Interview de Denis Névoret : directeur administratif et financier de Lafuma

Denis Névoret

directeur administratif et financier de Lafuma

Il faut que notre stratégie se traduise par de meilleurs résultats

Publié le 17 Juin 2008

Au titre de vos résultats semestriels, Lafuma publie notamment un résultat net part du groupe de -0,7 million d’euros contre 1,6 million d’euros au premier semestre 2006/07. Quel commentaire vous inspire ces résultats ?
Globalement, ces résultats sont plutôt décevants par rapport à nos objectifs initiaux. Ceci étant, ils s’expliquent par un environnement qui n’est pas favorable à la consommation individuelle.
Au-delà de cette activité morose, nous avons supporté des charges d’exploitation en augmentation par rapport à l’année passée mais qui ne pèseront pas sur le second semestre.

Au niveau de l’organisation, nous avons beaucoup investi dans les magasins Oxbow qui montent progressivement en puissance et qui ont pesé sur le résultat du premier semestre.

Votre activité a-t-elle été impactée par la hausse des matières premières, dont le textile en particulier, et par la parité euro/dollar ?
Concernant la hausse des matières premières, il est vrai qu’elles ont augmenté. Mais globalement, quand on analyse en détail nos prix de revient et d’approvisionnement, la marge brute a progressé.

Concernant le dollar mais aussi la livre, ces devises ont eu un impact négatif sur le chiffre d’affaires puisque celui-ci progresse de 1,9% à devises constantes contre une ‘non-progression’ en devises courantes. Ceci étant, il faut noter que nous achetons plus  que nous ne vendons en dollar. A court terme, la baisse du dollar favorise donc nos marges mais elle favorise nos concurrents américains.

Pourriez-vous nous détailler les résultats de vos quatre marques ? Quelle stratégie et quels objectifs adoptez-vous pour chacune de ces marques ?
Les résultats des marques, à l’exception de Le Chameau, ont baissé sur ce premier semestre, pour des raisons différentes.

Concernant Lafuma, son chiffre d’affaires a enregistré une légère baisse de 0,4% et ses charges d’exploitation ont augmenté. Les mesures prises à court terme sont une baisse des dépenses et le maintien d’un taux de marge en progression. On devrait donc avoir un second semestre meilleur que le premier.

Le chiffre d’affaires de Le Chameau a également été en baisse ce semestre, de façon plus significative que Lafuma avec une baisse de 4,5%. Cependant, le résultat d’exploitation de la marque s’est légèrement amélioré en grande partie grâce au repositionnement plus haut de gamme de cette marque. Nous avons opéré une sélection tant au niveau des produits que des clients pour ne garder que les catégories les plus rentables.

Cette sélection a permis d’enregistrer une progression de la marge brute de 3,3%, dans un objectif global d’amélioration de la rentabilité essentiellement par l’augmentation de la marge, la maîtrise des dépenses et pas forcément par une recherche de croissance à tout prix du chiffre d’affaires.

L’activité de Millet a enregistré une baisse de 5% liée en fait à des décalages de livraisons qui l’année dernière étaient réalisées sur fin mars ; cette année, en raison de retards d’approvisionnements, ces livraisons ont été faites début avril. Il s’agit donc d’un phénomène ponctuel qui sera totalement corrigé en septembre puisqu’on attend un chiffre d’affaires en hausse de cette marque. La marge d’exploitation sur l’exercice devrait être proche de celle de l’année passée.

Oxbow a vu son chiffre d’affaires progresser de 7% mais son résultat d’exploitation a été fortement dégradé par l’évolution des charges de structure et par l’augmentation des dépenses liées aux magasins puisque sur la deuxième partie de l’exercice 2007, nous avions ouvert six boutiques dont les charges se retrouvent au premier semestre 2008.
 
Quelles synergies avec Eider attendez-vous ?
Nous avons finalisé les accords pour la reprise d’Eider entre le vendredi 6 juin et le 11 juin. Cette acquisition a été réalisée dans le cadre d’une stratégie de complément dans le positionnement de nos marques. Celui d’Eider est intermédiaire entre ceux de Lafuma et Millet, avec un positionnement ski qui est beaucoup plus marqué que Lafuma et moins technique que Millet.

Eider est vraiment entre les deux marques et vient compléter parfaitement le positionnement de ces deux marques.

En termes de synergies, elles ont été quantifiées entre 1 et 2 millions d’euros, notamment par l’utilisation par Eider de nos structures internationales.

Nous avons des filiales qui permettront à Eider d’être mieux relayé dans les pays étrangers et sans véritable surcoût.

En matière d’organisation, nous avons l’intention de réorganiser cette société en la rapprochant fortement de Millet, que ce soit en termes d’administration, de management, de développement produit etc. Cette réorganisation devrait également générer sa quote-part d’économies.

Quel a été le coût de cette intégration ? Comment estimez-vous la rentabilité de ce projet ?

Les titres ont été acquis pour 1 euro et une partie de la dette d’Eider a été convertie en titres Lafuma (43 000 titres Lafuma ont été émis en échange de cette dette).

L’objectif est de ramener assez rapidement Eider à son point d’équilibre et d’atteindre un niveau de rentabilité d’exploitation qui soit proche de celui de Millet, c’est-à-dire 5% au plus bas et entre 9 et 10% au plus haut.

Quelle stratégie allez-vous adopter pour vous imposer en Asie face à Puma et Quiksilver qui sont déjà bien installés dans cette région ?
Nous comptons bien croître fortement en Asie où nous avons aujourd’hui une filiale au Japon qui marche très bien et réalise 10 à 11 millions d’euros de chiffre d’affaires porté principalement par la marque Millet. Nous entendons continuer le développement, notamment de Lafuma.

En Chine, nous possédons une filiale de distribution qui distribue Lafuma en Chine. Nous poursuivons notre développement au travers de boutiques en propre et de corners. Nous avons par ailleurs très récemment signé une licence pour Millet en Chine avec notre partenaire en Corée qui nous accompagnera en Chine dans le cadre d’un contrat de licence.

Oxbow a aussi commencé à s’implanter au Japon, sur Hong-Kong et en Chine.

Le cours de votre titre a perdu près de 23% depuis le 1er janvier. Quel niveau de cours serait satisfaisant selon vous ?
Le cours de bourse est naturellement sujet à deux facteurs. Aujourd’hui, tout le monde connaît l’évolution du marché boursier qui a fortement baissé, et notamment pour les petites capitalisations. Dans ce contexte, les performances de Lafuma ne sont pas là pour contrecarrer les tendances des marchés.

Aujourd’hui, nous considérons que le cours est très bas puisqu’il est inférieur aux fonds propres. C’est le lot de nombreuses petites sociétés. Une bonne valorisation de Lafuma, sur une base de résultats qui doivent s’améliorer, devrait être située à horizon de 18 mois autour de 40/50 euros pour remonter vers une valeur plus élevée.

Le mot de la fin pour vos actionnaires…
Nous avons la chance d’avoir des actionnaires fidèles qui comprennent la logique stratégique qui a été développée depuis quelques années par le groupe. Il faut que cette stratégie se traduise maintenant par des résultats meilleurs. Même si le contexte actuellement n’est pas favorable en matière de consommation et d’environnement économique, nous comptons bien ne pas les décevoir à terme.

Propos recueillis par Nicolas Sandanassamy et Amine Wakrim