Interview de Frédéric Bonneau : Analyste chez Crédit Agricole

Frédéric Bonneau

Analyste chez Crédit Agricole

Les difficultés actuelles de l’industrie automobile européenne

Publié le 03 Mars 2009

Depuis le troisième trimestre 2008, on assiste à un effondrement général des ventes de véhicules légers dans tous les pays d’Europe. Si les marchés allemand et français ont bien résisté pendant les neuf premiers mois (respectivement +1,3% et +3,4%), la chute a été sévère sur les principaux marchés au quatrième trimestre : Espagne (-46,6%), Grande-Bretagne (-27,2%), Italie (-19,6%), France (-12,3%) et Allemagne (-11,0%).

La conséquence directe de cette chute des ventes a été la multiplication des arrêts de production chez les constructeurs européens, afin de limiter les stocks (et de contrôler leur besoin en fonds de roulement, négatif en temps normal, mais qui s’est dégradé avec la baisse des ventes – à titre d’exemple, le besoin en fonds de roulement de Renault a augmenté de 1,9 milliard d’euros sur le seul deuxième semestre 2008).

Les résultats financiers du quatrième trimestre (ou deuxième semestre pour PSA et Renault) sont d’ailleurs révélateurs de cette chute brutale (voir tableau ci-dessous).

Par ailleurs, certains constructeurs sont les victimes indirectes des difficultés des constructeurs nord-américains. C’est le cas de Opel/Vauxhall, Saab et Volvo, qui sont soit en dépôt de bilan (Saab) soit à la recherche de capitaux pour palier les défaillances de leur actionnaire principal (GM pour Opel et Ford pour Volvo).

Face à cette situation, les gouvernements des principaux pays européens ont chacun annoncé leur plan d’aide à l’industrie automobile (principalement en raison du nombre d’emplois concernés par d’éventuelles restructurations).

Quelles sont les évolutions à attendre ?

A court terme, on devrait observer une stabilisation de la production au cours de deuxième trimestre 2009, un certain nombre de constructeurs ayant annoncé une remontée des cadences (Volkswagen en Slovaquie, Renault en Espagne, Roumanie et Slovénie, Peugeot à Poissy), après une période de déstockage. Notons que ces reprises de production concernent souvent les petits modèles (Twingo, Clio ou 207) ou les modèles économiques (Sandero).

Le marché va cependant rester bas à moyen terme. Lors du cycle précédent (chute des ventes en 1993), cinq années avaient été nécessaires pour retrouver le niveau précédant la crise.

A moyen terme, des alliances ou acquisitions sont également envisageables, bien que les aides gouvernementales éloignent logiquement dans le temps la concentration du secteur, en permettant aux constructeurs les plus fragiles de survivre à court terme.

Le potentiel le plus important en termes d’économies d’échelle serait la combinaison de deux constructeurs généralistes, permettant ainsi de réduire les surcapacités existantes en Europe. L’inconvénient principal, qui rend d’ailleurs ce scénario peu probable à moyen terme, réside dans le coût social de la restructuration, et la forte résistance politique qui en résulterait.

A l’inverse, l’alliance de deux constructeurs haut de gamme n’apporte pas suffisamment d’économies d’échelle et pourrait créer une confusion dans l’image des marques.

Il reste une dernière combinaison, l’alliance d’un constructeur généraliste et d’un constructeur haut de gamme. Ce pourrait même être le benchmark de l’industrie automobile, avec les exemples de Toyota-Lexus et de Volkswagen-Audi-Porsche. Cette combinaison a l’avantage pour le constructeur haut de gamme de bénéficier d’économies d’échelle importantes pour l’entrée de sa gamme (plateforme et moteur). Elle est également politiquement plus acceptable, car il n’existe pas (ou peu) de redondances industrielles. Un analyste écrivait d’ailleurs récemment à propos de ce scénario qu’il pourrait être une solution «française» à un problème «allemand»…