Interview de Arnaud Bertin : gérant action chez Groupama AM

Arnaud Bertin

gérant action chez Groupama AM

J'ai une préférence pour le secteur automobile et privilégie les équipementiers plutôt que les constructeurs

Publié le 28 Janvier 2011

Vous êtes gérant action chez Groupama Asset Management, quel est le secteur que vous privilégiez actuellement ?
Je fais un focus sur le secteur automobile sur lequel j’ai plusieurs convictions. Je distingue toutefois les constructeurs des équipementiers, avec une préférence pour ces derniers. Je pense qu’il faut en effet être prudent et très sélectifs sur les constructeurs. Par exemple, Peugeot est trop exposé au marché français qui devrait baisser de 10% cette année. De plus, la stratégie du groupe est dans une impasse. Elle est axée uniquement sur de la croissance organique, et est encore loin d’avoir la taille critique pour s’imposer sur la scène mondiale. En revanche, Renault a envoyé des signes plutôt encourageants au marché avec un objectif de marge supérieur aux attentes du marché. Il faut également reconnaître la stratégie d’alliance de Renault avec Nissan, et le succès de Dacia. J’ai donc une nette préférence pour Renault. Pour Peugeot, il faut dire que le titre se paie sur des ratios historiquement bas, ce qui peut donc être intéressants mais à horizon long terme. Autre conviction, Fiat dont la scission entre les activités camions et automobiles permet au marché d’investir sur deux pure players de manière distincte. D’un côté, le marché des camions est sur le point de repartir ce qui est favorable à Fiat Industrials. La nouvelle entité automobile, de son côté, est intéressante avec la montée dans le capital de Chrysler dont il peut atteindre jusqu’à 51% des parts. Cette stratégie pourrait faire sortir Fiat de l’ornière et lui donner la taille critique, contrairement à PSA.

Et concernant les équipementiers ?

Je privilégie les équipementiers parce que le levier opérationnel est beaucoup plus fort, et parce que les titres ont été massacrés pendant la crise. Les équipementiers se sont restructurés et ont su réduire leurs volumes. Aujourd’hui, les équipementiers ont retrouvé des marges et sont tous en avance sur leurs plans. Valeo a déjà effectué trois relèvements d’objectifs annuels cette année, et on s’attend à ce qu’il dévoile des résultats au-dessus des dernières projections à l’occasion des résultats annuels. Le titre Faurecia est pénalisé par la présence de PSA dans le capital à hauteur de 57%. Le groupe pousse pourtant sa filiale à davantage de croissance externe afin de diluer sa part dans son capital. L’annonce d’une joint-venture en Chine est très positive. Ce qui est intéressant chez Faurecia c’est le changement de son profil. Avant, c’était une société sans plan de développement, sans stratégie d’acquisitions. Aujourd’hui, c’est une entreprise en plein développement, qui a les mains libres pour sortir d’Europe et aller chercher les relais de croissance. En termes de ratios boursiers, ces deux valeurs restent à des niveaux intéressants.

Quelle est votre position sur l’autre grand équipementier français qu’est Michelin ?
La problématique des pneumaticiens, c’est le cours du caoutchouc dont les prix sont en hausse constante. Avec 20% du marché mondial, il est impossible pour Michelin de se couvrir, ou alors, il faudrait faire plus de volumes, mais Michelin nous a souvent déçu là-dessus. On a du mal à appréhender la stratégie du groupe, et la trajectoire du titre ces derniers mois nous confirme dans notre raisonnement. Pourquoi une entreprise comme Michelin dépense deux fois plus en R&D que ses concurrents et a toujours autant de mal à maintenir ses parts de marchés ?

Si nous revenons sur le cas Renault, est ce que l’affaire d’espionnage industriel pèse sur le cours ?
L’affaire avait pesé au début. La crainte des marchés était que Renault perde des secrets stratégiques essentiels pour son développement futur, surtout sur la partie voiture électrique qui constitue un axe majeur du développement du groupe. Mais depuis, nous avons été rassurés sur le fait que rien de majeur n’ait pu échapper à des concurrents. Cela a même permis au marché de se rendre compte de l’avance que Renault avait acquise en la matière. Aujourd’hui, il n’y a pas de décote sur le titre.

Dans quelques semaines les constructeurs vont publier leurs résultats annuels, pourriez-vous changer votre position ?
Ce qui m’intéressera chez Renaut sera le niveau de marge, la génération de trésorerie et les dettes. En termes stratégiques, je m’interrogerai sur deux points : la montée dans le capital d’Avtovaz par Renault ou Nissan, et la mise en place de nouvelles synergies industrielles entre Renault et Nissan sur des plateformes communes. Je n’attends rien de particulier pour PSA et je pense que les résultats seront très proches du consensus.

propos recueillis par Nabil Bourassi