Interview de Emmanuel Gautier : Responsable de la gestion solidaire au sein de Natixis AM

Emmanuel Gautier

Responsable de la gestion solidaire au sein de Natixis AM

La performance sociale des fonds solidaires est mesurable

Publié le 04 Novembre 2010

Qu'est-ce qu'un fonds solidaire et pourquoi Natixis AM propose-t-elle ce genre de produits ?
Les fonds solidaires sont des fonds d'investissement dont l'ambition est de contribuer directement à davantage de solidarité au travers des choix d'investissement réalisés. Il faut distinguer deux types de fonds solidaires : les fonds de partage, dont le rendement est en partie rétrocédé à des organismes agréés solidaires, et les « fonds d'investissement solidaires » qui, comme leur nom l'indique, investissent directement dans des entreprises solidaires. C'est le cas des fonds proposés par Natixis AM dont les encours s'élèvent aujourd'hui à 1,2 milliard d'euros, soit la moitié du marché de la gestion solidaire en France.

A qui s'adressent ces fonds ?
Ces fonds s'adressent aux investisseurs institutionnels et particuliers, et notamment aux 12 millions de salariés bénéficiant d'un plan d'épargne salariale. Celle-ci est devenue le principal collecteur d'épargne solidaire en France. Deux lois sont à l'origine de ce développement : la loi de février 2001 qui oblige les entreprises à proposer au moins un fonds solidaire parmi leurs plans d'épargne pour la retraite collectifs (PERCO), et la loi de modernisation de l'économie de 2008 qui étend cette obligation à l'ensemble des plans d'épargne entreprise. Mais l'épargne solidaire a vocation à se développer en-dehors de l'entreprise, dans les réseaux bancaires et via de nouveaux produits comme l'assurance-vie.

Dans quels types de projets investissez-vous ?
Nous investissons dans des « entreprises solidaires », qui ont été agréées comme telles par les pouvoirs publics. Il s'agit obligatoirement d'entreprises non-cotées, à taille humaine, qui contribuent au progrès social et environnemental. On y trouve des entrepreneurs sociaux, des associations, ou encore des coopératives qui agissent dans les domaines du logement (ex. Habitat et Humanisme), de l'insertion (ex. SIFA), de la solidarité Nord-Sud (ex. ACTED), des énergies renouvelables (ex. ENERCOOP), du microcrédit (ex. ADIE) ou encore de l'agriculture. Dans ce domaine, par exemple, nous avons investi récemment dans la foncière Terre de Liens une société foncière qui achète des terres agricoles en France afin d'y installer des agriculteurs, et d'y promouvoir une agriculture «raisonnée». Au final, l'univers d'investissement est assez diversifié. Mais il faut savoir que les fonds solidaires ne peuvent investir que 10% de leurs encours dans des entreprises solidaires, le reste étant placé dans des actions et obligations cotées en bourse afin de garantir la liquidité et la valorisation financière du placement.

Quelle différence y-a-t-il entre la gestion solidaire et la gestion ISR ?
Les fonds solidaires investissent dans des entreprises non-cotées (à hauteur de 10% maximum de l'encours), le plus souvent en France, bénéficiant de l'agrément solidaire alors que les fonds ISR sélectionnent les entreprises dans lesquels ils investissent sur des critères qualitatifs. L'objectif principal au niveau des 10% solidaires n'est pas de maximiser le rendement financier mais d'offrir une performance sociale tangible. Cette performance est mesurable au travers des réalisations des entreprises solidaires : construction de logements sociaux, créations d'emplois, distribution de microcrédits, etc… De son côté, la démarche ISR cherche à agir sur la qualité de la RSE (responsabilité sociétale des entreprises) ainsi que sur la stratégie des entreprises sur les thématiques du développement durable combinées à une approche financière. Ces deux approches peuvent très naturellement se compléter : ainsi de nombreux fonds solidaires sont aussi ISR dans la mesure où leurs gérants effectuent une sélection ISR sur les 90% du fonds placé en actions et/ou obligations cotées.

Propos recueillis par François Schott