Interview de Nick Heys : PDG d’Emailvision

Nick Heys

PDG d’Emailvision

Je dirais à l’instar de Warren Buffet que ce sont les investisseurs de long terme qui gagnent toujours !

Publié le 04 Avril 2008

Votre groupe a réalisé un chiffre d'affaires de 16,2 millions d'euros en 2007, en hausse de 64% par rapport à 2006. Quel commentaire vous inspire ces chiffres ?
Ces résultats sont légèrement meilleurs que prévus. 2007 a surtout été une année de renforcement de notre force commerciale ; l’investissement a été important puisque nous sommes passés de 21 à 29 commerciaux, ce qui correspond à une augmentation de 30% sur la période ; nous avons par ailleurs augmenté de 50% les dépenses marketing et recherche et développement (R&D).

Ce sont ces investissements-là qui ont porté leurs fruits dans la mesure où ils nous ont permis de gagner plus de 500 nouveaux clients, d’accroître notre booking –la vraie mesure de la performance de nos commerciaux- de 119%, c’est-à-dire la valeur des contrats signés avec nos clients, ce qui s’est également traduit par une amélioration du chiffre d’affaires de 64%.

Quels ont été les moteurs de cette croissance ?
Nous avons fait une croissance à la fois bonne et rentable. Nous ne sommes cependant pas surpris par cette amélioration qui est finalement mécanique puisque nous avons profité de deux effets de levier sur la rentabilité :

Le premier se situe au niveau commercial. Etant donné que nous signons des contrats de longue durée, nous n’avons pas besoin de dépenser de l’argent et de l’énergie pour les reconquérir. Nous avons une clientèle très fidèle avec un taux de renouvellement de plus de 95%.

Quant au second effet de levier, il s’agit de la plateforme technique. Dans la mesure où son prix demeure fixe, plus nous obtenons de clients, plus notre marge s’améliore : nous gagnons ainsi environ un point de marge tous les semestres.

Vous avez indiqué avoir conquis 524 nouveaux clients l'année passée. A combien se monte désormais le nombre total de vos clients ? Quel pourcentage de votre chiffre d’affaires représentent les grands comptes ?
Nous avons en effet doublé notre base de clients l’an dernier, si bien qu’à fin décembre, nous comptabilisions plus de 1 000 clients. Ces clients sont essentiellement des commerçants électroniques au sens large du terme, et pas uniquement des pur players, puisqu’il peut s’agir de catalogueurs comme les 3 suisses, ou de détaillants tels que Save the Breeze en Angleterre.

Ceci étant, 65% de cette clientèle sont des e-commerçants, c’est-à-dire des entreprises qui cherchent à vendre quelque chose sur Internet. Ils sont définis comme étant e-commerçants ou Publishers –sociétés qui publient des contenus et dont le business model est la publicité-, enfin les 10% restants sont les «consumers brand» donc des marques tels que Sony, ou Unilever, qui communiquent en direct avec leurs clients via des mails.

A l’intérieur de cet ensemble de clients, nous ne faisons pas de distinction entre petits et grands comptes. Toutefois, en valeur, nous devons avoir près de 20% de notre chiffre d’affaires générés par les grands comptes. Mais ce ne sont pas nos cibles principales, ces dernières étant définies comme étant les e-commerçants ou les publishers, quelle que soit la taille de l’entreprise.

Vous avez également rappelé votre objectif d’atteindre les 1 600 clients en 2008. Comment comptez-vous y parvenir ?
De la même manière que depuis le départ, c’est-à-dire en augmentant notre force commerciale. Notre principal levier, c’est le nombre de commerciaux ainsi que la performance.

Nous allons ainsi passés de 29 commerciaux en moyenne au second semestre 2007, à 43 commerciaux au second semestre 2008. Nous augmentons sensiblement leur nombre, mais plus ou moins dans les mêmes proportions que les autres années, soit 25-30%. Nous dépenserons également en marketing.

En outre, nous allons poursuivre nos dépenses en R&D pour que ces commerciaux aient à vendre un produit hautement compétitif. Finalement, ces trois postes de dépenses devraient nous permettre de gagner davantage de clients.

Que représente le marché de l'e-mail marketing en France et en Europe ?
En France comme en Europe, c’est le secteur de la publicité et du marketing sur Internet qui croît le plus, et de loin, serais-je tenté de dire. Le secteur de la publicité est en générale plutôt «flat», c’est-à-dire stable en termes de dépenses, mais à l’intérieur de ça il y a du mouvement comme le passage du offline vers le online, c’est-à-dire le passage de la publicité «classique» (à la télévision, à la radio, etc), vers de la publicité sur Internet.

Or, à l’intérieur de ce mouvement vers l’e-marketing, il y a un passage de l’acquisition vers la fidélisation parce que depuis dix ans environ, la plupart des acteurs e-marketing dépensait le gros de leur budget sur du marketing de type «acquisition», pour acquérir de nouveaux clients, d’où le succès fulgurant de certaines entreprises telles que Google.

Mais pour rentabiliser ces coûts d’acquisition de nouveaux clients, il faut passer par de l’e-mail marketing de fidélisation, ce qui correspond à la deuxième tendance observable dans l’e-marketing. Les entreprises souhaitent en effet communiquer plus souvent avec leurs clients déjà acquis dans le but de les fidéliser, pour leur vendre davantage de produits ou de services. C’est ce qui explique le boom de l’e-marketing. Pour notre part, nous avons une bonne croissance, de plus de 64%, mais nos concurrents aussi enregistrent de bonnes croissances que ce soit en France, en Europe ou aux Etats-Unis.

La taille du marché se situe au niveau mondial autour de 2 milliards de dollars, l’essentiel du marché se trouvant aux Etats-Unis puisque selon les études réalisées par Forester, sur les 20 principaux acteurs mondiaux, 19 sont américains, et un seul est européen, c’est-à-dire nous. Nous sommes numéro 13, et comme nous avons une croissance aussi forte sinon plus que nos concurrents, nous pensons pouvoir parvenir au top 5 d’ici à quatre ans.

Comptez-vous poursuivre votre développement en Europe, ou allez-vous vous lancer sur le marché américain ?
Nous souhaitons nous développer sur ces deux zones. Ainsi, avec les 43 commerciaux qui représentent le gros de l’investissement 2008, nous allons nous renforcer dans les pays où nous sommes déjà présents, tels que l’Allemagne et le Benelux, et nous allons également investir la Suisse et la Hollande en Europe, et New York pour les Etats-Unis, dans la mesure où nous avons une stratégie d’accompagnement de nos clients européens vers les Etats-Unis. Ensuite, nous essaierons de gagner de nouveaux clients depuis cette zone, vers la fin 2008.

Nous comptons d’ailleurs investir 1,5 million d’euros sur le marché américain, en 2008 et en 2009.

Envisagez-vous de réaliser de la croissance externe cette année ?
Faire des acquisitions étant assez aléatoire, nous l’envisageons tout en sachant que nous maîtrisons parfaitement notre destin en matière de croissance organique.

Nous avons fait quelques acquisitions par le passé, nous restons donc à l’affût des bonnes opportunités, toutefois la base restera organique.

Dans le détail, nous privilégierons en Europe les pays qui apportent les meilleures performances, mais à moyen-long terme, nous privilégions les Etats-Unis.

Quels sont vos perspectives financières et vos objectifs pour 2008 ?
Nous ne donnons pas de guidances, donc concernant notre chiffre d’affaires, notre stratégie consiste à faire de la croissance rentable. Nous continuerons par conséquent à investir dans la croissance, en augmentant de 50% nos dépenses en R&D en 2008, de 50% nos investissements marketing, et nous renforcerons notre force commerciale.

Nous sommes suffisamment confiants dans le fait que ces investissements vont porter leurs fruits comme ils l’ont fait depuis 3-4 ans déjà. Quant au chiffre magique que cela pourrait donner au final, nous ne le savons pas et nous ne le donnons pas.

Quel est l’état de votre carnet de commandes pour 2008 ?
Grâce à nos ventes par abonnement, nous démarrons l’année avec 8,4 millions d’euros qui seront facturés automatiquement, chiffre qui ne tient d’ailleurs pas compte des renouvellements de nos contrats qui se font généralement à plus de 95%.

Notre activité nous permet, en effet, d’avoir une grande visibilité sur la clientèle existante. Ensuite, le chiffre d’affaires apporté par les nouveaux clients sera ajouté à cette base.

L’évolution de votre titre vous satisfait-elle ?
Non, mais cela doit résulter du manque de comparables locaux : nous sommes sans doute le seul acteur de SAAS (Software as a service) en Europe, alors qu’outre-Atlantique, il en existe une vingtaine qui sont cotés.

Et puis il faut bien admettre que nous sommes une micro cap, avec une toute petite capitalisation de 30 millions d’euros. Nous ne sommes donc pas très visibles. Enfin, le fait qu’il n’y a pas encore suffisamment d’éditeurs de logiciels en France ayant réussi ou s’étant tourné vers les marchés financiers pour réussir, conduit à penser qu’en France il n’y a pas encore cette culture.

La conjonction de ces trois éléments explique sans doute pour une bonne partie que notre cours de bourse semble bas. Je pense par ailleurs que le marché français privilégie des entreprises à forte rentabilité, ce que nous n’apportons pas… Ou pas encore !

Le mot de la fin pour vos actionnaires.
Je dirais à l’instar de Warren Buffet que ce sont les investisseurs de long terme qui gagnent toujours !

Propos recueillis par Nicolas Sandanassamy