Interview de Mireille Maury : directeur général finances-administration d'Hermès

Mireille Maury

directeur général finances-administration d'Hermès

2008 devrait s’inscrire dans la lignée de nos objectifs à moyen terme, soit une croissance moyenne annuelle de 10% du CA

Publié le 13 Mai 2008

Votre groupe a fait état d’un chiffre d’affaires au 1er trimestre 2008 de 415 millions d'euros, contre 366,1 millions l'année précédente soit, à taux de change constants, une progression de ce résultat de 18,3%…
Ces chiffres montrent un très bon 1er trimestre puisque le taux de croissance est de plus de 18%, à taux de change constant, et si on retire les coûts d’intégration du groupe Soficuir que nous avons acquis l’an dernier -entreprise de tannage de peaux précieuses-, la croissance apparaît encore plus forte…

Nous assistons donc à une très bonne tendance générale, que ce soit par métiers ou par zones géographiques. Ce trimestre a par ailleurs profité du renforcement du réseau de distribution que nous avions réalisé au second semestre 2007, avec notamment, l’agrandissement du magasin situé au Faubourg Saint-honoré à Paris, en octobre 2007, ainsi que par l’ouverture d’un nouveau magasin à New York, en juin de l’année dernière.

Quels ont été les moteurs de cette croissance et quelles activités ont été les plus dynamiques ?
Le département Soin et textile -essentiellement les écharpes, les cravates, etc.-, a connu une très forte croissance, de 21% sur le trimestre, après une bonne année 2007.

Le département maroquinerie a également performé, avec une croissance de 16%, dont 25% uniquement pour l’activité ‘sacs en cuir’. Cette dernière s’explique tout d’abord par de nouveaux modèles lancés en 2007 et qui ont été très bien accueillis, et par le fait que la base de comparaison du 1er trimestre 2007 était relativement faible.

Par ailleurs, dans la mesure où nous avons toujours une capacité de production insuffisante pour répondre à la très forte demande de sacs, ce taux de 25% de croissance au 1er trimestre sur l’activité sacs en cuir ne peut pas être anticipé pour l’ensemble de l’année. 

Comptez-vous justement accroître encore votre capacité de production cette année ?
Tout à fait, d’ailleurs c’est ce que nous faisons tous les ans, si bien que nous doublons notre capacité tous les cinq ans. Pour cela, nous construisons ou étendons des manufactures en France, et nous recrutons environ 200 nouveaux artisans chaque année… Cela étant, il faut les former étant donnée que la fabrication d’un sac Hermès nécessite entre 3 et 4 ans de formation…

Quels ont été les zones géographiques les plus porteuses ?
On peut citer l’Amérique du Nord, malgré la conjoncture actuellement difficile, où nous avons enregistré une croissance de 23%. Nous sentons d’ailleurs, depuis un an ou deux, un véritable engouement pour notre marque, ce que confirme l’excellente activité du nouveau magasin ouvert à New York dans le quartier de Wall Street, en juin 2007, et ce malgré la situation économique du pays.

En France, ainsi que dans les autres pays d’Europe, on observe une bonne croissance, de 12%, à taux de change et périmètre constants. De même au Japon, où nous constatons une bonne résistance avec 4% de croissance, et dans les autres pays d’Asie, avec un taux de 22%, avec notamment un fort développement en Chine continentale dans lequel nous poursuivons notre stratégie de croissance avec l’ouverture de 2 à 4 nouveaux magasins par an.

Nous abordons l’Inde comme un nouveau marché, avec une stratégie de pénétration à long terme, en tout cas pour ce qui concerne la marque Hermès. Nous souhaitons faire connaître la marque et expliquer à cette nouvelle clientèle quelles sont les qualités spécifiques des produits Hermès, en l’occurrence notre savoir-faire, etc.

Comment comptez-vous assurer votre couverture face à l’effet de change ?
Nous opérons des couvertures de change chaque année. Nous avons en effet mis en place cette stratégie depuis une dizaine d’années déjà, et qui consiste à couvrir chaque année les budgets de l’année suivante.

Comment voyez-vous évoluer votre marché en 2008 ?
Nous avons le sentiment que la clientèle est au rendez-vous. Maintenant, si on regarde les chiffres des autres marques, on ne peut que constater que les situations sont très différentes d’une marque à l’autre, ce qui rend délicat tout jugement général. 

Nous pouvons simplement dire que depuis quelques années, le marché japonais souffre particulièrement de la faiblesse du Yen, et que l’ensemble des marques, pour pallier à ce problème, sont contraintes d’augmenter leurs prix entraînant l’impossibilité pour une certaine catégorie de clientèle de continuer à s’offrir des produits de luxes chers. Aussi, nous observons clairement depuis deux ans que le marché du luxe au Japon ne se développe plus comme sur les 10 dernières années.

En termes stratégiques, votre groupe s’est lancé dans un vaste plan de rénovation de ses magasins (Faubourg St honoré notamment) et d’agrandissement de son réseau de distribution… Allez-vous poursuivre ce plan en 2008 ? 
Effectivement, concernant les succursales appartenant à Hermès, nous avons tout un programme d’ouverture et/ou d’agrandissement de 25 d’entre elles, parmi lesquelles il est intéressant de noter que nous allons réaliser notre première implantation en Inde, à New Delhi, dès la semaine prochaine. Nous allons également poursuivre l’ouverture de nouveaux magasins en Chine et d’une façon générale, nous allons poursuivre notre stratégie de renforcement et de développement du réseau de distribution dans l’ensemble des pays où nous sommes déjà présents.

Comme chaque année, nous avons un budget d’investissement de l’ordre de 50 millions d’euros, consacré essentiellement au réseau de distribution et à l’augmentation des capacités de maroquinerie.

Envisagez-vous de réaliser de la croissance externe ?
Non, dans la mesure où notre priorité est résolument le développement et la croissance interne. Nous pensons en effet disposer d’un potentiel considérable de développement dans nos métiers et nos zones géographiques…

Disposez-vous de perspectives chiffrées pour 2008 ? Quels sont vos objectifs sur cet exercice ?
Nous ne donnons pas d’objectifs précis pour cette année, mais nous pouvons déjà dire que l’année 2008 devrait s’inscrire dans la lignée de nos objectifs à moyen terme pour le chiffre d’affaires, soit une croissance moyenne annuelle de 10% environ, à taux de change constants.

Quel commentaire vous inspire l’évolution de votre cours de bourse, largement positive comparée au reste du secteur très affecté par la parité euro/dollar (on pense à LVMH notamment) ?
La seule chose que nous pouvons dire c’est que nous avons moins de flottant qu’un groupe comme LVMH, si bien que notre niveau d’activité est peut-être plus grand…

Allez-vous poursuivre votre politique de rachat d’actions ?
Tout à fait. Nous avons déjà réalisé un certain nombre d’achats sur le 1er trimestre, pour près de 50 millions d’euros, et nous avons l’intention de poursuivre cette politique, comme l’année dernière.

La contrefaçon a-t-elle un impact notable sur votre activité ?
Nous sommes sans doute moins affectés par ce phénomène que d’autres marques, mais nous luttons et nous consacrons des moyens importants contre la contrefaçon et ce, depuis toujours.

Le mot de la fin pour vos actionnaires…
La tendance pour par la marque Hermès reste bonne et nous sommes ravis de pouvoir annoncer d’aussi bons chiffres pour le 1er trimestre 2008. Nous poursuivons d’ailleurs toujours notre stratégie de développement à moyen terme…

Propos recueillis par Nicolas Sandanassamy