Interview de Jean-Pierre Nordman : Président du directoire de Mindscape

Jean-Pierre Nordman

Président du directoire de Mindscape

Nous sommes confiants quant à une croissance supérieure au marché en 2009

Publié le 16 Avril 2009

L’année 2008 chez Mindscape s’est notamment traduite par une hausse du chiffre d’affaires de 32%, une petite progression du résultat opérationnel de 3,8% et une baisse  de 4% du résultat net. Pouvez-vous nous commenter ces chiffres et nous expliquer ces différents postes comptables ?
En 2008, la structure du chiffre d’affaires a suivi l’évolution structurelle du marché  et de ce fait a présenté un mix produit en faveur de la console, au détriment du PC qui a décru beaucoup plus rapidement que prévu. Or, sur la console, le coût des produits est plus élevé du fait notamment des royalties qui sont versées à Nintendo.

En outre, nous avons plusieurs connu plusieurs succès  en  coproduction et sur lesquels une part de marge est  reversée.

Nous avons également souffert d’un effet de change négatif à l’international. Cela nous a coûté quelques points de rentabilité.

Et enfin, la perte sur la Hollande –qui bien sûr n’avait pas été anticipée- a également impacté nos résultats. Des mesures immédiates ont été prises qui ont permis un retour à la rentabilité dès le quatrième trimestre de l’année.

Mindscape a gagné du terrain sur le marché des consoles (quatrième sur le marché DS et septième sur Wii). Pouvez-vous nous faire un point sur les investissements en R&D, les coûts de production, les royalties que les consoles impliquent ?
En 2008, nous avons investi pour environ 7,4 millions d’euros dans le développement de 38 produits nouveaux, ce qui revient à un peu moins de 200 000 euros par produit.

En 2009, nous prévoyons un budget de 6,4 millions d’euros (-14%), considérant qu’en 2008 nous avons constitué un fonds de catalogue important. Un certain nombre de produits que nous développons en 2009 bénéficient des développements réalisés en 2008. Prenons l’exemple de «I am a Celebrity» qui est une extension pour l’Angleterre de la licence «Koh Lanta» à partir  à partir d’un produit  qui a été développé pour la France ; le coût de cette extension est bien sûr moins élevé.

Les royalties à Nintendo entrent dans le coût de la cartouche. Dans nos comptes d’exploitation, elles apparaissent au poste «coût matières» et sont d’environ 25% du CA.

En outre, le  poste royalties, qui a augmenté en 2008,  comprend  les redevances payées aux détenteurs de licences (par exemple, pour Koh Lanta ALP qui est producteur de l’émission).

Figurent aussi à ce poste les versements à la coproduction.

La marge brute rapportée au chiffre d’affaires a diminué de dix points, dont huit s’expliquent par l’évolution du mix produits consoles/PC. Sur les consoles, quelles sont les marges brutes unitaires d’un jeu Wii et d’un jeu DS ?
Si nous avons un prix moyen de 35 euros TTC, notre prix de vente se situe entre 18 et 19 euros, sur lequel vont s’imputer environ 6 euros de cartouche, le  marketing (entre 10 et 13%) et l’amortissement de développement.

Vous affichez une croissance globale supérieure à celle du marché, par contre sur les PC vous affichez une décroissance supérieure à celle du marché. Quelles en sont les raisons ?
Le PC a particulièrement décru sur tout ce que nous pourrions appeler le multimédia, c'est-à-dire le segment  ludo-éducatif, la vie pratique et les utilitaires. La décroissance sur ces segments a été de plus de 50% alors que nous y étions historiquement fortement présents avec des produits de soutien scolaire comme «Adi» et «Graines de génie».

En revanche, la décroissance est plus faible sur le jeu PC stricto sensu. Dans le cadre de notre stratégie 2009, nous conservons un focus sur le PC parce que il demeure  une plate-forme utilisée chaque jour.

C’est aussi le support de notre  jeu en ligne  «Mission Equitation Online», appelé  «My Horse Club» à l’international.

Enfin, les  jeux casual sur PC connaissent un véritable succès, par exemple «Zuma» ou «Book Worm». Nous avons été parmi les premiers à ouvrir  ce marché dans la grande distribution. En un an, nous avons vendu plus de 120 000 produits dans  cette gamme, produits  qui à l’origine ont été développés par des grands producteurs de jeux casual en ligne.

Le PC reste pour nous une plate-forme importante. Notre part de marché sur le PC continue d’augmenter.

Comment voyez-vous évoluer le marché du PC en 2009 ? Et pensez-vous que votre chiffre d’affaires PC va poursuivre sa décroissance dans les mêmes proportions en 2009 ?
Je pense que le marché du PC va continuer à décroître en 2009. En revanche, j’ai du mal à me prononcer sur notre chiffre d’affaires, d’abord parce que je constate que sur ce premier trimestre 2009, nous avons très bien performé dans les jeux casual. De même, tout ce qui relève de la réédition, marché sur lequel nous occupons une position de leader  s’est très bien comporté  en ce début d’année.

Notre part de marché va donc continuer à progresser dans un marché qui va poursuivre sa décroissance.

Sur le online, «Mission Equitation» va accélérer sa monétisation en 2009. Le jeu fonctionne déjà sur le principe du item selling, c’est-à-dire que le joueur doit ici acheter des cartes pour progresser. Quels nouveaux modes de monétisation vont voir le jour sur ce jeu ?
Il y a une phase qui consiste à créer une communauté, à faire du  «social networking». Nous avons réussi cette première étape, et nous voudrions maintenant adopter un modèle mixte entre le item selling  et un forfait qui obligerait le joueur qui a pris goût au jeu (l’inscription au départ demeurant gratuite) à verser un droit d’adhésion. Ce principe nous garantirait un pallier de chiffre d’affaires.

A l’international, l’Angleterre bondit de 123%, à 5 millions d’euros de chiffre d’affaires. Quels jeux les Anglais apprécient tout particulièrement ?
Nous avons délibérément fait de l’Angleterre le deuxième territoire stratégique de Mindscape. Nous  avons commencé, avec des  jeux issus de séries télé ou de jeux TV. Le premier en date a été «Deal Or No Deal» («A prendre ou à laisser» en France) que nous avons lancé en 2007 et qui s’est vendu à plus de 180 000 exemplaires.

L’Angleterre est le premier territoire européen en matière de ventes de jeux. C’est vraiment un très gros marché, il représente le double de la France.

Nous avons développé des titres exclusivement pour le marché anglais ou anglo-saxon, et donc totalement originaux, ou des adaptations  de développements réalisés en France, par exemple «Coronation Street» qui est une déclinaison de «Plus belle la vie»).

Nous avons un line up désormais adapté aux pays anglo-saxons ce qui va nous permettre de couvrir l’éventail de ces pays, comme l’Australie où nous avons une filiale, voire le marché américain.

Est-ce que vous attendez encore une forte progression en Angleterre cette année alors c’est indéniablement le pays européen qui souffre le plus de la crise ?
Oui, nous pensons que nous allons continuer à croître en Angleterre. Il est vrai que nous souffrons du taux de change de la livre qui nous pénalise, mais les volumes de ventes de jeux anglais sont bien supérieurs aux volumes français.

L’Angleterre sert avantageusement votre stratégie internationale en vous ouvrant les portes des Etats-Unis. A quand Mindscape outre-Atlantique ?
Nous rentrons dans un pays en proposant des jeux adaptés au territoire. Je pense par exemple qu’un jeu comme «Koh Lanta» («Survivors» aux Etats-Unis) intéresse les Américains.

Si cette stratégie prend pied là-bas, nous y installerons une petite  structure, mais ce n’est pas encore d’actualité pour 2009.

Sur la Hollande, votre résultat opérationnel courant est négatif, mais vous avez dit qu’au quatrième trimestre 2008, vous aviez gagné de l’argent. Est-ce qu’on peut s’attendre à un exercice 2009 positif sur cette branche ?
Oui. Du fait du passage à la console, nous avons modifié notre modèle économique dans nos filiales qui sont de plus en plus devenues des structures de marketing et de ventes. Nous n’assumons que les coûts de distribution et de marketing.

Cette réorganisation en 2008 nous a coûté un peu cher, peut-être que nous l’avons réalisée un peu tardivement, mais maintenant nous sommes parfaitement opérationnels.

Et enfin, sans forcément nous donner des guidances chiffrées, quelles sont vos tendances prévisionnelles pour cette année ? Comment se comportent les premiers mois de l’année ?
Le premier trimestre dans notre métier n’est pas forcément significatif et il est donc difficile d’en tirer un enseignement.

Compte tenu de notre line up très bien construit, nous sommes confiants quant à une croissance supérieure au marché en 2009.

Propos recueillis par Marjorie Encelot