Interview de Bruno Lafont : Président Directeur général du groupe Lafarge

Bruno Lafont

Président Directeur général du groupe Lafarge

Nos résultats prouvent que Lafarge est armé pour faire la différence et que notre potentiel est immense

Publié le 14 Novembre 2007

Quelques commentaires sur vos résultats ?
Nos résultats poursuivent leur progression, avec des indicateurs en hausse sur les neuf premiers mois : +4% du chiffre d’affaires, +18% du résultat d’exploitation courant. Ces résultats records sont notamment portés par la forte croissance dans les pays émergents, dont la contribution est en forte hausse (45% du résultat d’exploitation courant du Groupe), et par notre programme de réduction des coûts, dont nous aurons atteint 60% de l’objectif attendu pour fin 2008. C’est pour moi le signe clair et fort que notre plan stratégique « Excellence 2008 » délivre tous les résultats attendus, que notre Groupe est en forme ascendante, plus agile, mobilisé autour de ses quelques priorités et bien engagé dans la réduction des coûts.

Quelles ont été les répercussions de la hausse du prix de l'énergie, qui compte pour 25 à 30% des coûts de production du ciment, ainsi que celle des prix du transport sur la rentabilité du groupe ? Cette tendance a-t-elle vocation à s’inscrire dans le temps ?
En effet, nous constatons une augmentation des coûts de transport et d’énergie. Concernant notre activité Ciment, nous estimons la hausse des coûts de l’énergie à environ 1,20€ à la tonne pour l’année 2007. Cependant, dans le cadre d’ « Excellence 2008 », nous avons mis en place un contrôle renforcé de nos coûts et des actions de réduction de coûts, permettant d’atténuer l’augmentation continue des prix de l’énergie et du transport. Juste un exemple : nous travaillons à augmenter toujours plus la part de combustibles alternatifs utilisés dans nos fours afin de réduire notre dépendance à l’énergie fossile. De plus, sur les neuf premiers mois de l’année, nos hausses de prix ont été soutenues dans la plupart de nos marchés et permettent de compenser la hausse des coûts.

Le groupe peut se prévaloir d'une trésorerie solide lui permettant d'envisager des acquisitions de petite et moyenne taille. Qu’en est il du renforcement de votre présence dans les pays émergents en particulier dans les pays BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine) ?
On vous prête l’intention d’une éventuelle acquisition de la société britannique Tarmac. Qu’en est il exactement ?
Aujourd’hui, nous restons centrés sur notre objectif de croissance interne, en particulier avec la poursuite de notre programme de construction de 45 millions de tonnes de nouvelles capacités cimentières. Ces nouvelles capacités seront situées à 80% dans les marchés émergents, notamment en Chine, où nous disposerons de 50 millions de tonnes de capacités cimentières à l’horizon 2012. En effet, la demande mondiale du ciment est portée par les marchés émergents, qui croissent de 8 à 10% par an. Nous mettons donc toutes nos forces en œuvre pour capter la croissance là où elle se trouve. Aujourd’hui, 52% du résultat d’exploitation de notre activité Ciment est réalisé dans les marchés émergents ; en 2012, ce sera 66%.

Concernant Tarmac, il y a eu de nombreuses rumeurs à ce sujet et nous n’avons pas pour habitude de commenter les rumeurs. Comme je l’ai déjà dit, notre priorité reste la croissance interne. Bien entendu, comme nous l’avons toujours dit, nous examinons les opportunités qui se présentent et nous n’excluons pas des acquisitions si elles rentrent dans le cadre de nos critères de retour sur investissement. Nous sommes forts en Angleterre, Tarmac est une entreprise anglaise, donc par principe nous allons le regarder. Ca ne veut pas dire que nous sommes prêts à investir des sommes folles juste pour renforcer ou valoriser nos positions en Angleterre.

S’agissant des perspectives, vous êtes dépendant du marché de la construction, fortement cyclique. Quel impact a vocation à avoir le ralentissement de l'activité aux Etats-Unis. Quel serait  l'effet sur les marges, sur le bénéfice par action ?
Le marché de la construction est devenu mondial depuis une quinzaine d’années, avec l’ouverture des marchés situés à l’Est de l’Europe et des marchés asiatiques. Ce marché mondial n’est pas cyclique. Il est vrai que nous avons observé une baisse du marché résidentiel aux Etats-Unis cette année, mais nos résultats sont néanmoins en hausse sur ce marché pour les 9 premiers mois de l’année. Si notre activité Plâtre, de nature cyclique aux Etats-Unis, est effectivement plus affectée, le Ciment et les Granulats & Béton réalisent d’excellentes performances : le résultat d’exploitation courant de ces activités est en hausse respectivement de 21% et 31% en dollars sur les neuf premiers mois.
Cela prouve notre capacité à maintenir un bon environnement de prix malgré une contraction des volumes. Concernant l’année 2008, il est aujourd’hui difficile de prévoir quelle sera l’évolution du marché résidentiel aux Etats-Unis. Mais notre activité en Amérique du Nord est équilibrée entre les Etats-Unis et le Canada et nous ne sommes pas présents dans les zones les plus touchées des Etats-Unis, à savoir la Floride, le Texas, la Californie ou l'Arizona. Par ailleurs, le marché résidentiel ne compte que pour un tiers de notre activité en Amérique du Nord, le secteur non-résidentiel et les infrastructures représentant les deux tiers restants. La bonne tenue de ces deux segments devrait atténuer le ralentissement du marché résidentiel en 2008, comme cela a déjà été le cas en 2007.

Quel regard portez-vous sur l’évolution de votre cours d’action ? Le dossier Lafarge présente un aspect spéculatif en raison de l'émiettement du capital du groupe dans une optique de consolidation du secteur. Qu’en pensez-vous ?
Mon objectif est de mener à bien «  Excellence 2008 » en restant totalement centré sur nos priorités opérationnelles et stratégiques et en créant le plus de valeur pour nos actionnaires. Les résultats que nous venons de publier prouvent que Lafarge est armé pour faire la différence et que notre potentiel est immense.

Quel regard portez vous sur la crise financière liée aux subprimes, en particulier aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne ?  Un effet de contagion de cette crise en France vous semble t-elle envisageable ?
Pour l’instant, ce n’est pas ce que nous observons. Les fondamentaux de notre secteur sont bons. La croissance mondiale est soutenue et la contribution des marchés émergents aux résultats du Groupe, qui s’établissait déjà à 45% pour les 9 premiers mois de l’année, devrait continuer à croître.

Propos recueillis par Imen Hazgui