Interview de Jean-Marie Mercadal : Directeur général délégué d'OFI AM

Jean-Marie Mercadal

Directeur général délégué d'OFI AM

Les actions européennes pourraient performer entre 12% et 15 % en 2014 dividendes inclus

Publié le 27 Décembre 2013

En quoi consiste votre scénario central pour l’année prochaine ?
Ce scénario est assez simple. Nous pensons que nous avons fini une première phase facile de normalisation sur les actions, caractérisée par un « bull market », au cours de laquelle l’indice américain a été multiplié par 2,7 et l’indice européen a gagné 80% depuis son point bas, dividendes inclus.
Cette première phase de revalorisation rapide permise par l’éloignement des risques systémiques grâce à l’intervention des autorités politiques et notamment des Banques centrales est terminée.

A présent, une deuxième phase va s’ouvrir plus centrée sur les fondamentaux : l’activité économique et les bénéfices des entreprises, ainsi que les taux d'intérêt à long terme.

Qu'escomptez-vous du côté des taux d’intérêt à long terme ?

Nous ne sommes pas trop inquiets à ce sujet. Nous avons le sentiment que les Banques centrales et surtout la Fed feront très attention à ne pas gâcher cinq années d’efforts.
Nous devrions assister à une remontée assez lente des taux longs.
Même si la croissance économique s’améliore un peu partout, il n’y a pas beaucoup d’inflation et il y a énormément de chômage. Les Banques centrales vont donc avoir de la latitude pour laisser les taux d’intérêt monétaire autour de 0.

Quel taux dix ans attendez-vous pour les Etats-Unis et pour l’Allemagne à la fin de l'année prochaine ?

Le taux long américain pourrait s’établir autour de 3,5% dans les 18 mois, contre environ 2,90% aujourd’hui.

Ceci étant, une corrélation positive devrait se dessiner entre obligations et actions à l’instar des années 1990 et la majeure partie des années comprises entre 2003 et 2007.

Quand voyez-vous un début de relèvement du taux directeur de refinancement ?

Nous ne nous attendons pas à une intervention sur les taux de la part de la Fed avant mi 2015 si nous projetons la courbe de baisse du taux de chômage. Nous sommes donc tranquilles pour 2014 de ce point de vue la.

Que voyez-vous du côté du « Bund » ?
Nous devrions probablement voir se creuser une déconnexion entre l’Europe et les Etats-Unis dans la mesure où la situation économique est beaucoup moins bonne sur le Vieux continent.
Alors que la croissance américaine pourrait se situer entre 2,5% et 3%, en Europe la croissance ne devrait pas dépasser 1%. Elle s’inscrira autour de 0.7% et 0.8%.
Dans ce contexte nous pensons que les taux longs vont beaucoup moins évoluer de ce coté ci de l’Atlantique. Le Bund pourrait se tendre de 20 à 25 centimes maximum.

Que pensez de la hausse des bénéfices ?
Le consensus nous semble un peu trop optimiste sur l’Europe car une hausse de 17 % est envisagée, avec une grosse partie qui viendrait des banques.
Selon nous la variation devrait être d’une dizaine de pourcents. Cela voudrait donc dire que pour l’année prochaine, dividendes inclus les actions européennes pourraient performer entre 12 et 15 %.

Pourquoi le consensus vous parait-il trop optimiste ?
Nous sommes dans un mouvement depuis quelques mois de révision à la baisse et nous ne voyons pas pour le moment de « momentum » de révision à la hausse. Peut être que cela va arriver mais la croissance européenne est un peu molle pour que nous ayons des mouvements de révision à la hausse.

Que tablez-vous pour les Etats-Unis ?
Pour les Etats-Unis le consensus est un peu moins positif car il table sur une dizaine de pourcents également. Cela nous semble plus réaliste même si les marges sont élevées car l’économie américaine est plus robuste et un phénomène très important qui est la baisse des coûts d’énergie favorise les entreprises américaines.

Comme la bourse américaine est un peu plus cher, à valorisation environ constante et compte tenue de l’augmentation des taux, la bourse américaine pourrait gagner entre 5% et 10 % en 2014 donc un peu moins paradoxalement que les actions européennes.

A quelle allocation d’actifs ce scénario central vous amène t-il ?
Nous n’avons pas vraiment de fonds équilibré mais ceci dit si nous considérons une allocation centrale sur un fonds 50/50 nous sommes aujourd’hui investis à hauteur de 55% en actions dans l’idée d’un élargissement de cette poche vers 65 %.

Des éléments techniques aujourd’hui témoignent du fait que les actions sont un peu surachetées ?
Ces éléments nous indiquent qu'il y aura probablement des petites phases de volatilité à court terme qui nous permettront de nous renforcer pour nous exposer à deux tiers sur les actions et un tiers sur les taux d’intérêt au cours du premier trimestre.

A quels éléments techniques faites-vous allusion ?
Il n’y a pas eu de correction de plus de 10% des actions américaines depuis environ 600 jours. C’est historiquement très rare.
Le sentiment des investisseurs est très positif. Par expérience lorsque l’on atteint un niveau de confiance aussi extrême, s’ensuit des phases de correction.

La probabilité que l’on entre dans un vrai « bear market » avec une baisse supérieure à 25 % nous semble extrêmement faible. Les phases de correction devraient conduire à un repli de 5% et 10 %.

Qu’en est-il de votre allocation géographique et sectorielle ?
Aujourd’hui nous préférons les actions européennes aux actions américaines.
Nous aimons la Chine car nous pensons qu’il y a un énorme potentiel de hausse sur les actions chinoises dans la mesure où le gouvernement met en oeuvre des reformes extrêmement importantes depuis 1 ans, qui ne sont pas encore prises en compte par le marché.
Les actions chinoises n’ont, de plus, rien fait depuis 3-4 ans et sont aujourd’hui sous valorisées.

Nous ne souscrivons pas tellement à l’idée qu’il ne faut pas être positionné sur les actifs émergents. Nous pensons que la croissance plutôt positive dans le monde occidental devrait avoir un impact sur le monde émergent. En outre l'écart de valorisation entre actions émergentes et actions développées est significatif. L’écart entre la performance des actions émergentes et américaines est de 35%, ce qui est énorme.

Il y a cinq ans, les actions américaines et les actions émergentes étaient valorisées a peu près similaires. Les PE étaient environ à 10. La bourse américaine est revenue à son PE historique de long terme autour de 15, ce qui n’a pas été le cas des actifs émergents.
L'Europe de l'est devrait particulièrement tirer avantage du retour de la dynamique dans la zone euro.

Quels sont les principaux risques que vous identifiez et qui pourraient remettre en cause cette allocation ?

Nous accorderions deux chances sur trois à la concrétisation de notre scénario central.

Parmi les risques identifiés, nous trouvons un risque de déflation. Nous avons été quelque peu surpris en 2013 par la faiblesse des taux d’inflation. L’inflation dans la zone euro est inférieure à 1%. Aux Etat Unis le dernier chiffre était de 1.2%. On a donc un risque de déflation à la japonaise plus important en Europe qu’aux Etats-Unis.
Nous pouvons aussi évoquer un risque d’erreur politique. Aux Etats-Unis, Janet Yellen pourrait se tromper dans sa communication et faire déraper les marchés.
Dans la zone euro, il peut également avoir un risque au moment des élections européennes si jamais il y a un rejet vraiment massif des politiques menées dans les grands pays qui va jusqu'à remettre en cause l’existence de la zone euro.

Quelle serait la répartition actions euros actions USA ?

Il y a 50% des actions européennes et 50 % actions internationales dont 30% USA ,10% Japon et 10% émergent.

Imen Hazgui (avec Wissal Ben Fadhel)