Interview de Dominique Macé : Gérant actions chez Neuflize OBC

Dominique Macé

Gérant actions chez Neuflize OBC

Parmi nos principales convictions, les sociétés Danone, L'Oréal, JC Decaux.

Publié le 10 Décembre 2010

Autour de quelles thématiques est structurée votre stratégie d’investissement à l’heure actuelle ?
Le fonds français dont je suis le gérant est articulé autour de trois thématiques structurelles très représentatives de l’économie mondiale : l’exposition aux pays émergents, autrement dit les sociétés qui ont un chiffre d’affaires supérieur à 20% dans ces pays qui affichent une forte croissance ; le vieillissement de la population (avec des secteurs comme la santé, les maisons de retraite…) ; la raréfaction des ressources naturelles (pétrole, gaz, services aux collectivités).
Il arrive que des valeurs appartiennent à plusieurs thématiques à l’instar de Biomérieux spécialisé dans le diagnostic médical qui répond à la thématique de l’exposition des émergents et du vieillissement de la population. La société a quelque peu déçu le marché en affichant une guidance inférieure aux attentes mais la valeur reste intéressante.

Les valeurs exposées aux pays émergents représentent plus de 50% de votre portefeuille ?
Effectivement sur les 29 valeurs que nous détenons en ce moment, 17 valeurs rentrent dans cette thématique (parmi lesquelles Bic, Casino co-leader en Thailande avec Tesco, Danone, Dassault Système, Hermès). Nous avons une petite préférence pour les valeurs liées à la consommation plutôt qu’à l’investissement.

Pourquoi avoir opté pour un chiffre d’affaires supérieur à 20% ?
Cette part nous a semblé suffisante pour refléter une bonne exposition des sociétés aux pays émergents. Au demeurant, il peut nous arriver d’opter pour une société dont la part du CA sur les émergents serait moindre si tant est que la dynamique d’exposition est forte. C’est le cas d’une valeur comme JC Decaux.

Prenez-vous en compte d’autres critères financiers ?
La réalisation des bénéfices. Il faut que 20% de l’Ebit proviennent des pays émergents.

Quelles sont vos principales convictions ?
Danone, L’Oréal, JC Decaux.
Danone représente plus de 6% de notre portefeuille. La valorisation du titre nous parait peu élevée. Le PE est inférieur à sa moyenne historique sur un an glissant. Le titre se traite à 11x l'Ebitda.
Par ailleurs, le business model est solide. Il est axé sur quatre métiers : les produits laitiers, les produits pour bébé, les produits pour seniors et l’eau.
Les produits laitiers ont été controversés pour leur apport sur le plan de la santé. Cette controverse est retombée depuis que le groupe a apporté une clarification dans ses spots publicitaires. Ceci étant les consommateurs ne s’y trompent pas. Ils apprécient les produits de Danone pour leur bienfait nutritionnel même s’ils ne sont pas curatifs de maladie. Il n’y a donc aucun souci sur ces produits.
S’agissant de l’activité sur l’eau, nous pensons que Danone pourrait bien vendre cette activité. S’ils ont un bon prix, cela contribuerait à une amélioration significative des marges. Cette cession serait donc un plus non négligeable. Mais en attendant, cette activité ne constitue pas un handicap. La marge opérationnelle sur l’eau est supérieure à 12%
Enfin, Danone a plus de 45% de son CA généré dans les pays émergents.

Une autre de nos convictions précédemment citées est L’Oréal. Le groupe a plus de 35% de son CA réalisé sur les émergents, en particulier en Chine et l'Amérique latine mais aussi l'Inde et l'Europe de l'Est. Le business model du groupe présente un intérêt certain car il s'appuie sur des marques fortes. En termes de valorisation, L’Oréal le PE est légèrement inférieur à la moyenne historique. Le titre se paie 13 fois l'Ebitda. La valeur représente 5,8% de notre portefeuille.

JC Decaux est une société qui a énormément investi par le passé dans l’immobilier urbain et l'affichage grand format, de telle sorte qu’il s’inscrit à présent dans une phase de moindre investissement. Cela devrait aider à accélérer la rentabilité du groupe qui par ailleurs fait 20% de son CA dans les pays émergents. La société a également l’avantage de générer beaucoup de cash et tire profit d’une forte position dans les pays matures notamment en Allemagne avec l’achat de Wall. JC Decaux a eu de très bonnes retombées dans le cadre de l’exposition de Shanghai en remportant les concessions de plusieurs lignes de métro.
La valorisation du titre est très en dessous de la moyenne historique, en particulier du fait de la perte d’une prime qu’elle avait par rapport l’ensemble du marché.

Quel est votre horizon d’investissement ?
Le fonds est récent. Il a été créé en Avril. Nous détenons ces valeurs depuis cette date. Nous avons une logique d’investissement de long terme. Pour autant nous considérons que c’est une erreur de « tomber amoureux » des valeurs sur lesquelles nous sommes exposés et de vouloir les garder coûte que coûte. C’est pourquoi nous considérons que si la valorisation d’un de nos titres ne nous convient plus, nous n’hésiterons pas en premier à réduire notre exposition, et en second lieu à vendre.

Avez-vous des objectifs de cours pour Danone, L’Oréal, JC Decaux ?
Respectivement 54 euros, 95 euros et 24 euros.
Quels sont les principaux risques que vous appréhendez sur ces valeurs ?
Tout d’abord des risques macroéconomiques liés à une décélération de la croissance des pays émergents.
Au-delà, nous sommes confrontés à un risque de consommation. Ces sociétés vendent des produits de masse. Un problème rencontré par les consommateurs est toujours possible malgré le professionnalisme de ces sociétés (allergies, pollution dans l’eau...) risquerait de ternir temporairement l’image de ces sociétés. C’est ce qui s’est passé lorsque l’on a retrouvé autrefois des résidus d’hydrocarbures dans l'eau de Perrier. Cela avait sérieusement chahuté le cours de la valeur à l'époque.

Envisagez-vous des opérations capitalistiques sur ces sociétés ?
Non, pas dans l’immédiat. JC Decaux est une société familiale. Je n’envisage pas du tout de cession de participation.
Des rumeurs circulent sur le fait que Nestlé rachèterait L’Oréal. C’est une potentialité. Toutes les rumeurs de rachat sont crédibles étant donné la faiblesse des taux. L’opération ferait sens. L’Oréal est une valeur de croissance qui irait bien dans le portefeuille de Nestlé. Mais je ne pense pas que cette opération soit d’actualité.

Vous est-il arrivé depuis Avril de faire de mauvais paris ?

Je n’ai pas eu de déception par rapport aux valeurs dans lesquelles j’ai décidé d’investir. En revanche j’ai peut être quelques regrets. En cela, j’ai probablement allégé trop tôt ma position dans LVMH.

Propos recueillis par Imen Hazgui