Interview de Philippe Waechter : Chef économiste de Natixis Asset Management

Philippe Waechter

Chef économiste de Natixis Asset Management

L'économie européenne a besoin d'un choc de relance qui passe par la politique monétaire mais aussi par une plus grande cohérence des politiques budgétaires

Publié le 04 Mars 2015

Pourquoi la Banque centrale européenne se lance-t-elle aujourd’hui dans un programme de rachat de dettes souveraines alors que la Fed vient de mettre fin à cette politique ?
Le contexte n’est pas le même. La Fed a mis en place son ‘QE’ en réponse à la crise financière qui sapait les bases de l’économie américaine et dont les conséquences auraient été plus graves encore que celle de 1929 sans son intervention. Face à un tel choc la Fed n’a pas hésité à injecter des milliards d’euros dans le système financier, dès 2008 et jusqu’à la fin de l’année dernière. Cela a permis aux ménages de se désendetter progressivement et à l’économie américaine de repartir. En zone euro, nous ne sommes pas face à une crise financière mais face à une crise économique qui dure depuis près de trois ans et qui risque de se prolonger encore longtemps si rien n’est fait. L’économie européenne a besoin d’un « choc » de relance, qui passe par la politique monétaire mais aussi par une plus grande cohérence des politiques budgétaires. Je pense que le quantitative easing de la BCE va permettre cette plus grande cohérence dans le cycle européen.

Le ‘QE’ européen peut donc être efficace selon vous ?
La BCE a déjà réussi à convaincre les investisseurs que les taux d’intérêts resteront bas très longtemps. Même si elle n’évoque jamais d’objectif de change, elle est également parvenue à faire baisser l’euro ce qui donne une bouffée d’oxygène aux entreprises. Ce sont deux éléments positifs que le ‘QE’ va permettre de consolider. En revanche il sera plus difficile de faire repartir l’inflation qui nécessite une hausse de la demande.

Comment la BCE compte-t-elle s’y prendre ?

Concrètement le ‘QE’ va d’abord faire baisser les taux souverains, notamment dans les pays périphériques de la zone euro. La BCE espère que cette baisse des coûts d’emprunt des Etats se répercutera sur ceux des entreprises et des ménages et que ces derniers se remettront à investir et à consommer. Quant à l’épargne longue, elle se reporterait sur les investissements productifs (prêts aux entreprises, actions). Tout cela mis bout à bout, on pourrait avoir un redémarrage de la demande.

Les rachats de dettes de la BCE vont-ils entraîner une hausse des marchés actions ?
C’est probable. Les taux à court terme sont aujourd’hui proches de zéro et les taux à long terme ont vocation à baisser avec la mise en œuvre du ‘QE’. Les investisseurs qui veulent maintenir leur rendement doivent donc se reporter sur d’autres actifs plus risqués, comme les actions. C’est ce qui s’est produit aux Etats-Unis tout au long du programme de la Fed. On peut imaginer que la même chose se passe sur les actions européennes, même si celles-ci ont déjà bénéficié d’un rebond ces derniers mois. D’autres actifs comme l’immobilier devraient en profiter. Il faudra bien sûr être attentif au risque de bulle sur ces différents marchés.

Quel impact ce programme aura-t-il sur le niveau de l’euro ?

La poursuite de la baisse de l’euro dépendra de la politique de la Réservé fédérale américaine. Celle-ci semble vouloir prendre son temps avant de remonter les taux. C’est pourquoi je ne crois pas à une parité entre l’euro et le dollar malgré les effets du ‘QE’. Je pense que l’euro va se stabiliser dans une fourchette de 1,10 – 1,15 dollar. En revanche la politique monétaire de la BCE a un impact sur celle d’autres pays comme la Suisse, la Suède ou le Danemark, qui ont tous dû baisser leurs taux pour éviter une trop forte appréciation de leur monnaie.

Propos recueillis par François Schott