Interview de Igor de Maack : Gérant actions chez DNCA Finance

Igor de Maack

Gérant actions chez DNCA Finance

Le marché des actions de la zone euro pourrait gagner entre 30% à 40% sur la totalité de l'année 2015

Publié le 03 Juillet 2015

Quel regard portez-vous sur la hausse du marché des actions de la zone euro ce début d’année ?
Tout d’abord le rebond des actions de la zone euro ne date pas de cette année. Le mouvement a débuté en 2012 sur fond d’une diminution de la prime de risque liée à la crise de la zone euro. Nous avons assisté à une expansion des multiples permise par les mesures de soutien prises par la Banque centrale européenne et reposant sur une anticipation de la sortie de la crise économique. Le PE du marché est ainsi passé de 8x en 2011 à 16x aujourd’hui.

Quelle lecture faite-vous de la vive performance de 20% à l’issue des trois premiers mois de l’année ?

La performance du marché actions s’explique indubitablement par l'annonce du programme de quantitative easing déployé par la Banque centrale européenne ainsi que par l’amélioration de la conjoncture économique au sein de la région.
Le programme de quantitative easing a éloigné le risque de déflation et a induit un changement de perception chez les investisseurs sur les actifs risqués.

Comment interprétez-vous la phase de consolidation qui s’est ouverte en avril ?

Tout d’abord par la hausse des taux longs allemands. Il est intéressant de relever que l’augmentation du Bund à dix ans a été quasiment similaire à celle que l’on avait pu observée sur le T-Note américain en 2013. A partir du moment où la menace de la stagnation séculaire disparaissait, les investisseurs se sont focalisés sur les anticipations d'inflation qui ont été relevées. Mais cette hausse des taux est plutôt saine.
A ce premier facteur en revanche, une incertitude grandissante venant de Grèce est venue se greffer.

Comment voyez-vous la suite des évènements ?

Le rebond du marché actions devrait se poursuivre à condition que l’on constate bien une progression des bénéfices des entreprises de la zone euro (de l'ordre de 15%) voire une révision à la hausse. La microéconomie doit prendre le relais de la macroéconomie. Il semble que cela soit en train de se produire. Cependant il faut à présent avoir une vraie confirmation de cette reprise économique.

A quels signaux faites-vous allusion ?
Les indices PMI sont en hausse. Le taux de chômage est globalement en baisse. L’euro, le cours du pétrole, les taux de financement des entreprises historiquement faibles constituent des atouts indéniables pour la zone euro.

Pensez-vous sur les résultats semestriels des sociétés valideront votre présomption ?

Nous le pensons effectivement.

Comment considérez-vous le dossier grec dans votre scénario ?

Je dirais que la Grèce est passée d’un sujet systémique à un sujet problématique mais gérable. La Grèce a fait défaut sur son échéance avec le FMI ce mardi. Certes, les marchés sont plutôt fébriles mais absorbent pour le moment bien un évènement qui aurait été cataclysmique il y a quatre ans.
A mon sens, ce qui pose problème c’est l’absence de visibilité sur le dossier. Que le dénouement soit favorable ou défavorable, le marché aimerait qu’une décision soit clairement prise.

Quelle probabilité donnez-vous à une sortie de la Grèce de la zone euro ?

Il est très difficile de le dire. Ce sera une décision politique et la politique a ses raisons que la Raison ne connaît pas !
Même si ce n'était pas prévu, on peut très bien avoir des Etats à l’intérieur d’une zone monétaire qui font défaut. Il est intéressant de constater que dans la zone dollar, un Etat, Porto Rico, aussi est au bord du défaut de paiement.

Craignez-vous que cette sortie ne mette un terme au rallye des actions de la zone euro ?

Je ne crois pas qu’une sortie de la Grèce cassera la dynamique haussière des actions de la zone euro. Des mécanismes ont été mis en place pour endiguer la contagion. Un alignement des planètes favorable pour la classe d’actifs demeure.
Par ailleurs, l’économie grecque représente moins de 2% du PIB. Les banques européennes se sont en grande partie débarrassées des actifs grecs. Les investisseurs ont tellement entendu parler de cette problématique grecque qu’ils ne seront pas outre mesure surpris par un dénouement défavorable.

D’aucuns redoutent que cette sortie ne constitue un précédent ?

Ce sera un précédent pour les pays qui ne respectent pas les règles. Cela me parait plutôt sain.

Hormis la Grèce, quels autres risques identifiez-vous pour la classe d’actifs ?

Un premier risque réside dans un ralentissement prononcé de la croissance américaine. Nous sommes davantage vers la fin d'un cycle que vers le début d’un cycle qui a commencé il y a plusieurs années. La hausse des taux très attendue devrait ajouter un élément de non compétitivité à l’économie américaine qui souffre déjà de la robustesse du dollar.

Une autre source de préoccupation est l’essoufflement de la dynamique en Chine. Il ne faut pas que la croissance chinoise décroisse trop vite et trop fort. Cela pourrait affecter les grandes sociétés européennes à dimension internationale-dans le luxe ou la grande consommation- fortement exposées à la consommation des pays émergents et notamment de la Chine. Ce qui est gagné par ces sociétés en termes de hausse des résultats sur leurs activités européennes peut être perdu ailleurs.

Qu’escomptez-vous sur le plan de l’accroissement des profits, de l’expansion des multiples, des dividendes ?

Le consensus table sur une hausse des profits de 15%. Les sociétés pétrolières devraient peser à la baisse sur cette prévision. En revanche les banques devraient être fortement contributrices.
Je pense que l’expansion des multiples a touché à sa fin. Le PE aujourd’hui est de 16x ce qui commence à être tendu sans être non plus une valorisation de bulle.
Les dividendes devraient rester généreux entre 2 et 3%.

Quel potentiel d’upside entrevoyez-vous ?

Le marché pourrait prendre 30% à 40% au total sur l’année. Telle a été peu ou prou la performance affichée par le marché des actions américaines et le marché des actions japonaises après les QE menés par la Fed et la BoJ.
En l’absence de répercussions exacerbées liée au dossier grec et d’une nouvelle violente remontée des taux, les investisseurs devraient continuer à se rabattre massivement sur le segment de marché.

Que représentent les actions de la zone euro dans votre allocation d’actifs ?

Nous sommes plus investis que la moyenne dans nos fonds flexibles.
Notre pondération a eu tendance à légèrement augmenter depuis le début de l’année mais davantage du fait de la hausse des marchés.

Avez-vous des biais dans cette allocation ?

Nous sommes plus axés sur les pays d’Europe du sud.
Nous jouons les secteurs cycliques et en recovery comme les compagnies aériennes, les constructeurs automobiles. Nous pouvons mentionner dans la technologie Alcatel, STmicro, des sociétés décotées avec des bases de résultats très écrasés.
Nous aimons bien également le secteur bancaire. Malgré le durcissement de la réglementation et l'absence de fusion et acquisition dans le secteur, les banques sont relativement décotées.

Nous ne sommes pas friands des grandes sociétés internationales de consommation ou de luxe comme L’Oréal. On les estime trop chères. Par ailleurs ces valeurs sont très exposées aux marchés émergents. Or, c’est la première fois depuis 6 ans que les pays émergents vont connaitre une croissance aussi faible cette année, de l'ordre de 4,3%.

Ya-t-il des secteurs que vous évitez ?

La biotechnologie est un secteur cher mais nous ne sommes pas des spécialistes. Il faut juste se méfier des secteurs qui ont bénéficié de la super croissance des pays émergents.

Pourriez-vous nous citer des noms de dossiers intéressants actuellement ?

Stef dans la logistique, Sequana dans le papier emballage et Marie Brizard , anciennement Belvédère dans les boissons et spiritueux. Ces valeurs pourraient profiter d’une reprise de la consommation et de l’investissement industriel en zone euro.

Propos recueillis par Imen Hazgui