Interview de Nicolas Maïquès : Responsable de la Recherche, Invest Securities

Nicolas Maïquès

Responsable de la Recherche, Invest Securities

Publicis est bien positionné pour capter la croissance du marché publicitaire

Publié le 07 Décembre 2012

En période de crise, les entreprises n’hésitent pas à tailler dans leurs dépenses publicitaires. Dans quel état se trouve le marché des annonceurs aujourd’hui ?
Après avoir fortement baissé en 2008-2009, les dépenses publicitaires sont à nouveau en croissance et les perspectives au niveau mondial sont plutôt favorables. Les entreprises savent que si elles veulent conserver leurs parts de marchés dans un contexte de crise prolongée, elles doivent maintenir un certain niveau d’investissement publicitaire. Cela dit, il est vrai que dans les marchés où la consommation s’écroule, comme en Europe du Sud, les dépenses publicitaires suivent la même tendance. En France, la tendance est légèrement négative, en raison des faibles perspectives de consommation. Mais, comme je l’ai dit, le contexte mondial est plutôt positif. Le marché américain, de très loin premier marché publicitaire mondial, se porte bien. L’Asie et l’Amérique latine tire également le marché, avec des taux de dépenses publicitaires rapportées au PIB encore très faibles.

Quelle peut-être la performance des valeurs « média » françaises dans ce contexte ?
Il faut distinguer les valeurs qui ont une exposition « monde », comme Publicis, du reste des valeurs du secteur. Publicis fait 40% de son chiffre d’affaires aux Etats-Unis et dispose d’une forte exposition au numérique. C'est un groupe idéalement positionné pour capter la croissance du marché publicitaire.
A contrario, les sociétés très dépendantes du marché français risquent d’avoir des performances en dents de scie, avec une activité « au mois le mois » très corrélée à la consommation des ménages. Ceci étant dit, certains supports comme la télévision affichent de bonnes perspectives de croissance à moyen terme, et ce malgré la force de frappe d’internet. Le temps d’audience de la télévision augmente en France depuis cinq ans et l’apparition de nouvelles chaînes sur la TNT devrait encore contribuer à cet allongement. La télévision reste le média incontournable pour des campagnes de masse.

Les acteurs historiques, comme TF1 et M6, voient d’un mauvais œil le lancement de six nouvelles chaînes sur la TNT. Ont-ils raison de craindre cette nouvelle donne ?
TF1 et M6 disposent d’un véritable savoir faire sur la « cible majeure », l’ex ménagère de moins de 50 ans. Ils captent encore la plus grosse partie du marché publicitaire. Mais cela risque d’être de plus en plus difficile de défendre ces parts de marché face à l’arrivée de nouvelles chaînes sur la TNT, qui entraîne un morcellement de l’offre. Encore faut-il que ces nouvelles chaînes sachent trouver leur public, comme ce fut le cas des premières chaînes TNT (BFMTV, TMC, W9, NRJ 12 principalement). Dans ce domaine j’ai une préférence pour NextradioTV qui lance RMC Découverte, une chaîne documentaire gratuite. C’est un concept qui n’existe pas en France mais qui, à mon avis, peut rapidement trouver son public.

La part des dépenses publicitaires réalisée sur Internet ne cesse d'augmenter. Quels sont les acteurs les mieux positionnés dans ce domaine ?
Le segment en croissance est celui des offres RTB (real time bidding). Le concept est celui d’une place de marché : on y vend des stocks d’espaces publicitaires, une image et une audience. Les annonceurs peuvent ainsi mieux toucher leur cible grâce à un système entièrement automatisé. Dans ce domaine, le groupe français Hi-media a construit des positions intéressantes. Il a développé son propre outil informatique : celui-ci est pour l’instant mal valorisé par le marché mais il devrait générer des revenus plus importants dans les prochaines années, même si le groupe restera loin de Google en termes de part de marché.

Un groupe comme PagesJaunes peut-il réussir sa transformation d'un modèle « papier » vers l’Internet ?
PagesJaunes est un cas particulier. C’est une entreprise qui passe d’un modèle quasi-monopolistique (les annuaires imprimés, ndlr) vers un modèle hyper-concurrentiel, celui de la publicité sur internet. Il se retrouve face à des acteurs comme Google, Groupon, Facebook, ou encore Le bon coin. La force de PagesJaunes réside dans son réseau de 1000 commerciaux présents dans toutes les régions de France et qui peuvent atteindre les plus petits annonceurs (PME, artisans, etc). C’est une marque intéressante, avec de bons cash flow. Mais le problème de la dette reste très préoccupant et pèse sur la stratégie. Malgré le récent accord avec les banques, l’avenir financier du groupe n’est toujours pas assuré, d’où le côté hyper-spéculatif du titre.

Propos recueillis par François Schott