Interview de Stephen Norman : Directeur marketing communication monde du groupe Renault

Stephen Norman

Directeur marketing communication monde du groupe Renault

Nous voulons diviser par deux l'écart qui nous sépare de Volkswagen en termes d'image de marque

Publié le 28 Juillet 2011

En mars dernier, à l’occasion de la publication des résultats annuels et de la présentation du plan stratégique, Carlos Ghosn avait reconnu à demi-mot que Renault souffrait d’une forte détérioration de son image de marque. D’après vous, quels sont les points qui ont été identifiées et qui font défaut à cette image de marque?
Ce n’est pas tout à fait ce message qu’a voulu transmettre Carlos Ghosn, ou en tout cas, ce qu’il fallait en comprendre. Ce qu’il fallait retenir, c’est que notre groupe dispose encore de marge d’amélioration pour la marque Renault. Notre objectif dans le cadre du plan 2016 Drive the change, est de diviser par deux l’écart qui nous sépare de Volkswagen en termes d’image. Nous aurions pu choisir une autre marque, mais le constructeur allemand est numéro un en Europe et a une dimension mondiale. L’enjeu pour nous, c’est que cet écart sur l’image se traduit par un écart en termes de prix payé. Mais ce qu’il faut comprendre, c’est qu’en termes d’image de marques, les critères qualitatifs n’expliquent pas tout. Je vous rappelle qu’entre 1997 et 2004, Renault était la première marque en Europe, et pourtant, ses marges qualitatives n’étaient pas supérieures à celles de Volkswagen. Si on remonte plus loin dans le temps, je dirais même qu’il en était de même avec la marque Peugeot. Si vous demandez aux automobilistes ce qu’ils pensent de Ferrari, ils attribueront un 10/10, ce qui ne veut pas dire que tout le monde roulera en Ferrari. Renault est très attaché à son image de constructeur de voitures populaires. Par populaire, j’entends voitures de bonne qualité et d’un bon design pour le plus grand nombre.

Comment expliquez-vous alors l’effritement des ventes de Renault depuis le début des années 2000?
Nous avons observé deux phénomènes. En premier lieu, Renault manquait de conquête des clients d’autres marques, ce qu’il faisait pourtant très bien auparavant. La raison essentielle de cette désaffection provenait de la perception du design des modèles Renault de l’époque. En second lieu, nous avions perdu la fidélité des clients Renault. Cette fois, c’est la qualité de nos voitures fabriquées avant 2005 qui était en cause. Ce que l’on peut dire aujourd’hui, c’est que depuis cette époque là, Renault a rattrapé les points perdus sur son image de marque grâce notamment à des actions marketing et publicitaires. Mais, ce renversement a surtout été permis par la nouvelle gamme Mégane. Cette famille, véritable pivot de notre marque, bien née sur le plan du design et au top de la qualité, tire notre image vers le haut. Il est évident que nous ne nous arrêterons pas là. Nous lancerons deux nouveaux produits dans le cadre du plan 2016, qui seront de nouveaux appuis de notre stratégie 2016, il s’agit de la Renault Zoé, et de la Clio 4, toutes deux conçues dans le cadre du renouveau design incarnée par le nouveau Directeur du Design, Laurens Van den Acker.

Quelles sont les valeurs que vous voulez transmettre à travers vos voitures?

Renault c’est une bonne et belle voiture pour l’homme modeste. Modeste tant sur ses moyens financiers que sur son profil psychologique, c'est-à-dire qu’il n’a pas besoin de rouler pour vivre socialement. C’est ça Renault. Et je ne vois rien de mauvais là-dedans. Nous ne sommes pas une marque prétentieuse. Je suis fier de faire partie d’une marque qui distribue des voitures dans cet état d’esprit.

Pouvez-vous nous parler de votre stratégie marketing dans le cadre du plan Drive the Change?
Je définirais quatre axes. C’est d’abord et avant tout la qualité. Renault fabrique aujourd’hui des voitures d’une très grande qualité. Aujourd’hui, un revendeur de voitures d’occasions peut reprendre n’importe quelle Renault fabriquées depuis 2005 sans aucune inquiétude. Le deuxième axe, c’est bien sûr le design. Nous avons recruté Laurens Van Acker, un designer néerlandais. Vous pourrez constater le changement radical du design Renault avec le lancement des nouvelles Clio et Twingo. Troisième axe important, c’est l’innovation pour tous. Personne n’a innové comme nous innovons dans l’électrique, et pour un prix qui ne dépassera pas celui du diesel. Enfin, le dernier axe c’est la mobilité durable pour tous, là encore, notre offensive dans le véhicule électrique est très caractéristique. Aujourd’hui, personne n’est capable de proposer une telle offre sur ce segment, à ce prix.

Il s’agit d’une stratégie commerciale, mais est ce que sur le plan marketing, Renault ne reste pas cramponné à sa position de constructeur automobile moyen de gamme, alors même que le marché automobile européen se segmente de plus en plus entre l’entrée de gamme et le haut de gamme?
La première partie du plan Drive the change qui a un horizon proche, c'est-à-dire 2013, est essentiellement concentré sur le petit et moyen de gamme. Mais dès 2014, la deuxième partie du plan sera consacrée au renouvellement de notre haut de gamme dont l’Espace et la Laguna.

Est-ce que la filiale à bas coûts, Dacia, ne met pas Renault en porte-à-faux en termes d’image?
Quand Renault a décidé de lancer une voiture à 5 000 euros au début des années 2000, il était clair que ce serait sous une autre marque. La marque Dacia était donc toute trouvée. Aujourd’hui, on ne peut pas dire que Dacia fait de l’ombre. Si on étudie le profil des clients Dacia, 75% d’entre eux proviennent des marchés d’occasion, notamment des Renault… Il n’y a donc pas de cannibalisation. En termes d’images, les études ne démontrent pas qu’il y ait une confusion entre les deux marques, pas plus qu’elles ne démontrent que Seat ou Skoda sont un handicap pour Volkswagen.

En Russie, Renault commercialise une Logan sous la marque au losange. En Inde, le groupe annonce qu’il va lancer le Koleos dans les concessions Renault, avant d’annoncer que son équivalent en entrée de gamme Duster le rejoindrait dans les concessions. N’y-a-t-il pas là une confusion des genres?
Là vous touchez un sujet très intéressant. Aujourd’hui, la Renault Logan est le premier modèle d’importation en Russie. La question est est-ce que la commercialisation d’une Renault Logan facilite le positionnement de Renault sur le marché russe, ou en Inde avec le Koleos et le Duster ? La réponse est oui, sur le plan du réseau et de la notoriété, et non, sur le plan de l’image qui doit progresser vers le haut. Il est évident que si l’on pouvait créer un réseau à travers toute la Russie pour commercialiser des voitures plus haut de gamme, ce serait meilleur pour notre image. Mais ce n’est pas avec ce type de modèles que le réseau se créé. J’en veux pour preuve la hausse de 76% des ventes en Russie en 2010 qui a permis à Renault de se hisser à la troisième place dans le pays.

Vous assumez donc une stratégie de positionnement commercial flou?
La marque se repositionnera par elle-même, avec les modèles successifs.

Avez-vous mesuré l’impact d’autres évènements comme l’affaire d’espionnage industriel?
Bien sûr que nous l’avons mesurée. Nous avons réalisé un sondage. 27% disent que Renault a bien agi, 27% a mal agi, tandis que 46% des sondés ne se sentent pas concernés par la question. En dehors de la France, la question est très peu répandue. Je ne suis pas en train de dire que cette affaire nous a aidés à améliorer l’image de marque de nos voitures en France, mais cela n’a pas subjugué la marque de Renault en tant que constructeur automobile.

propos recueillis par Nabil Bourassi