Interview de Yves le Mouël : Directeur général de la Fédération française des télécoms

Yves le Mouël

Directeur général de la Fédération française des télécoms

Téléchargement : le gouvernement doit préciser les mécanismes de riposte graduée

Publié le 19 Mai 2009

La Fédération française des télécoms réaffirme son engagement dans la lutte contre le téléchargement illégal et rappelle qu’il  appartient à l’Etat d’en financer le dispositif.

Par la signature des accords de l’Elysée en novembre 2007 aux côtés des ayants-droits et sous l’égide des pouvoirs publics, les fournisseurs d’accès internet avait affirmé leur engagement dans la lutte contre le téléchargement illégal et pour un strict équilibre entre la protection des droits d’auteur et la protection des libertés individuelles.

L’Assemblée nationale et le Sénat viennent d’adopter les 12 et le 13 mai 2009 la loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet.

Les membres de la Fédération française des télécoms, en tant qu’entreprises responsables et citoyennes réaffirment leur volonté de contribuer à promouvoir l’usage légal des œuvres auprès du grand public mais souhaitent en préciser à nouveau les conditions :

- Une lutte efficace contre le piratage suppose nécessairement qu’une offre légale, riche et attractive en prix, qualité, largeur de gamme, délais de disponibilité et facilité d’accès et d’usage soit proposée aux internautes pour les œuvres musicales et audiovisuelles. C’est un volet indispensable et indissociable du mécanisme de sanction prévu dans la loi et, à l’évidence le meilleur instrument de dissuasion du téléchargement illégal.

- Une démarche fondée sur la pédagogie est  nécessaire pour  rallier la très grande majorité des internautes au téléchargement légal des œuvres musicales et audiovisuelles. Les mesures d’avertissement prévues dans le mécanisme de riposte dite «graduée» (mail, puis lettre recommandée) sont par conséquent de nature à contribuer utilement au changement d’attitude du grand public qui n’a pas toujours conscience de commettre un acte illégal en téléchargeant gratuitement des œuvres musicales ou de cinéma.

Les coûts de mise en œuvre de la riposte graduée dont la suspension de l'accès internet, sont à la charge de l'Etat.

Nous rappelons que la mise en œuvre de l’ensemble du dispositif passe aujourd’hui, comme le gouvernement s’y est engagé, par une définition claire de ses modalités de financement. En effet, en application du principe constitutionnel d’égalité devant les charges publiques, principe d’ailleurs consacré par une décision du Conseil constitutionnel du 28 décembre 2000, ces coûts sont à la charge de l’Etat.

Il appartient maintenant au gouvernement de préciser dans certains des décrets prévus par la loi, les mécanismes qui vont présider à la mise en place des différentes étapes de la riposte graduée.

Les opérateurs pourront ainsi évaluer plus précisément les coûts correspondant aux demandes d’identification des internautes et à l’industrialisation de ces mécanismes, ainsi qu’à la mise en place des mesures de suspension, tant dans les systèmes d’information que dans les plateformes de services, ou dans les réseaux des opérateurs.

Le rapport du Conseil général des technologies de l’information réalisé en 2008 à la demande du ministère de la culture a identifié un  “montant minimal de plus de 70 millions d’euros pour 2009-2012” pour les seuls coûts afférents à la mise en œuvre de la sanction.

Selon les opérateurs ces coûts sont en réalité plutôt de l’ordre de 100 millions d’euros. Et ce montant ne comprend pas les coûts correspondant aux demandes d’identification des internautes et à l’industrialisation de ces mécanismes, à l’envoi des mails d’avertissement, ou à la création et à la gestion de la liste des internautes suspendus.

Enfin rappelons qu’il ne sera pas possible de généraliser, pour tous et partout, avant un délai minimum d’un an à partir de la connaissance détaillée du cahier des charges, la mise en œuvre des mesures de suspension/restriction d’accès  à Internet (en ne conservant que la télévision et la téléphonie sur IP), en raison des conséquences sur les processus industriels et les systèmes d’information des opérateurs.