Interview de Olivier Novasque : Vice-président de l'Association française des éditeurs de logiciels (Afdel)

Olivier Novasque

Vice-président de l'Association française des éditeurs de logiciels (Afdel)

Il y a un rapport de un à cinq entre une cotation sur Euronext et au Nasdaq

Publié le 27 Mai 2015

Vous dirigez Sidetrade, un éditeur français de progiciels spécialisés dans la relation client. Comment vous positionnez-vous sur ce marché où évoluent des géants tels que Salesforce ?
Nous ne sommes pas en concurrence avec Salesforce qui gère l’ensemble de la relation commerciale et marketing. Nous proposons des logiciels de gestion financière dédiés au ‘poste client’ (ndlr : chiffre d’affaires facturé mais non encore encaissé). Il s’agit d’un marché de niche qui répond à un besoin crucial de toute entreprise : maîtriser son risque client et faire baisser ses délais de paiement. Nos clients – essentiellement des grands comptes et des PME avec une forte dimension internationale - gagnent en moyenne 6 jours de DSO (Day Sales Outstanding) avec nos logiciels et augmentent de plus de 31% la productivité des équipes de recouvrement. Malgré le gain de trésorerie que cela représente, seules 10% des entreprises utilisent ce type de logiciels. Si Salesforce a « ouvert » le marché des logiciels de CRM (customer relationship management), il reste beaucoup à faire en matière de gestion financière de la relation client.

Dans le secteur numérique les entreprises européennes ne jouent pas dans la même cour que leurs concurrentes américaines. Comment expliquez-vous cet écart ?
En tant qu’éditeur de logiciel européen il est plus difficile de se projeter à une grande échelle que pour une entreprise américaine. Il faut d’abord conquérir son marché domestique puis s’étendre dans d’autres pays, avec les coûts que cela implique : traduction du logiciel, ouverture de filiales à l’étranger, gestion de différents systèmes juridiques, etc. Il y a un problème de fragmentation du marché. Les entreprises américaines bénéficient d’emblée d’un grand marché, par ailleurs la digitalisation de la société américaine est plus avancée. Ensuite, pour s’imposer sur le marché mondial, les entreprises américaines sont prêtes à faire des pertes. Le cas de Salesforce est typique : depuis trois ans le groupe est dans le rouge mais son cours a doublé et le groupe vaut désormais près de 50 milliards de dollars ! Il a d'ailleurs conquis des parts de marchés irréversibles. Ce genre de stratégie, qui privilégie la croissance à la rentabilité, est difficilement envisageable en Europe où les analystes sont obnubilés par les marges et ne prennent pas suffisamment en compte le potentiel d’une société.

Le problème serait donc culturel ?
Pas seulement. L’un des principaux freins à l’émergence de champions européens réside dans la sous-valorisation des valeurs technologiques de ce côté-ci de l’Atlantique. Il y a un rapport de un à cinq entre une cotation sur Euronext ou au Nasdaq. Il n’est pas étonnant dans ces conditions que certaines sociétés comme Criteo choisissent d’aller se coter aux Etats-Unis. Ceux qui ont une ambition mondiale n’ont pas d’autre choix que de se faire racheter par un investisseur américain car ce dernier sera toujours prêt à investir davantage.

Euronext a lancé fin avril un nouvel indice, le Tech 40, afin d’accroître la visibilité des valeurs technologiques européennes. Est-ce une bonne chose selon vous ?

L’indice Tech 40 est une bonne initiative mais elle n’est pas suffisante. Ce qui manque aujourd’hui, c’est une porte de sortie pour les investisseurs en capital. Il faut créer un véritable Nasdaq européen rassemblant Euronext, les places de Londres et de Francfort. Ce n’est qu’avec ce grand marché et la perspective de meilleures valorisations que les entreprises européennes attireront les fonds nécessaires à leur croissance.

Propors recueillis par François Schott