automobiles (DPCA) a dégagé 12 Millions d'Euros de résultat opérationnel courant au premier semestre 2008, soit une forte baisse par rapport à 39,5 ME au premier semestre 2007 (et 50 ME au premier semestre 2006) ?
La Chine est effectivement une destination sur laquelle le groupe PSA Peugeot Citroën nourrit de très fortes ambitions. En 2007, notre croissance aura été effectivement modérée mais toujours rentable. Cette croissance modérée révèle une répartition contrastée des résultats de nos marques : +13,9% pour Peugeot.  – 8,2% pour Citroën.

La lecture de ses deux chiffres donne la voie à suivre pour redynamiser nos résultats. Au-delà du lancement de nouveaux modèles, nous nous sommes donc attachés à développer un plan d’action visant à remettre la marque Citroën sur le chemin de la croissance : emménagement du siège de Citroën à Shanghai pour capitaliser sur un environnement plus favorable, restructuration du réseau, lancement de nouveaux modèles très en phase avec la demande de notre clientèle.

Par ailleurs, je vous rappelle que nous doublons actuellement la capacité de production de notre centre de Wuhan et qu’en 2009, une 2ème usine sera opérationnelle dans cette même ville. Il est donc clairement hors de question de nous satisfaire des résultats enregistrés à la fin du 1er semestre. 

De quelle manière appréhendez vous la concurrence des acteurs émergents, tels que Chery, Geely, Brilliance, Landwind… ou encore l’indien Tata Motors qui a annoncé l’année dernière l’arrivée de son modèle à 3 000 dollars, la Nano et qui a racheté Jaguar et Land Rover en mars ?
Nous ne souhaitons pas nous lancer dans la stratégie du low cost ou de l’ultra low cost.

La stratégie produit du groupe PSA s’appuie très clairement sur 2 axes totalement différents et complémentaires.

Le premier axe est d’offrir à la clientèle des pays émergents des modèles d’entrée de gamme qui répondent en tout points à ses attentes en termes d’équipement, de motorisation, d’habitude de conduite, de protection de l’environnement, etc.

Le deuxième axe, sur les marchés plus mûrs, est une stratégie premium qui augmente la valeur de nos marques. Il s’agit d’offrir dans chacun des segments où nous somme présents un véhicule « distinctif » au prix d’un constructeur généraliste. Le 1er véhicule qui illustrera cette stratégie est la 308 RCZ qui a été dévoilé par Peugeot il y a quelques semaines.

Pour la CGT, les bons résultats du groupe «ont été obtenus par les sacrifices imposés aux salariés : alourdissement des charges de travail, faible évolution des salaires, baisse des effectifs». Peut on considérer que le gros des départs est derrière-vous ? 
Le paradoxe de l’industrie automobile est d’être en permanence tiraillé entre baisse des effectifs et recrutement. PSA a mis en œuvre en 2007 et 2008 un plan de départs volontaires qui touchait principalement les effectifs de structure. En parallèle, nous venons d’annoncer le recrutement de 200 intérimaires sur notre site de Sochaux afin de pouvoir répondre au succès rencontré par la Peugeot 308 berline et préparer le lancement de la version SW. D’autres embauches en CDD devraient suivre sur ce site.

 Quel regard portez-vous sur la perte nette affichée par l'équipementier automobile Faurecia contrôlé à 71% par PSA Peugeot Citroën à de 22,2 millions d'euros à comparer à une autre de 47,4 millions sur la période correspondante de 2007 ?
Les résultats enregistrés par Faurecia sont en ligne avec le plan de redressement de Faurecia. Après avoir traversé des moments très difficiles, le Recovery Plan  développé et mis en œuvre par l’équipe dirigeante de notre filiale porte ses fruits et permet à Faurecia d’envisager l’avenir sous de meilleurs augures. Le chiffre d’affaire est en croissance de 19,6% en Amérique du Nord, de plus 23,9% en Amérique du Sud et de 13,4% en Asie.

En parallèle, Faurecia est revenu à une rentabilité positive en Amérique du Nord.

Sur le 2ème semestre 2008, Faurecia confirme donc ses objectifs de croissance de son chiffre d’affaires, d’amélioration de sa marge opérationnelle et de réduction de son endettement.

Le Recovery Plan porte clairement ses fruits et permettra à Faurecia un retour à la rentabilité à moyen terme. 

Le titre qui affiche un repli de près de 38% depuis le début de l'année. Quelle évolution envisagez-vous sur les marchés financiers pour les prochains mois ? 
Le titre PSA a effectivement beaucoup souffert depuis le début de l’année, comme l’ensemble des valeurs du secteur automobile. La publication de résultats semestriels en forte croissance par PSA et la confirmation de nos objectifs 2008 ont été plutôt bien accueillies avec un bond de 9% du cours de bourse. Valorisé à la moitié de ses fonds propres et avec un potentiel d’amélioration de la compétitivité grâce à Cap 2010, le Groupe PSA Peugeot Citroën demeure un bon placement pour tout investisseur !

Propos recueillis par Imen Hazgui