Interview de Philippe Bénacin : PDG d'Inter Parfums

Philippe Bénacin

PDG d'Inter Parfums

Du fait de notre situation de licencier, nous sommes obligés de regarder continuellement toutes les opportunités

Publié le 21 Avril 2008

Pouvez-vous nous présenter votre activité en quelques mots ?
Inter Parfums est une société de parfums comme il n’en existe plus beaucoup puisque le monde de la parfumerie est divisé en une dizaine de sociétés qui se partagent les différentes marques que vous trouver dans les boutiques.

Vous avez donc quelques blocs qui commercialisent les produits de parfumeries, sous des marques sous licences qui sont, par ordre d’importance, Burberry, Lanvin, Paul Smith, Van Cleef & Arpels, ST Dupont, Roxy et QuickSilver, Christian Lacroix, et une marque de soins, Nickel. 

Votre groupe a fait état d'un résultat net 2007 en hausse de 8% à 20,2 millions d'euros, et d’une croissance de 12% de son chiffre d'affaires annuel à 242,1 millions d'euros. Quels commentaires vous inspirent ces résultats ?
Ce n’est pas mal, dans la mesure où nous pensions faire un peu moins bien au niveau du chiffre d’affaires qui a dépassé les 240 millions d’euros, alors que nous nous attendions plutôt à 235-240 millions d’euros.

Par ailleurs, en termes de résultat net, le chiffre est bon, étant donné que nous avons intégrés quatre filiales européennes et que ces dernières ont augmenté le périmètre de chiffre d’affaires sans augmenter le niveau de résultat.

Vous avez également réalisé un résultat opérationnel en progression de 9% à 31,8 millions d'euros, ainsi qu’une marge opérationnelle atteignant 13,1% alors que la société visait une marge de 12,6%. Quels ont été les moteurs de cette croissance et à quoi attribuez-vous l’amélioration de votre marge opérationnelle ?
A rien spécialement, et à tout un petit peu ! Il est clair que nous avons eu une meilleure fin d’année que prévu, donc les 4-5 millions d’euros supplémentaires génèrent de la marge opérationnelle de manière très importante puisqu’il n’y a pratiquement plus de charges en face. Les bons résultats sur fin 2007 ont été réalisés sur Burberry et Lanvin principalement, puisque Van Cleef n’avait pas encore démarré à l’époque.

Quel bilan tirez-vous de l’intégration de Van Cleef & Arpels ?
Ca s’est passé de manière compliquée en 2007, mais tout se passe bien depuis début 2008. Nous avions en effet un niveau de stock bas, ce qui nous a contraints à faire des changements packaging et de définition produit sur le début de l’année 2007. En somme, pendant près de six mois, nous avons travaillé dans de très mauvaises conditions.

Nous avons commencé à avoir des niveaux correctes de stocks à partir de septembre, si bien que nous avons fait une bonne fin d’année, puis un très bon début d’année 2008, avec notamment le lancement d’un petit projet qui s’appelle Le premier Bouquet, en complément de la ligne First.

Nous avons également un gros projet en préparation, sans doute pour septembre prochain, dont le nom de code est Fée et qui commence à être présenté en ce moment. Il devrait générer de la croissance chez Van Cleef pour lequel nous avons déjà un chiffre extrêmement en hausse sur le premier semestre, par rapport à une base comparable certes très favorable puisque la fin d’année avait été particulièrement mauvaise. Ceci étant, nous avons déjà sur le 1er semestre réalisé plus que le quart du budget de l’année sans le lancement de la ligne Fée.

A quoi attribuez-vous les baisses de chiffre d’affaires des marques Lanvin (-3%), Christian Lacroix (-5%) et Nickel (-19%) ?
Pour chacune de ces marques, les raisons sont spécifiques. Pour Lanvin, nous avions lancé l’année d’avant un parfum appelé Rumeur qui n’a pas bien performé et sur lequel nous n’avons pas eu les recettes escomptées. Rumeur a donc fait chuté le chiffre d’affaires de Lanvin, malgré des hausses de chiffre d’affaires notamment avec Arpège qui, lui, continue de bien fonctionner. 

Avec Nickel, même cas de figure, nous avions le lancement d’une eau de toilette qui s’appelait AuMaximum qui a généré 800 000 euros de plus mais non récurrents. Nous devrions nous recentrer sur les soins masculins qui représentent le véritable cœur de métier de cette marque.

Quant à Christian Lacroix, la raison est d’ordre technique puisque nous avons céder une licence, dont nous toucherons les royalties au lieu de chiffre d’affaires puisqu’il s’agit d’une marque qui est appelée à ne pas être renouvelée dans notre portefeuille de licences.

Votre principal marché se situe dans la distribution haut de gamme. Comment analysez-vous son évolution en 2007 ? Avez-vous des prévisions pour 2008 ?
Il n’y pas vraiment d’évolution du marché, les points de vente restent les mêmes. Ils se sont beaucoup regroupés au cours des cinq dernières années, mais depuis un an, nous ne voyons pas les choses bouger, du moins au niveau des structures.

Maintenant, à l’instar de Séphora, il y a des extensions de points de vente, mais encore une fois, nous n’assistons pas à des changements de structure de la distribution, il y a toujours les mêmes acteurs qui se développent et dont nous suivons les développements.

Quelles sont vos perspectives en termes de marge opérationnelle et de chiffre d’affaires sur 2008 ?
Nous avons pour objectif, en termes de chiffre d’affaires, d’atteindre 260 millions d’euros sur l’année 2008, sachant que comme le dollar a beaucoup baissé, ces 260 millions d’euros valent aujourd’hui 270 millions d’euros. Donc si nous les maintenons, cela nous fait une croissance de 30 millions d’euros en valeur absolue contre les 242 millions d’euros de 2007.

Quant à la marge opérationnelle, nous l’attendons au même niveau que l’an dernier, sachant que nous ne pouvons pas en promettre davantage puisque nous serions alors obligés de faire valider ces prévisions par nos auditeurs, ce qui représente un travail supplémentaire qui nous «casse un peu les pieds».

Nous vous laissons par conséquent anticiper ce que nous voudrions vous dire… Selon le consensus des analystes, nous devrions nous situer entre 33,5 et 34,5 millions d’euros.

Je pense que nous allons vers ça, mais je n’ai aucune confiance en ce que je vous dis !

La parité euro/dollar a-t-elle impacté vos résultats ?
Terriblement ! Nous avons en effet quelque 100 millions de dollars qui sont facturés tous les ans dans les 240-260 millions d’euros. Or 0,10 d’écart représente 10 millions de dollars de marge en moins…

Nous n’avons pas la possibilité de réimpacter cet effet sur les prix publics parce que nous les avons déjà augmenté plusieurs fois l’an passé, et que nous commençons maintenant à être dans des niveaux de prix publics aux Etats-Unis très hauts.

Il pourra y avoir quelques ajustements, de 2 ou 3%, mais jamais de quoi couvrir la baisse du dollar.

D’un point de vue stratégique, quels sont vos axes prioritaires pour l’exercice 2008 ? Envisagez-vous de réaliser de la croissance externe ?
2008 est une année très chargée en lancements : sur Van Cleef, comme je vous le disais plus tôt, nous avons le lancement de Fée, sur Lanvin, nous avons aussi un grand lancement avec Jeanne Lanvin qui aura lieu à partir de juillet, et nous avons également eu un lancement important en début d’année avec Burberry et qui s’appelait Burberry The Beat et qui a bien tiré les ventes du 1er semestre.

Sur le long terme, nous visons la croissance interne, en nous concentrant sur notre portefeuille de licences, et en continuant à développer les différentes lignes de produits sur les marques leaders (Lanvin, Van Cleef, Burberry). Et en même temps, nous regardons des croissances externes potentielles, avec d’autres marques.

Mais il s’agit de discussions permanentes puisque, du fait de notre situation de licencier, donc non propriétaires des marques, nous sommes obligés de regarder continuellement ce qui se passe sur le marché et de voir toutes les opportunités pour faire entrer de nouvelles marques si nous considérons que cela se justifie.

Nous allons donc nous occuper de croissance externe cette année de manière opportuniste, comme nous l’avons toujours fait depuis qu’Inter Parfums existe.

Quel commentaire vous inspire votre cours de bourse ?
Ce cours de bourse ne m’inspire rien du tout dans la mesure où les marchés ne sont tellement pas inspirant ! Par les temps qui courent, il ne m’intéresse absolument pas ! Du moins tant qu’il n’atteindra pas une valeur normale par rapport à la société…

… Que vous situez où ?
En-dessous de 35 et 40 euros, ce qui ferait une valorisation comprise entre 450 et 500 millions d’euros, pour un chiffre d’affaires de 260-270 millions d’euros, ce qui fait un peu moins de deux fois les ventes. Or, vu la position que nous avons sur le marché, l’exceptionnalité de notre savoir-faire, ça vaut tous les jours deux fois les ventes ! Je reste donc très optimiste là-dessus.

Le mot de la fin pour vos actionnaires…
Il faut qu’ils restent très confiants et qu’ils gardent le moral par rapport au marché en général. Quand vous regardez les profits des entreprises sur 2007, et les résultats globaux sur 2007 de nombreuses sociétés, vous constatez qu’ils sont très bons, il n’y a donc aucune raison que cette curiosité du cours de bourse perdure.

Propos recueillis par Nicolas Sandanassamy