Interview de Dominique Barbet : Responsable de la recherche économique de marché BNP Paribas

Dominique Barbet

Responsable de la recherche économique de marché BNP Paribas

Une parité d'un euro pour un dollar est envisageable début 2016

Publié le 02 Mars 2015

Pourquoi la Banque centrale européenne se lance-t-elle aujourd’hui dans un programme de rachat de dettes souveraines  ?
L’un des principaux indicateurs de la BCE en matière politique monétaire, ce sont les anticipations d’inflation. Celles-ci ont décroché en 2014 dans un contexte de ralentissement en cours d’année de l’économie européenne. Le « point mort » d’inflation à 5 ans, principal indicateur de politique monétaire, est tombé à 1,7% alors qu’il a toujours été supérieur à 2%. Afin d’éviter des anticipations d’inflation négatives, autrement dit une situation de déflation (baisse des prix autoentretenue), la BCE a décidé d’intervenir massivement et de lancer ce programme de rachat d’actifs qui vise surtout à faire repartir l’investissement des entreprises, via de meilleures conditions de financement.

Les attentes autour de ce "quantitative easing" ne sont-elles pas trop fortes ?
Nous n’avons pas la garantie aujourd’hui que le ‘QE’ produira les effets escomptés. Même si l’annonce de ce programme a déjà eu des effets positifs pour l’économie européenne, la BCE doit maintenant passer à l’acte et ce n’est pas si simple. On sait qu’il y a un acheteur (la BCE) pour 60 milliards d’euros d’actifs par mois mais on ne sait pas s’il y aura suffisamment de vendeurs. Les banques ont des obligations réglementaires qui leur imposent de conserver un « matelas » d’actifs sûrs dans leurs bilans. Elles pourraient attendre d’avoir davantage de visibilité sur leur activité pour se débarrasser de leurs titres de dette. Cependant, contrairement à ses précédentes opérations, la BCE ne s’adresse pas uniquement aux banques. Le ‘QE’ concerne tous types d’investisseurs financiers (assureurs, fonds communs de placement, hedge funds, agences publiques), en Europe mais aussi à l’étranger. Le spectre est donc beaucoup plus large. On peut penser qu’un certain nombre de ces investisseurs profiteront de cette opportunité pour liquider leurs positions sur les obligations souveraines et réinvestir dans d’autres actifs offrant de meilleurs rendements comme les actions, les obligations corporate ou l’immobilier.

J’ajoute que les emprunts d’Etats sont le seul actif présent en abondance dans les bilans des banques et de l’ensemble des institutions financières. La BCE n’avait d’autre choix, dans le cadre d’une politique de relance monétaire qu’elle veut massive, que de faire appel à ces dettes souveraines.

La baisse des taux d’intérêts et de l’euro va-t-elle se poursuivre selon vous ces prochains mois ?

Les taux d’intérêt ont déjà beaucoup baissé depuis l’annonce du ‘QE’. Il est possible que l’on soit près d’un niveau plancher. Si l’on se réfère au ‘QE’ de la Fed, l’essentiel de la baisse des taux a eu lieu entre l’annonce du programme et les premiers mois de sa mise en œuvre. En revanche je pense que l’euro peut aller plus bas. L’ « effet flux » est important sur le marché des changes, où les rachats mensuels de la BCE vont avoir un impact. Nous prévoyons une nouvelle baisse de l'euro, qui pourrait revenir à la parité face au dollar d'ici un an.

Propos recueillis par François Schott