Interview de Bernard  Aybran : Directeur de la multigestion chez Invesco Asset Management

Bernard Aybran

Directeur de la multigestion chez Invesco Asset Management

Actions européennes : le potentiel de rebond peut s'estimer entre 5 et 10% en 2013

Publié le 19 Décembre 2012

De quelle manière avez-vous accueilli la forte révision à la baisse des prévisions de croissance par la Banque centrale européenne pour la zone euro et par la Bundesbank pour l’Allemagne ?
Ces révisions étaient logiques. Ce qui est étonnant c’est qu’il n’y ait pas eu de révision auparavant. La consommation est sous pression pratiquement partout en Europe, les dépenses publiques sont orientées à la baisse, les entreprises sont réticentes à faire redémarrer l’investissement. Seules les exportations pourraient pour certains pays en particulier constituer un moteur de dynamique.

En l’absence d’une toile de fond macroéconomique favorable, quels pourraient être les catalyseurs des marchés financiers en 2013 ?

Le décollage des marchés financiers, plus spécifiquement des marchés actions a déjà eu lieu cet été. Les actions européennes ont ainsi mieux performé que les autres actions internationales. Le rallye a majoritairement été déclenché à partir de discours tenus par le gouverneur de la Banque centrale européenne, Mario Draghi.
Les forts déséquilibres en termes de valorisation ont été légèrement résorbés. Mais avec un rebond de cinq à six mois consécutivement à une correction de trois à quatre ans, nous sommes encore loin d’avoir atteint les moyennes de long terme.

Pensez-vous que ce seront d’autres déclarations qui seront à l’origine de la poursuite et de l’accentuation du rallye ?

Jusqu’à présent, c’est ainsi que cela a fonctionné. Les banques centrales sont les catalyseurs les plus puissants que l’on connaisse par leur injection abondante de liquidité. Une baisse du taux directeur supplémentaire et une créativité additionnelle dans l’adoption de mesures non conventionnelles pour venir en aide à la croissance devraient constituer les déclencheurs.

Quid de l’évolution des bénéfices des entreprises ?
Ces bénéfices sont très déprimés en 2012. En considérant les financières, nous sommes à 0, auquel cas, nous tombons en territoire négatif.
Les prévisions de bénéfices en 2013 sont exactement les mêmes que ceux du début d’année 2012. Les analystes n’ont fait que reporter leurs estimations. Celles-ci ne sont pas plus vraisemblables aujourd’hui qu’elles ne l’étaient à l’époque.
Nous tablons plutôt sur une progression des profits de 5-6%, en comptant les financières.

Quelles sont les principales zones de risque que vous entrevoyez ?
L’économie devrait rester affectée mais l’aide bancaire est en train de se mettre en place. Les taux obligataires ont beaucoup reculé. Je ne pense pas que la question de la sollicitation du Fonds de secours européen par l’Espagne soit importante, en revanche, celle de la dégradation de la note de crédit du pays en « high yield » ne laissera pas le marché indifférent. Cette éventuelle dégradation n’est pas vraiment intégrée par le marché.
Les valorisations des actifs espagnols ont été tellement détériorées que l’évènement est pleinement anticipé par le marché. Sur 2012, les actions espagnoles ont chuté de 6% alors que l’Eurostoxx a évolué de +13%.

Que prévoyez-vous sur la France, l’Italie, la Grèce ?
La France connait tous les jours un nouveau point bas sur ses taux d’intérêt. Le taux à deux ans est à 1%, le taux à dix ans à 1,93%. C’est un des rares marchés que les investisseurs institutionnels peuvent acheter massivement parce qu’il est très profond, et pas mal noté. Il faudrait réellement un choc important pour que les investisseurs se détournent des obligations souveraines françaises.
Une zone de turbulence pour l’Italie n’est pas à écarter.
La Grèce n’est plus un sujet depuis un moment déjà.

Quid de votre allocation d’actifs du moment ?
Nous avons accentué à partir du troisième trimestre une réallocation de nos encours vers les actions européennes et d’Asie émergente au détriment des actions américaines. Nous pensons avoir de bonnes raisons de continuer ce mouvement en 2013. Du coté de la dette, nous repondérons la dette émergente en dollar au détriment de la dette émergente en devises locales. Nous avons décidé de mettre un frein à notre surpondération dans les obligations high yield en raison de la multiplication des signes d’ébullition et de surchauffe sur ce compartiment.

Que voulez vous-dire ?
Nous remarquons une diminution de la note moyenne des émetteurs. Nous étions traditionnellement sur du B+, BB-. On se dirige plus vers du B. En raison d’une forte demande, les clauses d’émission sont de plus en plus légères, permettent de plus en plus de sauter les coupons.

Entre actions européennes et obligations européennes, vous préférez donc les actions ?
Tout à fait. Nous sommes surtout sur les actions de la zone euro (qui représentent environ la moitié des actions européennes en termes de capitalisation). Nous couvrons le risque de change contre l’euro chaque fois que nous le pouvons. Le positionnement est surtout fait sur les grandes capitalisations pour bénéficier de la dimension exportations et de la faible cherté des cours boursiers.

Quel potentiel de performance entreverrez-vous sur les actions et obligations européennes ?
Avec un dividende moyen de 4%, une appréciation des bénéfices de 4%, le potentiel peut s’estimer entre 5 et 10%.
Un resserrement de 100 points de base sur les obligations HY me parait concevable.

Propos recueillis par Imen Hazgui