Interview de Muriel Touaty : Directrice générale de Technion France

Muriel Touaty

Directrice générale de Technion France

Le lien entre innovation et capital humain est indispensable aux projets novateurs du Technion

Publié le 17 Avril 2014

Quelle est la place du capital humain (capital individuel comme capital collectif) dans la stratégie d’innovation du Technion ? Quel lien entre innovation et capital humain ? Des spécificités selon les métiers ou les secteurs ?

Le Technion est un fleuron, au plan mondial, de valorisation de la recherche et de la création d’entreprises technologiques à haute valeur ajoutée. C’est une université de prestige, qui forme ses étudiants à devenir les entrepreneurs de demain. Le Technion a su établir des liens solides et développer une politique de partenariats extrêmement efficace avec les plus grandes entreprises et les plus grands centres de recherches dans le monde. Soulignons le rôle d’un outil indispensable de la création de valeur au Technion, le T3, Technion Technology Transfer Office, qui favorise et valorise le passage concret du laboratoire au marché, à travers la création de start-ups ou la vente de licence à des grands groupes.

Pour ce qui est du capital humain, il me semble qu’il est complètement lié au facteur culturel. Il n’existe pas de réelle hiérarchie en Israël. Les étudiants sont très vite impliqués dans des programmes de recherche, et mènent rapidement des projets, seuls ou en groupe. Il est assez aisé de comprendre qu’une idée - de sa conception à sa réalisation -ne peut être portée que par une seule personne. Pour chacune des idées émergeant d’un étudiant, titulaire ou professeur du Technion, c’est un travail d’équipe collectif qui est mis en place.
Une innovation ne naît donc que sous l’impulsion conjuguée de plusieurs têtes pensantes. Le lien entre innovation et capital humain est donc indispensable à la création, l’innovation et la réalisation de projets novateurs tel que l’anti-parkinsonien Azylect ou le Na-Nose (nez électronique), qui détecte l’hypertension artérielle pulmonaire, pour ne citer que quelque unes des découvertes associées au Technion.


Quelles sont les bonnes pratiques de valorisation du capital humain qui font la différence des entreprises israéliennes du Technion ? Pensez-vous que celles-ci jouent un rôle déterminant dans la croissance économique israélienne et notamment dans le développement des nouvelles technologies et de la knowledge economy ?

Le Technion a été classé 6ème université mondiale en entrepreneuriat et innovation d’après un classement du MIT en avril 2013. L’université est reconnue par le monde entier comme un modèle d’innovation à part entière dû à sa philosophie de l’excellence, de la prise de risque et du dépassement de soi inhérent à la culture même des Israéliens et donc des étudiants de Technion.
La culture de la prise de risque et du résultat inculquée dès le plus jeune âge aux Israéliens a permis de voir éclore une nation d’entrepreneurs. Il est manifeste que cette culture de la prise de risque, de l’entrepreneuriat et du dépassement de soi, est aujourd’hui ancrée dans les mentalités israéliennes.
Le Technion permet aussi aux étudiants de vivre dans une dynamique de réflexion continue en leur posant des problèmes difficiles à résoudre et en les incitant à se surpasser pour imaginer des solutions viables sur les marchés actuels. Enfin, Le Technion a su établir des liens solides et développer une politique de partenariats extrêmement efficace avec les plus grandes entreprises et les plus grands centres de recherches dans le monde. Plusieurs structures de Ventures Capitalistes (VitaLife Partner, Battery Ventures) se sont d’ailleurs associées au Technion pour apporter un soutien conséquent aux start-ups incubées et aux projets prometteurs.
Par ailleurs, le Technion, à travers mon action au sein du Technion France, a établi des partenariats de recherche ciblés et stratégiques avec de grands groupes tels que Veolia, Sanofi, Servier, Merieux, Total ou encore le Groupe Havas Media. Il s’agit donc de mettre en contact, et en avant des grands groupes avec des start-ups israéliennes, de manière à créer, conjuguer et lier les écosystèmes Français et Israéliens.
Il est donc facile de comprendre que la valorisation du capital humain joue un rôle déterminant dans l’essor économique du pays, et pour le développement des nouvelles technologies, et de l’innovation.

Comment les entreprises israéliennes et du Technion communiquent-elles (dans le domaine financier et extra financier) sur le capital humain et l’innovation auprès des marchés financiers et de la communauté économique pour que leurs investissements dans ces domaines soient valorisés ? Le Technion accorde-t-il une place importante à ces aspects de communication vers l’extérieur et comment accompagne t-il les entreprises dans ce domaine ?

Le rapport entre le Technion et les industries est intrinsèquement lié. Le Technion est une pépinière d’innovation. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si toutes les entreprises israéliennes et mondiales ont voulu implanter leurs centres de R&D sur le campus du Technion ou aux abords du Technion. Elles ont privilégié l’excellence et le savoir-faire de la faculté.
De plus, le Technion est un fleuron au plan mondial de la recherche et de la création d’entreprises technologiques à haute valeur ajoutée. C’est une université et une école d’ingénieurs multidisciplinaire, qui forme ses étudiants, à devenir des viviers d’idées et d’innovations concrètes qui s’exportent dans le monde entier.
Deux exemples récents marquent le rayonnement du Technion à l’échelle mondiale. D’abord, en réponse à l’appel d’un projet international en 2011 lancé par le maire de New York, Michael Blumberg, le Technion s’est associé à l’université de Cornell pour créer à NYC un grand campus d’excellence scientifique et de création d’entreprises innovantes à l’image de la région de Boston ou de la Silicon Valley en Californie, avec des promotions de 2000 étudiants de niveau Master par an.
Ensuite en Chine, la Province Guangdong et le Gouvernement de Shantou ont décidé d’allouer 150 millions de dollars pour dupliquer le modèle d’éducation et d’innovation du Technion en Chine. Une initiative stratégique qui est accompagnée d’un don de 130 millions de dollars de la fondation Li Ka Shing, derrière laquelle se trouve la 8ème fortune mondiale, alloués au Technion pour développer des projets de coopération supplémentaires avec la Chine.
Pour ce qui est des manifestations que j’organise avec l’Association Technion France - dont je suis directrice - elles sont tout aussi variées et intenses. Depuis plus de dix ans, j’organise chaque année un Colloque Scientifique majeur, sous le Haut Patronage du Président de la République, regroupant les meilleurs Professionnels de l’industrie et Institutionnels français avec les Professeurs et Chercheurs du Technion, autour d’un domaine de prédilection. Le 15 et 16 décembre 2014, le Big Data sera à l’honneur avec la capture, le stockage, le partage, l’analyse et la visualisation des données, ainsi que la 3D. Ces thèmes seront abordés lors de tables rondes animées par chacun des acteurs présents.
Cet événement est l’occasion de débats et partage d’idées autour de thématiques précises et de qualité. Cela permet de valoriser et mettre en avant ces entreprises qui croient et participent activement au développement du Technion et des innovations de demain.
De plus, une mission annuelle sur le campus de l’université du Technion est organisée à Haïfa en Israël chaque année. C’est l’occasion de faire découvrir l’université, ses élèves, ses professeurs et toutes les innovations qui sont en cours de devenir.


Quelles politiques, inspirées par les succès du Technion, pourraient être implantées en France ? Sur la base de l’expérience du Technion, avec quelle stratégie pour les promouvoir ?

Nous l’avons souligné, il y a le facteur humain, mais il y a aussi la politique mise en place par le gouvernement qui a fait d’Israël une Terre d’accueil et d’intégration d’immigrants brillants du Monde entier sur les plans scientifiques et technologiques. Outre miser sur l’éducation, le gouvernement Israélien a su stimuler l’émergence d’une industrie du Venture Capital local et international qui investit fortement dans le secteur des start-ups et PMEs innovantes. En amont de cette chaîne à forte valeur ajoutée et à forte croissance, le gouvernement Israélien a donné des moyens importants au Chief Scientist du Ministère des Sciences pour développer la recherche et sa valorisation permettant ainsi l’émergence d’un secteur industriel.
Pour conclure, les facteurs de réussites du Technion sont la combinaison de plusieurs facteurs : l’excellence scientifique et technologique, le partenariat stratégique en identifiant les sujets d’intérêts communs et le facteur humain.

Née à Paris en Avril 1968, Muriel Touaty est Directrice générale de l'Association Technion France depuis 2002.
Elle a vécu à Tel Aviv, en Israël, pendant 19 ans (1982-2001). Elle est diplômée de l'Université de Tel Aviv avec un diplôme de maîtrise en science politique et de droit international.
Muriel Touaty, à ses débuts, a travaillé dans une start-up israélienne à forte croissance centrée dans les domaines de la communication améliorée et des relations publiques entre la France et Israël. Elle a été également Directrice Marketing et des relations publiques pour l'Europe de «Business Layers», une start-up qui a développé le e-provisioning logiciel. C'est cette mission qui l'a ramenée vers la France.
Elle dirige aujourd'hui l'Association Technion France, représentation française de l'Université du Technion, l'Institut Technologique d'Israël, à Haïfa. Sa mission est de faciliter et d'établir des coopérations bilatérales industrielles, universitaires et scientifiques entre le Technion et la France, de promouvoir l’innovation, de recueillir des fonds pour les étudiants du Technion, etc.... Membre de la commission scientifique de la FFI, elle a été, en 2009, promue Chevalier de L'Ordre National du Mérite par Mme Valérie Pécresse, Ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Interview pour la Tribune Sciences Po de l’économie de l’immatériel, dirigée par Marie-Ange Andrieux. 



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