Interview de Louis  Bert : Président de Dorval Finance

Louis Bert

Président de Dorval Finance

Parmi nos principales convictions figurent ArcelorMittal, BHP Billiton, Glencore, GDF et Orange

Publié le 23 Août 2013

Quel regard portez-vous sur la consolidation qui s’est dessinée sur le marché actions depuis quelques jours ?
La consolidation que nous connaissons est due au mouvement de normalisation de la situation sur le plan économique et monétaire. Les tensions sont justifiées par l’ouverture d’une phase de transition un peu plus incertaine.
A quelle suite des évènements vous attendez-vous au cours des prochains mois ?
A une poursuite de la tendance haussière sur les marchés actions des pays développés. La volatilité pourrait cependant demeurer élevée. Tantôt les investisseurs devraient réagir positivement à l’annonce de certaines statistiques économiques, tantôt ils adopteront une position plus défensive appréhendant les conséquences de certaines décisions politiques monétaires.

Deux risques majeurs dominent actuellement, celui d’un krach obligataire et d’une crise des marchés émergents. Qu’en pensez-vous ?

Tout sera a priori entrepris par la Fed pour éviter la concrétisation d’un krach obligataire susceptible de casser la reprise.
Le consensus table sur un taux à dix ans américain à 3% pour la fin de l’année. C’est un niveau d’équilibre dont il est difficile de fixer le niveau avec précision.

Mais le début de remontée du taux est encore plus vif que ce qui s’est passé en 1994 ?
Ce début me parait néanmoins bien piloté pour le moment dans la mesure où les marchés actions ont quelque peu corrigé mais ont tout de même bien résisté.
Pour observer une remontée excessive, il faudrait qu’il y ait réellement une maladresse dans la communication de la Fed ou le sentiment d’un très fort renforcement de la conjoncture économique. Nous en sommes assez éloignés.
Au demeurant, il n’y a pas que l’arme de la remontée des taux pour calmer une croissance trop vigoureuse. Les Etats peuvent décider de réduire plus abondamment leur déficit budgétaire par des mesures plus restrictives.

Vous ne pensez donc pas qu’il faille s’alarmer de la stratégie de sortie de la Fed...
La conduite de la stratégie de sortie de la Fed se fera de manière pragmatique en fonction de l’évolution de la toile de fond macroéconomique, du marché de l’emploi, de la hausse des taux hypothécaires. Les conséquences des prises de positions seront mesurées au fil des mois.
Il n’y a pas de poussée inflationniste aux Etats-Unis. De ce fait, à ce stade, nous n’avons pas à craindre que la Fed soit dépassée par une inflation galopante.
Le débat mérite donc d’être posé et suppose une vigilance mais n’appelle pas de réelles craintes.

La situation des marchés émergents vous inquiète-t-elle ?

Les pays émergents sont une nouvelle fois, en quelque sorte, ceux qui paient les pots cassés par les pays développés. Les phénomènes de sortie de flux perturbateurs imposent la prudence mais je suis d’avis qu’ils sont temporaires. Un retour des investisseurs de long terme pourrait être observé une fois que le message de la Fed sera clarifié. Les valorisations sur les marchés sont de plus en plus attractives.
Ainsi, je ne table pas sur un scénario catastrophe. Ce d’autant plus qu’après les crises successives que nous avons vécues ces dernières années, personne n’a envie de déstabiliser davantage le monde. On peut légitimement penser qu’il y aura une coopération internationale plus poussée sur le sujet si celui-ci venait à prendre de d’ampleur et à devenir plus critique.

Pour certains, les risques géopolitiques doivent aujourd’hui plus que par un passé récent rester dans les esprits des investisseurs ?
Nous suivons ces risques mais nous ne pouvons pas en déduire qu’ils sont prédominants. Tous les ans pratiquement, certaines parties du monde sont sous tension. Nous entendions beaucoup parler à un moment donné de la Corée du Nord ou de l’Iran. Ce n’est plus autant le cas aujourd’hui.
Nous ne pensons pas forcément que des troubles qui existent dans certaines zones spécifiques dégénéreront en une crise mondiale étant donné les enjeux liés à la recherche d’un nouvel équilibre mondial.
Par ailleurs, le poids géopolitique du Moyen Orient est en train de changer compte tenu du développement du pétrole et du gaz de schiste. Cela se traduit d’ailleurs par un retrait militaire des Etats-Unis de la région.

En quoi consiste votre allocation du moment ?
Nous sommes davantage sur les actions que sur les obligations dans la mesure où nous estimons que c’est la classe d’actifs qui bénéficiera le plus de la reprise de l’économie mondiale.
Nous avons quitté des marchés dominés par un risque systémique pour aller vers des marchés caractérisés par un risque cyclique. Or le cycle mondial a l’air de s’enclencher positivement pour les économies occidentales.
Dans un portefeuille diversifié nous avons 60 % d actions (30 % Europe, 25% Etats –Unis, 5 % Emergents) et 40 % de produits de taux (dont 20 % dans le monétaire zone Euro, 15 % dans le crédit zone Euro et 5 % dans le crédit américain.
Les thématiques d’investissement les plus jouées sont comme à l’accoutumée la nouvelle technologie, l’informatique, l’efficience des entreprises.
Nous nous sommes également dirigés vers des valeurs plus cycliques en raison des faibles valorisations et de la bonne dynamique prévue des bénéfices comme ArcelorMittal, BHP Billiton, Glencore, Rautaruukki et des titres plus décotés notamment dans les secteurs administrés avec par exemple GDF dans les services aux collectivités, ou Orange dans les télécoms.

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Propos recueillis par Imen Hazgui